Vers une mise sous cocon des masques wallons

Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Les hôpitaux préfèrent commander des masques à bas prix en Chine. Cela met en péril l’unité de production montée en quelques semaines par l’entreprise Deltrian en pleine crise du Covid-19.

Souvenez-vous, au début 2020, on s’extasiait devant le dynamisme et l’ingéniosité des entreprises wallonnes qui se lançaient dans la production de matériel médical stratégique. Certaines ont ainsi pu fournir des respirateurs à des hôpitaux et d’autres se sont mises à produire massivement des masques. Moins de trois ans plus tard, il faut constater que les grands discours sur le “plus jamais ça” ont été balayés devant la comparaison des prix.

L’entreprise Deltrian (Fleurus), une société spécialisée dans la filtration de l’air, en fait la triste expérience à travers sa filiale DPE (détenue à 51% par la Région wallonne, à travers la SRIW et la Sogepa). Cette filiale avait été créée pour assurer la production de masques et permettre ainsi de protéger le personnel soignant et, plus largement, la population. Applaudissements généralisés. Mais applaudissements de courte durée. Une fois passée la situation d’urgence, une fois levées les fermetures d’usines en Asie, la plupart des hôpitaux ont recommencé à se fournir, à des prix plus bas, sur le marché chinois. Cela met en péril la viabilité à très court terme de la dernière unité wallonne de production de masques.

Interrogé ce mercredi au Parlement wallon, le ministre de l’Economie Willy Borsus (MR) n’a pas caché l’importance du choix à porter dans les prochaines semaines. Le gouvernement pourrait, en effet, décider d’arrêter là les frais, actant ainsi la perte des 877.000 euros investis dans cette usine par la Région, selon les chiffres publiés par Le Soir. “Ce n’est pas l’option que je privilégie, affirme Willy Borsus. Ce serait se priver d’une capacité qui pourrait nous être encore nécessaire à l’avenir. Je préfère donc m’inscrire dans la volonté européenne de relocaliser la production d’équipements stratégiques et trouver une solution pour garder cette capacité de production de masse chez nous.” La piste qui tient la corde est celle d’une “mise sous cocon” de l’usine, qui pourrait être relancée en moins de 48h en cas de besoin. Les équipements et les matières premières seraient donc conservées sur le site de Fleurus, afin de pouvoir redémarrer à tout moment. Cela coûterait 30.000 euros par mois. C’est beaucoup pour une usine qu’on n’utilise pas ; c’est peu par rapport aux dégâts d’une crise sanitaire.

La vraie solution structurelle serait pourtant de revoir les critères des marchés publics, parmi lesquels le prix est aujourd’hui “un peu trop prépondérant”, pour reprendre les termes du député Olivier Bierin (Ecolo). “Si le seul critère est le prix, nous ne sommes malheureusement pas en mesure de rivaliser, confirme Willy Borsus. C’est pourquoi il est important d’introduire des critères qualitatifs dans les marchés publics.” Les masques de Deltrian bénéficieraient alors d’un double avantage : une durée de vie de cinq ans contre trois pour leurs concurrents asiatiques et une protection virucide accrue. Jusqu’ici, personne ne semble malheureusement avoir eu l’idée de reprendre de tels éléments dans les cahiers de charge des hôpitaux, définis par les instances fédérales.

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