Entre le coliving et l’hotellerie: le loft urbain, l’investissement all-in

Yust Liège Depuis mi-mai, il est possible de louer en plein coeur de Liège un loft entièrement équipé pour une durée d'un mois à un an, une chambre d'hôtel ou un lit dans un dortoir pour une nuit, tout en profitant d'espaces communs, d'un coworking, d'un "rooftop" et d'une multitude de services. © pg/ Tijs Vervecken

L’investissement hôtelier ou semi-hôtelier a la cote. Plusieurs promoteurs se sont lancés ces dernières années sur ce segment avec des concepts hybrides, dont notamment les Anversois de Yust et les Bruxellois d’Everland. Les ventes à la pièce de chambres ou de lofts dans un environnement branché et multiservices séduisent. D’autant que le rendement est garanti.

Les portes se sont ouvertes mi-mai. En plein coeur de Liège, sur le site de Paradis Express. On y retrouve notamment 65 lofts urbains et 35 chambres d’hôtel. Un concept unique en Wallonie qui permet à la fois de louer un loft entièrement équipé pour une durée d’un mois à un an maximum, une chambre d’hôtel (familiale ou simple) ou un lit dans un dortoir pour une nuit, tout en profitant d’espaces communs, d’un coworking, d’un rooftop de 300 m2 et d’une multitude de services (restaurant, bar, blanchisserie, nettoyage, etc.). Les investisseurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, toutes les unités étant déjà vendues. Un succès similaire à celui connu trois ans plus tôt à Anvers, premier projet de Yust – acronyme de Young Urban Style -, l’ambitieuse société anversoise de Stéphane Verbeeck et Louis Claes. “Notre concept novateur est destiné aux milléniaux, lance Louis Claes, cofondateur de Yust Group. Il est hybride, mi-hôtelier, mi-coliving. C’est une sorte d’habitat groupé qui propose des séjours de courte et de longue durée avec services partagés (restauration, événements propres, etc.). Outre la nuitée en tant que telle, vivre des expériences, participer à des événements et s’immerger dans l’atmosphère locale se profilent davantage comme des besoins. Il y en aura pour tous les goûts.”

Un des risques de l’investissement en immobilier hôtelier est que les investisseurs dépendent d’un opérateur sur lequel ils n’ont que peu de contrôle pour leurs rendements locatifs.

Si le rez-de-chaussée reste à chaque fois la propriété de Yust, les étages supérieurs (sept à Liège dont cinq pour les longs séjours) sont destinés à la vente. Les unités ont, en moyenne, été vendues à 200.000 euros hors frais. Les investisseurs reçoivent un rendement garanti de 3,5% pendant 30 ans. S’ils ne peuvent profiter de leur bien, ils bénéficient de la gestion complète (rénovations et réparations comprises) et peuvent toutefois le revendre quand ils le veulent. Le principe est donc à comparer avec n’importe quel investissement immobilier dont la gestion est confiée à des tiers. Dans ce type de projet, c’est d’ailleurs davantage le gestionnaire que le bien immobilier qui est important. Car c’est de sa responsabilité que dépendent le rendement et l’entretien à long terme. “La grande différence avec un appartement ou un studio standard est le service complet qui se trouve dans l’immeuble et dont les locataires bénéficient, comme le changement des draps, l’équipe de nettoyage, le service de repas, les vélos partagés, etc., lance Peter Vanmaldeghem, CEO et fondateur du conseiller en investissement Realis. De plus, cela revient moins cher que de payer toutes ces choses individuellement.”

Louis Claes, cofondateur de Yust Group
Louis Claes, cofondateur de Yust Group “Notre concept novateur est destiné aux milléniaux. Il est hybride, mi-hôtelier, mi-coliving.”© pg

Yust bientôt à Bruxelles et Gand

Yust n’est encore qu’au début de son expansion. Le groupe a levé 8 millions en mars dernier auprès de Stélina Invest, TheClubDeal Club I, Nextgen et Krest Real Estate Investments. Un montant qui doit permettre de financer les deux prochains projets à Bruxelles et Gand. Le projet bruxellois sera localisé rue Royale – sur le site de l’église du Gesù – pour une ouverture espérée en 2024. Il s’inscrira dans la reconversion de l’ancien couvent en briques brunes qui a vu se succéder depuis près de 20 ans plusieurs projets. Les sociétés immobilières VDD Project Development et Redet (famille Verbeeck) portent actuellement un projet mixte de 20.000 m2 sur l’îlot urbain à reconvertir. Outre un espace de coliving (8.000 m2, 100 unités) figurent aussi au programme une centaine d’appartements neufs. D’autres ouvertures sont encore prévues par la suite au Portugal (Porto et Lisbonne) et dans le reste de l’Europe. “Nous croyons beaucoup à ce concept et avons une importante volonté d’expansion, estime Louis Claes. A priori, en Belgique, nous estimons que quatre implantations sont possibles. Nous visons des villes de 200.000 habitants de type B, pas Amsterdam ou Paris. Mais avec un tourisme dynamique, comme à Liège où 30% des touristes qui viennent en Wallonie y passent. Notre modèle est de vendre les unités pour nous permettre de sortir de l’Ebitda et du cash qui peuvent assurer rapidement notre croissance.” Et Peter Vanmaldeghem d’ajouter: “Il est frappant de constater qu’une fois que les investisseurs ont trouvé leur chemin vers ce concept, ils y restent fidèles. Par exemple, parmi les investisseurs de Yust Anvers, nous avons constaté un regain d’intérêt pour Yust Liège. En plus, nous assistons à une réussite à Anvers qui profite à l’utilisateur final. Et nous voulons poursuivre cette expérience dans d’autres villes. Les investisseurs se tournent de plus en plus vers l’immobilier, et des concepts comme celui-ci, qui sont très demandés, se portent également très bien.”

Everland et ses 2.000 chambres d’hôtel

Un autre acteur est également présent sur ce segment de l’investissement hôtelier. Il n’est pas question ici de compléter l’offre via du coliving ou une multitude de services. Mais cet acteur a de l’appétit puisqu’il est copropriétaire et gestionnaire de plus de 2.000 chambres d’hôtels rien qu’à Bruxelles (via les hôtels Urban Yard, The Scott Hotel, Yadoya et Hygge) de même que de 1.000 kots étudiants. Soit au total 12 hôtels sous gestion et 16 projets en développement. Le tout réparti sur plusieurs pays européens.

L’idée de départ était, à chaque fois, de revendre les chambres entièrement rénovées sous la houlette de l’architecte d’intérieur Michel Penneman. Les investisseurs bénéficient alors d’un rendement net garanti d’environ 4%, le propriétaire devant bien évidemment céder un contrat d’usufruit de 25 ans à Everland. De quoi lui permettre de s’assurer de l’exploitation de la chambre. Il s’agit donc d’un pur produit d’investissement dont il ne faut pas s’occuper. Le prix varie de 150.000 à 200.000 euros hors frais.

La stratégie évolue parfois puisque leur prochaine grande transformation – l’ancien hôtel Sheraton de la place Rogier réaménagé en hôtel haut de gamme de 532 chambres du groupe Marriott via sa marque “Autograph Collection” – restera sous gestion propre. Selon Avi Haïm, fondateur et ancien président d’Everland, ce sera le plus grand hôtel du Benelux. La transformation complète de l’hôtel représente un investissement de 100 millions d’euros pour une ouverture au printemps 2023. Everland est actif dans notre pays depuis 15 ans. La société est actuellement dirigée par Ilan Haïm, le frère d’Avi. “Nous venons d’une famille d’agents immobiliers, détaille Avi Haïm. Par le biais de leur société Interland basée à Londres, nos parents ont constitué un portefeuille immobilier comprenant 2.000 appartements. Une carrière dans l’entreprise familiale semblait couler de source. Sauf que mon frère et moi voulions créer notre propre entreprise. Grâce à un ami, Avi Barmoche, nous nous sommes retrouvés à Bruxelles, où nous avons tout de suite décelé un potentiel intéressant.”

Yust Anvers Le concept a d'abord été lancé à Anvers. Nombreux sont ceux à avoir investi à Liège après une première expérience dans la Métropole.
Yust Anvers Le concept a d’abord été lancé à Anvers. Nombreux sont ceux à avoir investi à Liège après une première expérience dans la Métropole.© pg/ MatthiasVanhoutteghem

Avi Haïm décrit Everland comme la combinaison “d’un promoteur immobilier atypique et d’un opérateur hôtelier atypique”: “Nous essayons d’avoir un regard innovant sur le marché, détaché des concepts et modèles traditionnels. Tous nos hôtels ont leur propre identité et nous essayons d’en faire des lieux uniques à chaque fois. Nous observons une tendance à long terme dans la façon dont les gens vivent, travaillent, font leurs courses, se détendent. La distinction entre voyage et hébergement s’estompe. Au lieu d’un voyage d’affaires ou d’un city-trip, les gens choisissent de plus en plus souvent de rester plus longtemps dans une même ville. Cela nécessite un concept hôtelier différent. D’ailleurs, au lieu du concept d’hôtel, nous évoluons de plus en plus vers des appartements urbains mêlant business et voyages. Avec davantage d’espaces communs et des concepts uniques de restauration tout en y ajoutant des chambres ou des appartements qui conviennent également aux longs séjours .”

Everland n’a pas non plus peur de sortir des sentiers battus quand il s’agit de financement. Pour assurer la transformation d’un immeuble de bureaux situé avenue Louise en une résidence d’appartements de luxe, Everland s’est tourné vers la plateforme de crowdlending BeeBonds. Selon ce dernier, cette levée de fonds de 4 millions d’euros est le plus important financement par crowdlending jamais réalisé en Belgique.

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Filets de sécurité

La commercialisation des différents projets a été confiée à Realis, une société de conseils en investissement immobilier. “Everland est très fort pour développer des concepts qui répondent aux tendances sociales déclare Peter Vanmaldeghem, PDG et fondateur de Realis. Mais cela ne les empêche pas de valoriser également notre savoir-faire et notre expérience. Ils sont très à l’écoute et nous impliquent dans le développement des concepts afin qu’ils deviennent des produits intéressants non seulement pour le visiteur des hôtels, mais aussi pour nos investisseurs.”

Un des risques de l’investissement en immobilier hôtelier est que les investisseurs dépendent d’un opérateur sur lequel ils n’ont que peu de contrôle pour leurs rendements locatifs. “C’est vrai, dit Avi Haïm. Certains investisseurs ont des difficultés à accepter cette situation. Je ne vais pas prétendre que les deux dernières années ont été les plus rentables, mais nous avons constamment continué à payer nos investisseurs.”

Peter Vanmaldeghem sait que les investissements dans l’immobilier hôtelier n’ont pas une très bonne réputation. “Nous avons joué un rôle de pionnier dans certains projets de niche. Mais dans le domaine de l’immobilier hôtelier, nous étions loin d’être les premiers. C’était un choix délibéré car nous n’avions pas encore trouvé de formule adéquate. Nous avons une certaine appréhension par rapport aux formules locatives. Grâce à nos formules all-in, nous veillons donc à ce que les investisseurs reprennent le contrôle de leur bien en cas de défaut de paiement. Nous fournissons également des filets de sécurité par le biais de certaines garanties bloquées. Et en ne privilégiant pas les slogans ’emplacements de choix’ mais plutôt ’emplacements intelligents’, nous offrons également une valeur ajoutée.”

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