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Des propriétaires harcelés

Lire la chronique de Thierry Afschrift Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles.

On veut donc contraindre les propriétaires à réduire économiquement leurs revenus, tout en augmentant considérablement leurs charges.

Les mauvaises nouvelles s’accumulent pour les propriétaires, et plus particulièrement pour ceux qui possèdent de l’immobilier en Région bruxelloise. Il y a bien sûr les risques éventuellement liés à la réforme fiscale, certes très hasardeuse du ministre Van Peteghem. On laisse entendre, dans les rumeurs, qu’il pourrait être question de taxer les loyers réels, et aussi, d’une manière ou d’une autre, les plus-values immobilières. Pendant ce temps, la Région bruxelloise s’obstine à garder des taux de droits d’enregistrement (12,5 % en principe) parmi les plus élevés du monde, en tout cas pour les propriétaires investisseurs.

Ces menaces d’ordre fiscal ne sont pas les seules. Ils savent qu’ils vont devoir assumer des frais considérables pour assurer la “transition climatique” de leurs logements, et qu’ils ne doivent pas beaucoup compter sur les pouvoirs publics, comme toujours, pour les supporter.

Pendant ce temps, la ministre bruxelloise du Logement veut neutraliser l’indexation des loyers. Alors que les frais de rénovation augmentent encore plus que l’inflation, et que les salaires, eux, continuent à être indexés.

On veut donc, outre les risques fiscaux évoqués ci-dessus, contraindre les propriétaires à réduire économiquement leurs revenus, tout en augmentant considérablement leurs charges. On les traite comme s’il s’agissait nécessairement de “possédants”. Dans l’imaginaire marxiste, un propriétaire immobilier est nécessairement un riche qu’il faut spolier alors que la majorité des propriétaires sont très loin de répondre à cette image. Beaucoup sont endettés, et doivent affecter tout ou partie de leurs loyers à des remboursements de charges. D’autres ont investi dans l’immobilier pour bénéficier, à l’âge de la retraite, d’un revenu décent. Ils savent que, à supposer que les pensions puissent être effectivement payées, elles sont d’un niveau incroyablement médiocre, dans un Etat qui réussit ce prodige d’imposer de très lourdes cotisations à ses travailleurs, indépendants et salariés, tout en leur octroyant des pensions souvent dérisoires. Notre sécurité sociale est un modèle d’inefficacité financière, et les gens le savent. Cela n’empêche pas les pouvoirs publics de s’en prendre aux investissements destinés à garantir des revenus convenables aux futurs aînés.

Certes, le tableau n’est pas tout à fait noir. Dans une ville comme Bruxelles, la population ne cesse d’augmenter, et le besoin en logements aussi. Ce n’est pas le gouvernement bruxellois, endetté et amorphe, qui parviendra à en créer des nouveaux. Il faudra bien, dès lors, sur le moyen terme, qu’il relâche la pression sur les propriétaires, s’il veut éviter que, par le jeu de l’offre et de la demande, les loyers montent inexorablement au détriment de ses protégés, les locataires.

Quant à la réforme fiscale, il faut espérer qu’il subsiste, même dans la majorité parlementaire, quelques personnes assez clairvoyantes pour comprendre que la chute d’un exécrable gouvernement est beaucoup moins dommageable que l’adoption d’une réforme correspondant aux rumeurs que le ministre des Finances laisse circuler, sans oser prendre position. Donnons-leur un petit argument de plus : sur le court terme (qui, seul, intéresse les politiciens), il n’est pas très intelligent, de majorer les recettes fiscales, de taxer les loyers réels nets, donc après déduction des frais, précisément lorsque les propriétaires devront investir, pour rendre leurs biens moins énergivores…

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