Evergrande devient le Lehman Brothers chinois, tandis que les investisseurs craignent l’effet de contagion

Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Vendredi dernier, la banque centrale chinoise a injecté plusieurs milliards de dollars dans le système financier afin d’éviter une grave pénurie de liquidités. Mais cette crainte d’un effet domino n’est pas seulement présente sur les places boursières chinoises, les bourses européennes sont aussi fort inquiètes.

La semaine dernière, les banques chinoises ont appris que le magnat de l’immobilier Evergrande ne pouvait plus payer les intérêts de ses obligations. En conséquence, les intérêts sur les obligations à risque ont atteint des niveaux de crise, ce qui a rendu l’obtention de crédits plus difficile, en particulier pour les promoteurs immobiliers. L’indice Hang Seng Properties, qui regroupe une douzaine de valeurs immobilières cotées à la bourse de Hong Kong, a d’ailleurs chuté de près de 7 % lundi matin, pour atteindre son niveau le plus bas en cinq ans.

On sait Evergrande lourdement endetté, mais on apprend aussi que le groupe aurait des dettes équivalentes à plus de 250 milliards d’euros auprès de fournisseurs, de financiers et d’investisseurs. Par effet boule de neige, l’incapacité d’Evergrande à respecter ses obligations pose également des problèmes à ses sous-traitants, qui n’ont désormais plus l’argent nécessaire pour payer leurs employés et leurs fournisseurs. Des centaines d’investisseurs et de clients en colère car ils ont payé des avances pour leurs biens immobiliers ont manifesté devant le siège social à Shenzen. Les actions d’Evergrande ont déjà perdu près de 90 % de leur valeur boursière par rapport à l’année dernière.

“La Chine n’a pas d’autre choix que d’intervenir pour empêcher les manifestations et les troubles sociaux engendrés. Trop de Chinois attendent que leur maison soit achevée”, déclare Frank Vranken, analyste stratégie chez Edmond de Rothschild Europe. D’autres observateurs sont moins rassurés et craignent que la Chine fasse payer créanciers et actionnaires.

Le gouvernement veut éviter l’explosion du marché immobilier et vient de prendre des mesures afin de réduire le levier d’endettement des promoteurs immobiliers. Evergrande aurait déjà commencé à rembourser des dettes dans certains projets immobiliers inachevés cet été.

Impact sur le Bel-20

Les déboires d’Evergrande ont des répercussions sur le Bel-20, où les grands perdants sont : le producteur d’inox Aperam, avec une perte de 6,3%, et les acteurs financiers Ageas et KBC avec des pertes de 4,8% et 3,4%. Et même si Aperam ne réalise qu’un faible chiffre d’affaires en Chine, c’est l’ensemble du secteur qui boit la tasse. Ainsi, ArcelorMittal a perdu un peu plus (-8%) qu’Aperam. Ces dernières années, la Chine a été une importante importatrice de matières premières et de matériaux de construction, et pendant de nombreuses années, elle a été pratiquement le plus grand chantier du monde.

La compagnie d’assurance Ageas est très présente en Chine. Ping An, un de ses actionnaires importants a perdu 5% vendredi passé, puis encore 6 % hier. Ping An a déjà annoncé qu’Ageas n’était pas exposé aux obligations ou aux actions d’Evergrande, mais sa partie assurance-vie possède de nombreux investissements dans ces actions immobilières par le biais de fonds d’assurance. Les actions de China Taiping Insurance Holdings, avec laquelle Ageas a conclu un partenariat pour la vente d’assurances-vie, ont également perdu près de 5% en Bourse.

Le Bel-20 a perdu 1,3 % lundi, soit un peu moins que l’AEX d’Amsterdam (-1,4 %). Le DAX allemand, qui a accueilli aujourd’hui dix nouveaux membres, a terminé la journée d’hier sur une perte de plus de 2%. Le large baromètre européen Stoxx 600 a, quant à lui, chuté de 1,7 %.

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