Événements, services et logistique: les atouts des parcs de bureaux modernes

Corda Campus - Le site accueille notamment des restaurants, un salon de coiffure itinérant, un point de retrait de Carrefour et une (mini-)agence KBC. © PG

Oubliés les espaces mornes et monofonctionnels: le “business park” nouvelle version allie sérieux et… “food truck” festivals , bourses à l’emploi et cours de yoga.

“Le Corda Campus accueille 5.000 personnes : c’est presque autant qu’à la grande époque de Philips. A ceci près que l’on y recense désormais 250 entreprises, contre une seule en ce temps-là. C’est excellent pour la dynamique économique de la région “, se réjouit Raf Degens, directeur général du Corda Campus, à Hasselt. L’homme est convaincu que l’économie limbourgeoise est aujourd’hui beaucoup plus énergique que durant les années où elle était tirée par des méga-entreprises, comme les mines de charbon, Philips ou Ford. Et le Campus Corda n’est pas étranger à ce phénomène, ajoute-t-il. L’endroit est en tout cas devenu en un rien de temps the place to be pour les entreprises limbourgeoises. Après la fermeture de l’usine Philips, en 2004, la Province du Limbourg, la Ville de Hasselt et la Compagnie de reconversion limbourgeoise ont converti le site ainsi libéré, à la périphérie de Hasselt, en un campus destiné à accueillir des sociétés technologiques et de services. Aujourd’hui, les 90.000 m2 d’espaces du bureaux répartis entre neuf bâtiments sont quasi intégralement loués, au prix du marché. En accueillant le Corda Campus, Hasselt se fait un nom dans le secteur des parcs de bureaux régionaux dynamiques. Pour Raf Degens, la composante régionale gagne en importance : ” Nous nous considérons un peu comme le pendant oriental de la Ghelamco Arena, le parc d’activités gantois “, expose-t-il.

Ville ou périphérie : l’un n’est pas mieux, ou plus mal, que l’autre. Chacun a ses avantages et ses inconvénients.” Philip Walravens, CEO de Tribeca Capital Partners

En Wallonie, ce phénomène immobilier est incarné par l’Axisparc. Sur un terrain de 20 hectares situé à Mont-Saint-Guibert, à un jet de pierre de Louvain-la-Neuve, ce business park développe 60.000 m2 de bureaux, où se côtoient 170 entreprises. ” Nous sommes actifs dans toute la Belgique, mais la dynamique de l’Axisparc est unique “, s’exclame Philip Walravens, CEO de Tribeca Capital Partners, l’immobilière bruxelloise gestionnaire des lieux. Tribeca a dû créer une liste d’attente d’entreprises désireuses d’investir le parc.

A Diegem, en périphérie bruxelloise, Tribeca Capital Partners gère également le Pegasus Park, propriété, depuis le début de l’année, de l’assureur portugais Fidelidade. Eux aussi transformés de fond en comble, les lieux sont très prisés. ” Nous avons réussi à faire grimper le taux d’occupation de 65% en 2014 à 95% environ aujourd’hui “, se félicite Philip Walravens.

Antwerp Blue Gate - L'éco-efficience sera le principe conducteur de ce parc industriel et de bureaux de 60 hectares,
Antwerp Blue Gate – L’éco-efficience sera le principe conducteur de ce parc industriel et de bureaux de 60 hectares,© PG

Périphérie ou ville

Le succès de ces parcs d’activités dément l’affirmation selon laquelle le retour en ville – et en particulier, dans les quartiers des gares – sonnerait le glas des bureaux suburbains et dépendants de la voiture, qualifiés de reliques d’une époque révolue. ” La réalité est légèrement différente “, nuance Maximilien Mandart, partner au sein de l’agence immobilière Cushman & Wakefield, qui précise que le concept de parc de bureaux a considérablement évolué ces dernières années. ” En Belgique, la plupart de ces parcs datent du tournant du siècle. Des promoteurs qui avaient acquis des parcelles sur de vastes terrains ouverts en périphérie de grandes villes y ont construit des complexes de bureaux. Pour convaincre les entreprises d’aller s’y installer, ils ont proposé quelques services et facilités, par exemple un restaurant d’entreprise. ” Leur facilité d’accès en voiture a joué en faveur de ces business parks, devenus très vite très à la mode. Mais ces sites n’ont pas été épargnés par la crise financière. L’inoccupation a atteint des niveaux records, contraignant propriétaires et gestionnaires à réinventer le concept. ” Certains complexes ont intelligemment adopté le fameux new way of working, poursuit Maximilien Mandart. Pour réduire les coûts, les entreprises ont repensé l’utilisation de l’espace, en misant par exemple sur les paysagers et les postes de travail flexibles. Cette diminution du nombre de mètres carrés devait être compensée, pour les collaborateurs, par l’adoption de mesures de confort supplémentaires, comme des bars à café. Les parcs insuffisamment occupés ont sacrifié une partie de leurs espaces de bureaux pour accueillir des zones destinées à maximiser l’expérience pour les occupants. Ils se sont simultanément attelés à créer un esprit communautaire, en organisant des food truck festivals, un marché de Noël annuel, des cours de yoga, etc. ”

Philip Walravens qualifie de ” typiquement belge ” cette habitude d’opposer ville et périphérie. ” Voyez la Silicon Valley, qui reste la référence internationale en la matière : la grande ville la plus proche est San Francisco, qui se situe tout de même à bonne distance, fait-il remarquer. Il y a, de surcroît, moyen de trouver plus sexy comme emplacement. C’est pourtant un lieu propice à l’installation de nombreux travailleurs, à l’organisation d’activités communes et à la création d’une culture partagée. ” Le CEO estime que nous avons une définition trop stricte de la notion de ville : ” Sans lui appartenir sur le plan administratif, Diegem relève bien de la sphère d’influence urbaine de Bruxelles, par exemple “.

” Le Corda Campus se trouve à 1,5 km de Hasselt, confirme Raf Degens. Pour les visiteurs étrangers, habitués à des échelles nettement plus grandes, il est en plein centre-ville. ” ” Ville ou périphérie : l’un n’est pas mieux, ou plus mal, que l’autre, conclut Philip Walravens. Chacun a ses avantages et ses inconvénients et ils sont, dans une large mesure, mutuellement complémentaires. ”

Axisparc - Ce
Axisparc – Ce “business park” développe 60.000 m2 de bureaux, où se côtoient 170 entreprises.© PG / YVAN GLAVIE

Facteurs de succès

Sur le Campus West, le Groep Bouwen entend bien jouer la carte des nouvelles tendances en matière de bureaux et de travail. Nouvelles tendances qui, selon Patrick Bouwen, tournent dans une large mesure autour de la flexibilité accrue : ” La journée ‘9h-17h’ est un concept dépassé, estime-t-il. Idem pour celui qui consiste à avoir une place immuable. Il est donc impératif de proposer diverses formes de bureaux. Par ailleurs, les interactions entre vie professionnelle et vie privée sont aujourd’hui beaucoup plus nombreuses : les courses, le sport, la crèche, etc., sont de plus en plus imbriqués dans la sphère professionnelle. C’est une porosité que le parc de bureaux ne peut que soutenir. Enfin, la guerre des talents fait rage, en tout cas pour l’instant. L’environnement de travail se doit donc d’offrir une valeur ajoutée, d’aider l’employeur à être concurrentiel. Les bureaux et les parcs de bureaux doivent par conséquent se distinguer. ”

Les parcs d’activités nouvelle mouture offrent effectivement un large éventail de services et d’équipements. Le Corda Campus accueille notamment un salon de coiffure itinérant, un point de retrait de Carrefour et une (mini-)agence KBC. A cela s’ajoutent plusieurs établissements horeca, qui vont de la sandwicherie au restaurant haut de gamme. Lors du redéploiement du site Pegasus, Tribeca Capital Partners a fait le choix d’un restaurant spacieux et de qualité. Et attiré les premières aires de coworking de Belgique. Le Campus West prévoit lui aussi d’accueillir un vaste espace de coworking . ” Cette politique s’inscrit dans la tendance à la diversification de l’offre d’espaces de travail, précise Patrick Bouwen. Une entreprise de deux personnes peut s’installer ici dans 20 m2, avant d’occuper 200 m2, voire, pourquoi pas, 20.000 m2… ” Sans collaborer avec aucun opérateur spécialisé, le Corda Campus offre lui aussi des équipements de coworking. ” En réalité, tout le site est conçu selon ce principe, mais à plus grande échelle, résume Raf Degens. Et sur un mode plus durable également, puisque les entreprises qui s’y installent ont l’intention d’y demeurer longtemps. ”

L’espace y étant moins rationné, la périphérie des villes permet de marier parcs d’activités et végétation.

De quoi d’autre encore le succès des parcs de bureaux dépend-il ? ” La qualité et le suivi de la gérance sont essentiels, répond Maximilien Mandart. Remercier le gestionnaire une fois le parc entièrement loué, est une erreur : il faut de la continuité, si l’on ne veut pas se retrouver très vite avec un nouveau vide locatif. ” Philip Walravens approuve, non sans préciser que l’immobilier tourne de plus en plus autour de l’hospitalité : ” Les entretiens avec les locataires ne se limitent plus au prix du loyer et à la durée du bail, tant s’en faut ! Nous nous enquérons de leurs besoins, et de la philosophie de leur entreprise “.

Tous nos experts soulignent l’importance du sentiment communautaire. ” Un restaurant sympa, une bonne ambiance en coworking, contribuent à créer un esprit de communauté, énumère Philip Walravens. Pour autant, du moins, que le confort y soit. Un restaurant n’est pas qu’un lieu où l’on mange : il ajoute un sentiment de vécu. ” Raf Degens opine . ” Nous avons voulu concentrer toute la restauration dans le bâtiment central, relate-t-il. C’est l’endroit où les salariés des différentes entreprises se côtoient. ” Notre interlocuteur précise que le Corda Campus n’a rien d’une communauté fermée : ” Tout le monde y est le bienvenu ! Nous croyons fermement au modèle du campus. Ici, on rencontre tout et son contraire : entreprises petites et grandes, services, horeca, écoles, jusqu’à l’université de Hasselt ! Nous envisageons même d’ajouter une fonction résidentielle au site “.

Axisparc - Ce
Axisparc – Ce “business park” développe 60.000 m2 de bureaux, où se côtoient 170 entreprises.© PG / YVAN GLAVIE

Sa volonté de créer un sentiment de communauté est la raison pour laquelle Tribeca Capital Partners investit énormément de temps et d’énergie dans l’organisation d’événements au sein de ses parcs. Au programme de l’Axisparc de Pegasus : bourse à l’emploi, marché de Noël et séances de saut à l’élastique. ” Les événements sont l’âme du site, le petit plus qui fait du parc de bureaux un lieu apprécié, et non un endroit où l’on est obligé de se rendre chaque matin pour travailler, analyse Philip Walravens. Nous tentons par ailleurs de créer sur chaque site une sorte d’écosystème au sein d’une niche précise. Parce que ce sont les environnements de ce type qui offrent aux interactions entre entreprises l’opportunité d’aboutir à quelque chose de concret. ”

Le rassemblement autour d’un thème est un modèle que Blue Gate Antwerp, projet porté par DEME Environmental Contractors, AG Vespa, PMV, de Vlaamse Waterweg et Bopro, se fait fort d’appliquer strictement. L’éco-efficience sera le principe conducteur de ce parc industriel et de bureaux de 60 hectares, situé à la périphérie sud d’Anvers. ” Les entreprises qui veulent s’y installer sont évaluées selon trois critères, révèle Peter Garré, CEO de Bopro. Un : leur ancrage dans le tissu économique de la région. Deux : la mesure dans laquelle elles sont disposées à intégrer notre économie circulaire. Et trois : leur volonté de construire de manière durable, dans le respect des principes de l’économie circulaire. Draconien ? Non : les entreprises ont, tout autant que Blue Gate, intérêt à ce que leur installation sur le site soit synonyme de valeur ajoutée. Nous voulons être convaincus du bien-fondé du choix. ” Le groupe Quares se chargera de la gestion du parc et de sa logistique, comme la restauration, les espaces de réunion, le stationnement et les systèmes de voitures et de vélos partagés. En phase initiale, tout cela sera organisé au sein de l’incubateur BlueChem, qui sera prêt dans le courant de l’année 2020.

Campus West - Actuellement en construction sur la rive gauche de l'Escaut, à Anvers, ce
Campus West – Actuellement en construction sur la rive gauche de l’Escaut, à Anvers, ce ” business park ” sera niché dans deux hectares de verdure.© PG

Mobilité

” L’emplacement est évidemment déterminant pour la réussite du projet, poursuit Philip Walravens. De nos jours, on entend surtout par ’emplacement’, la densité du personnel suffisamment formé dans la région. La proximité d’une université est un atout majeur ; chez Axisparc, nous le constatons chaque jour. L’université assure en outre une dynamique, grâce aux start-up et aux spin-off qui en sont dérivées. Enfin, elle est un vecteur de formation permanente du personnel à part entière. ”

Plus simplement, on entend également par emplacement, l’accessibilité. Les parcs de bureaux cherchent à proposer des solutions alternatives à la voiture. Ils ont même une longueur d’avance sur les emplacements centraux lorsqu’il s’agit de pouvoir être rallié à vélo, électrique ou non, précise Philip Walravens : ” Je me rends régulièrement à vélo au bureau situé au centre de Bruxelles, mais ce n’est pas drôle : je me suis déjà fait renverser sept fois ! Adapter les infrastructures est souvent bien plus facile à l’extérieur qu’en pleine ville. Le Pegasus Park, par exemple, jouxte la piste cyclable rapide qui relie Louvain à Bruxelles “.

Le Campus West attache lui aussi une importance particulière aux autres modes de déplacement. ” Des autoroutes cyclistes le traversent de part en part, confirme Patrick Bouwen. Et le tram qui va jusqu’au centre d’Anvers s’arrête devant l’entrée ; d’ailleurs, sans cela, nous n’aurions pas acheté le site. Ceci dit, quelle que soit la manière dont on envisage les choses, exclure totalement la voiture est absolument impensable. D’après une étude récente, celle-ci assure toujours près de 70% des déplacements domicile-travail. Il est donc impossible de ne pas prévoir d’emplacements de stationnement en nombre suffisant. ”

Le Corda Campus a quant à lui l’ambition de se muer en plateforme de mobilité. ” Situé à proximité d’une gare, le site est aussi très facilement accessible – sans embouteillages – en voiture, décrit Raf Degens. Mais nous mettons l’accent sur d’autres solutions encore, comme la trottinette et le vélo électrique. Nous aimerions également être les premiers à créer une navette sans conducteur qui relierait le parc au centre de Hasselt. ”

Bopro s’étend à Anvers et Bruxelles

L’agent immobilier et promoteur gantois Bopro s’offre Lateral Thinking Factory (LTFc), consultant spécialisé en économie circulaire. Il s’agit de sa troisième acquisition en six mois. En octobre, c’est l’anversois Common Ground, actif dans la création de soutien et l’accompagnement de processus, qui était tombé dans son escarcelle ; parmi les références de Common Ground figurent la communication relative à l’aménagement de la ligne de tram Noorderlijn et l’intendance des travaux de couverture du ring, l’un et l’autre à Anvers.

En reprenant, en avril, Advisers, cabinet de conseil technique pour le secteur immobilier, Bopro a renforcé sa position sur le marché bruxellois. Dirigée par Tanguy de Lophem et Jacques Timmerman, toute l’équipe d’Advisers a intégré la nouvelle organisation. Les actionnaires, Philémon Wachtelaer et Eric Verbeeck, seront administrateurs externes de Bopro pendant quatre ans. ” Les travaux préparatoires en vue de ces acquisitions ont duré deux ans environ, relate Peter Garré. Les reprises sont le résultat d’un exercice stratégique destiné à greffer durablement nos activités sur un tissu économique en pleine mutation. A cette occasion, nous avons constaté qu’il nous manquait certaines compétences ou capacités : Common Ground nous permettra de disposer de l’expertise nécessaire pour créer, chez toutes les parties prenantes, l’assise indispensable à l’accompagnement des processus. Advisers est quant à lui solidement installé à Bruxelles, un marché où nous n’étions pas encore vraiment implantés. ” La reprise porte de 65 à 100 personnes l’effectif de Bopro.

Une nouvelle gare pour Anvers ?

Le Groep Bouwen négocie actuellement avec la Ville d’Anvers et Infrabel la réouverture de la gare du Linkeroever, à 50 mètres de l’entrée du Campus West. Il veut contribuer à financer le projet en recourant au régime des dépenses de développement urbanistique, qui permet aux promoteurs de réinvestir une partie de leurs profits dans l’espace public. ” Cette gare a été fermée dans les années 1980, rappelle Patrick Bouwen. Pas forcément pour de mauvaises raisons : elle était trop peu fréquentée. Mais le quartier se développe aujourd’hui à une vitesse vertigineuse. A terme, notre parc de bureaux accueillera 5.000 personnes environ ; si l’on ajoute à cela les habitants du complexe Regatta et les travailleurs de l’entreprise d’édition Mediahuis, située à proximité, cela fait un nombre impressionnant de voyageurs potentiels dans un rayon de 500 mètres ! ”

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content