Immobilier : deux réseaux alternatifs du courtage

© Image Globe / NICOLAS LAMBERT

Dans leur genre, ils sont des électrons libres sur le marché très cadré du courtage immobilier de première ligne. A leur manière, ils s’adaptent à la crise et à la demande. En proposant à leurs pairs des partenariats adaptés.

Le grand public connaît la verve commerciale de Patrick Menache, fondateur de l’enseigne Macnash, distillée sur petit écran ou – en kilt – sur panneau publicitaire. On connaît moins la capacité de ce self-made man bruxellois du courtage immobilier, communicateur dans l’âme, de lancer de nouvelles idées pour s’adapter à l’évolution du marché.

Son nouveau cheval de bataille part d’un constat apparemment évident : la recherche d’un bien ne se fait plus majoritairement en agence. Septante-cinq à 80 % des candidats à l’achat passeraient d’abord par l’offre sur la Toile. Quant aux vendeurs, ils voient les panneaux dans les rues et appellent les agences par téléphone ; ils s’y rendent de plus en plus rarement.

“Pourquoi dès lors les agents immobiliers continueraient-ils à attendre le client derrière leur bureau ? pose Patrick Menache. Or, 90 % des courtiers professionnels y sont toujours rivés… Ce n’est pas derrière un bureau qu’on sent le marché et qu’on le quadrille. Par ailleurs, il existe des zones en province où la présence d’une agence immobilière réelle ne se justifie pas. Mieux vaut donc une agence virtuelle, qui se déplace selon les besoins du client et joue sur la notoriété et la veille administrative, juridique et technique d’un réseau fort”, ajoute le patron, fort de 14 agences sous franchise (87 employés), avec l’aplomb qu’on lui connaît.

Sa nouvelle réponse commerciale à ce constat de terrain : créer, depuis la rue Darwin à Ixelles, un réseau virtuel dans le réseau Macnash AssociateS existant, “plus professionnel, plus indépendant et plus proche du client”. Le nom de ce groupement d’intérêt économique (GIE) ? Macnash Premium.

Opportunisme commercial ? Publicité ? Sans doute. Mais aussi sens de l’anticipation et du marché : en permettant à une partie de son personnel – Patrick Menache affirme vouloir recruter 12 franchisés nomades d’ici fin 2012 – de ne plus pointer tous les matins à la même heure et rester calé derrière ses piles de dossiers à attendre un hypothétique client, il tisse la future toile nomade qui doit lui permettre d’étendre le rayon d’action de son réseau au-delà de son c£ur de cible bruxellois.

Zone géographique prioritairement visée : la province du sud du pays la plus active sur le marché immobilier et la plus densément peuplée : le Hainaut. Là, dans certaines zones éloignées des centres urbains, il y a un marché à prendre et à professionnaliser. Un marché que les notaires locaux ratissent largement pour l’instant. “Tout agent immobilier indépendant qui aime son métier et possède son agréation professionnelle rêve d’ouvrir SON agence. Mais il ne suffit pas de mettre son nom sur des cartes de visite et sur une façade pour exercer. Nous, nous allons offrir tout le reste, moyennant une mise de départ de moins de 10.000 euros : le back office, l’Intranet avec accès aux dossiers à distance, la notoriété, l’assistance juridique et tout le reste !” A cet effet, le site Internet jaune et bleu vient d’être entièrement repensé, présentant sous un nouveau jour les quelque 1.800 biens actuellement en portefeuille. Des mandats exclusifs ? “Pour la plupart. La concurrence entre agences dénature le bien, son image et son prix : un acquéreur qui voit plusieurs prix différents affichés pour le même bien a de quoi se poser des questions…”

Casser le monopole des grands réseaux

C’est également pour permettre aux petits courtiers isolés de survivre sans rester dans l’ombre des grands réseaux que Joe Chtouki a créé REEG (Real Estate Group). L’entrepreneur éclairé, qui se définit comme un spécialiste de la création de start-up, n’est pas né de la dernière pluie et a notamment fait fortune dans le domaine des télécoms (Toledo, European Telecom). Mais il connaît activement le monde immobilier depuis 20 ans et souhaitait aider son épouse, qui a vitrine immobilière sur rue à Genval, non loin de la gare.

Son nouvel objectif, calqué sur ses succès précédents, est clair : casser le monopole des grands réseaux que sont Century 21, Trevi, Era ou Engel & Völkers “qui imposent aux franchisés un droit d’entrée prohibitif – entre 15.000 et 25.000 euros – et un pourcentage sur chaque transaction (8 à 10 %) indécent par ces temps de crise. Chez nous, les frais d’adhésion mensuels sont limités à 150 euros. Rien de plus. C’est l’union des identités propres qui fera notre masse critique et notre force !”

Joe Chtouki, qui a déjà fédéré 50 agences indépendantes au sein de son réseau depuis janvier 2011, vient d’engager huit personnes (4 au nord et 4 au sud) pour accélérer le rythme des adhésions et atteindre la masse critique indispensable pour devenir bénéficiaire. Et il donne la mesure de ses ambitions : “Il y a urgence, vu la conjoncture, à venir en aide aux petits courtiers qui n’ont que quelques dizaines de biens sous mandat et rament pour tenir le coup. Quand REEG est né, nous étions le petit poucet des réseaux belges, en 20e et dernière position. Après six mois d’existence, nous sommes devenus le troisième réseau belge en nombre d’agences. Fin de l’année, nous serons sans doute le premier. Et notre visibilité est à l’avenant : le marché attendait ce trait d’union entre petits pour lutter contre le rouleau compresseur des grands”, lâche celui qui se définit sans rire comme le Robin des Bois de l’immobilier et identifie la résistance des petits courtiers à celle de petits épiciers unis contre les grandes surfaces.

Ses armes ? Une visibilité de groupe à frais compressés, des cartes de réduction sur les coûts de fonctionnement et, surtout, une mise en ligne partagée des offres de tous les adhérents (REEG.be). “Ainsi, un courtier d’Arlon peut très bien vendre le bien d’un de ses partenaires situé à la côte belge et vice-versa. Les commissions au coup par coup sont alors partagées, chaque adhérent restant libre de mettre son bien en ligne ou pas.”

Le prochain combat de Joe Chtouki est déjà tout désigné : briser un autre monopole, celui d’Immoweb, le leader incontesté de la vente en ligne en Belgique. “Ses concepteurs ont réussi à engluer les courtiers en les obligeant quasi tous à mettre leurs biens en ligne au prix fort sans plus avoir aucune garantie de conclure eux-mêmes le marché. REEG.be, lui, offre de plus en plus de biens en ligne et garantit au courtier, pour un prix low cost, qu’il rentabilisera son annonce et finalisera la transaction. La toile d’araignée que nous tissons rapidement trouve sa force dans l’absence de toute construction pyramidale.”

Que l’on adhère ou pas, ces deux initiatives ne manqueront pas de faire réagir et réfléchir la concurrence… Elles ont au moins le mérite de secouer un landerneau qui a besoin de nouvelles idées pour soutenir une activité commerciale qui est toujours en convalescence.

PHILIPPE COULÉE

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