Idriss Goossens, président du PropTech Lab: “La digitalisation du secteur immobilier s’est enfin accélérée”

Idriss Goossens: "La prochaine étape est la création d'un fonds d'investissement dédié à l'urbantech, soit la mobilité, la proptech et la climatetech." © PG

Les intérêts de la centaine de start-up proptechs belges et des grands groupes immobiliers commencent à converger. Une évolution qui doit simplifier et accélérer toute la chaîne immobilière. Et permettre, surtout, à ces grands groupes d’atteindre la décarbonation.

Son arrivée a été accueillie avec scepticisme par les acteurs de l’immobilier belge. Mais le PropTech Lab ne fait plus rire grand monde désormais, tant la digitalisation devient une question de survie pour un secteur particulièrement conservateur. Cet écosystème qui met en relation entreprises, start-up et investisseurs de l’immobilier belge autour de la thématique de l’innovation fourmille en tout cas d’ambitions. Tour d’horizon avec Idriss Goossens, son fondateur et président exécutif.

TRENDS-TENDANCES. L’immobilier ne se départit pas facilement de sa réputation de secteur très conservateur. Le changement est-il plus lent qu’attendu?

IDRISS GOOSSENS. Nous savions qu’intégrer la technologie et l’innovation dans des procédés qui ont fait leurs preuves depuis de nombreuses années prendrait du temps. Les acteurs du monde immobilier ne pourront toutefois plus résister bien longtemps et ne pas emprunter la voie du changement. Il faudra innover pour ne pas être déconnecté du marché et disparaître. Les chiffres le démontrent.

De quels chiffres parlez-vous?

2021 a été une année record pour le secteur de la proptech ( contraction de property et technology, Ndlr) avec 32 milliards de dollars d’investissements dans le monde. Alors qu’il n’y avait que 22 milliards en 2019. L’écosystème européen, avec plus de 3.200 start-up et scale-up, est sur la voie de la maturité. Il est principalement alimenté par les mesures et les politiques résultant du Green Deal européen, de la loi européenne sur le climat et du plan de relance Next Generation EU.

La proptech reste un concept qui apparaît peu accessible tant pour les professionnels que le grand public. Comment vulgariser ses principes?

Cela va se dérouler naturellement. La lutte contre le changement climatique sera l’élément déclencheur, j’en suis certain. Le Green deal européen va être un moteur de cette transformation. Nous devons réduire nos émissions de CO2 de 55% d’ici 2030. Le secteur est donc obligé de changer. Et les proptechs vont l’y aider. Elles envahissent déjà tous les aspects de notre vie quotidienne, ce qui est d’autant plus important puisque nous passons 85% de notre temps dans des bâtiments. Grâce à ces technologies, nous pourrons rattraper notre retard dans la course à la décarbonation et lutter contre le changement climatique puisque les villes sont responsables de 60% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et que la construction génère 40% des émissions de CO2.

En 2022, on dénombre 44 licornes proptechs dans le monde et la grande majorité n’existait pas il y a 10 ans.

Et à quelle vitesse se produira ce changement?

Le secteur proptech a été lancé il y a 10 ans et a toujours eu deux ans de retard sur les fintechs, notamment en termes de capitaux investis. En 2022, on dénombre 44 licornes proptechs dans le monde et la grande majorité n’existait pas il y a 10 ans. Notre secteur se digitalise à grande vitesse. Nos start-up se rapprochent du stade de la maturité. Je suis donc optimiste. Par ailleurs, beaucoup de grands groupes ont créé des départements dédiés à l’innovation. Je pense à Triginta, Befimmo, Van Roey, Dewaele Vastgoed, Immobel, BPI Real Estate, Matexi, Besix ou encore Atenor. Nous pourrions toutefois aller plus vite si nous étions davantage soutenus par nos gouvernements. En France et aux Pays-Bas, ils soutiennent l’innovation. Elle est même obligatoire dans les appels d’offres aux Pays-Bas. Ce qui est un incitant indéniable.

Quel bilan tirez-vous du PropTech Lab, six ans après sa fondation?

Très positif. Notre objectif était de créer un écosystème dynamique permettant de rapprocher start-up et acteurs de l’immobilier pour aider le secteur à innover, réduire ses inefficacités et répondre aux nouveaux besoins. Nous avons aujourd’hui 210 sociétés membres dont 112 proptechs, 70 promoteurs et une vingtaine de fournisseurs de solutions et de technologies. Nous affichons une croissance stable de nos membres d’environ 10% par mois et surtout un taux de renouvellement de 90%.

Vous venez d’annoncer une fusion avec votre homologue luxembourgeois. Quel est l’intérêt d’un tel rapprochement?

Cette fusion est une évolution naturelle pour les deux réseaux en raison de leur grande proximité et de leur complémentarité. L’intérêt est multiple: grâce à cette fusion, nous augmentons de plus de 30% la taille de notre écosystème, pour atteindre les 287 sociétés. Cela permet donc d’augmenter la portée de nos messages et de faire un bond de deux ans en avant, en termes d’adoption d’innovation et de transformation digitale. Pour bien comprendre l’avantage d’une telle fusion, on peut par exemple relever qu’il manquait au Luxembourg des solutions d’après-vente en résidentiel ou de stationnement intelligent, ce que l’on retrouve chez nous. Alors que la Belgique manquait de solutions en termes de tokenisation et de technologie de blockchain, ce que l’on retrouve chez eux.

Le premier objectif du PropTech Lab semble être rempli. Quelle sera la seconde phase?

Nous venons de définir deux axes prioritaires: intensifier les interactions entre nos membres et accompagner la transformation digitale du secteur. Pour ce faire, nous avons lancé une plateforme en ligne pour nos membres. Nous sommes donc devenus une société avec un produit, ce qui inclut de devoir réfléchir au développement de nouvelles fonctionnalités. L’autre élément, c’est que PropTech Lab vient de lancer, en joint-venture avec le promoteur immobilier Revive, un accélérateur de transformation digitale. Il s’appelle “Resilient Cities Recap.World”. L’objectif est d’aider les grands groupes immobiliers à faire appel aux start-up qui leur permettront d’atteindre la décarbonation. Nous avons créé un outil qui permet de classer leur maturité d’agilité et d’innovation. En fonction de ce classement et de leurs ambitions, nous allons les conseiller dans leur stratégie et sélectionner les start-up les plus pertinentes. L’idée est de leur partager toutes les innovations de la chaîne immobilière.

Des exemples concrets d’associations?

Ils sont déjà nombreux. Allianz Real Estate travaille avec la start-up DeltaQ pour réduire la consommation énergétique de son patrimoine. Proximus a acheté avec Besix la start-up i.Leco qui est active dans l’optimisation énergétique. Cofinimmo collabore avec BePark pour mutualiser ses parkings. AG Real Estate travaille avec Commuty pour optimiser la mobilité de ses employés. Downtown utilise BC Matérials, qui est un nouveau matériau de construction circulaire et neutre en carbone. Befimmo collabore avec JuuNoo pour implémenter des murs amovibles et circulaires. De son côté, Shayp propose ses solutions à Lidl pour réduire sa consommation d’eau. Et DCA fait appel à Meet Roger pour améliorer les communications internes et la gouvernance.

Quels sont les prochains projets sur lesquels vous travaillez?

La prochaine étape est la création d’un fonds d’investissement dédié à l’urbantech, soit la mobilité, la proptech et la climatetech. C’est un projet qui était en genèse depuis quelques années et qui aboutit enfin. La structure d’investissement est déjà définie. Je me concentrerai sur cette nouvelle mission, ce qui explique pourquoi Noémie de Crombrugghe est devenue il y a peu CEO de PropTech Lab.

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