Une nouvelle année de turbulences pour le secteur du transport aérien

Cette appellation comprend les cadres dans les entreprises de transport, les ingénieurs en logistique et les cadres navigants (pilotes, copilotes et officiers mécaniciens).

Après une année catastrophique pour les compagnies aériennes, 2021 est assez loin de faire renaître l’espoir au sein du secteur. Tout dépendra de la réussite de la campagne de vaccination.

Commençons par une bonne nouvelle. L’Association internationale du transport aérien (IATA) s’attend à une augmentation du trafic de passagers de près de 50 % en 2021. La mauvaise nouvelle, c’est que ce montant correspond seulement à la moitié des chiffres enregistrés avant la pandémie.

2020 était une année tragique pour le secteur du transport aérien, qui s’est immobilisé dans la majeure partie du monde dès le mois de février. L’IATA a enregistré une baisse de deux tiers au niveau de l’aviation civile. Ses membres ont subi une perte nette de 118 milliards de dollars, dont 27 milliards pour les compagnies aériennes européennes. Une perte sans précédent. Sans aides publiques, la plupart des membres de l’IATA auraient fait faillite.

Le fret aérien se porte mieux, avec une perte de 11 % à l’échelle mondiale et de 16 % en Europe. La demande de biens est en effet remontée au mois de mai. Cependant, en raison de l’annulation des vols des avions passagers, la capacité affectée au fret était bien souvent insuffisante. Le nombre limité d’avions a entraîné une augmentation des prix du fret aérien d’un tiers en moyenne. Ainsi, le département de transport de marchandises du groupe Lufthansa, société mère de Brussels Airlines, a connu une excellente année. Le revenu par kilomètre a augmenté de moitié, pour une marge de 25 % sur le chiffre d’affaires. Après consolidation, toutefois, le groupe affichait une perte de plus de 6,7 milliards d’euros.

Les vacanciers, un facteur clé de réussite

L’IATA s’attend également à de lourdes pertes en 2021. Ses membres pourraient selon elle accuser une perte nette de 39 milliards de dollars. Ce n’est qu’en 2024 que le secteur pourrait revenir au niveau antérieur à la pandémie, et il s’agit là d’un scénario optimiste, qui mise sur une augmentation de 50 % du nombre de passagers.

L’IATA part du principe que la relance commencera en été, pour s’accélérer ensuite. Le deuxième semestre devrait être un moment décisif, à condition que les programmes de vaccination avancent et que les mutations du virus ne viennent pas jouer les trouble-fête. Dans le cas contraire, le secteur pourrait ne compter que sur une croissance de 13 %. “Cet été est très important pour nous”, a affirmé Peter Gerber, le nouveau CEO de Brussels Airlines la semaine dernière, lors de la présentation des résultats désastreux de 2020. “Les individus souhaitent et doivent également souvent prendre l’avion. Nous pensons que les vols touristiques augmenteront plus vite que les voyages d’affaires.”

L’IATA table aussi sur ce scénario. Lors d’une première phase, les vols courts et de distance moyenne attireront les voyageurs en Europe, principalement les vacanciers. C’est pourquoi les vaccinations et l’assouplissement des mesures de restrictions de voyages sont essentiels. La reprise des voyages d’affaires, quant à elle, risque de se faire attendre encore longtemps. Les longues distances, en particulier.

Lufthansa perd de l’ampleur

Le groupe Lufthansa l’a bien compris. L’entreprise approuve en grande partie les prévisions de l’IATA. “Il faudra plusieurs années avant de retrouver le niveau d’avant la pandémie”, a prévenu son CEO Carsten Spohr dans le dernier rapport annuel. “Nous n’oublierons jamais 2020. Le coronavirus a touché le secteur du transport aérien de manière inouïe.”

L’entreprise devrait à nouveau essuyer des pertes en 2021. Lufthansa doit parvenir à occuper la moitié de sa capacité pour être rentable. Le propriétaire allemand de Brussels Airlines compte cette année sur un taux d’occupation de 40 à 50 %. La période estivale en particulier devrait relancer la machine.

Entre-temps, Lufthansa resserre ses effectifs. Ayant dû se défaire de plus de 28 000 emplois l’année passée, l’entreprise compte aujourd’hui quelque 110 000 collaborateurs. Quant à la flotte, celle-ci comprend 150 avions en moins. Il y en avait encore 757 à la fin de l’année passée. La plus grande compagnie aérienne d’Europe tient soigneusement compte des changements de comportements induits par la pandémie, notamment en matière de voyages. Les réunions virtuelles devraient en effet remplacer une partie des voyages d’affaires.

Lufthansa travaille aussi sur ses objectifs de développement durable. Le groupe doit parvenir à réduire ses émissions de CO2 de moitié d’ici 2030, par rapport à 2019. Pour les courtes distances, il collabore dès lors avec des compagnies ferroviaires et de bus. La flotte est également renouvelée : les avions ont aujourd’hui 12,5 ans en moyenne. Les passagers peuvent également compenser les émissions de CO2 de leur vol grâce au programme Compensaid du groupe Lufthansa.

Le rétrécissement de l’entreprise implique en outre une diminution des investissements. Le groupe, qui devait investir trois milliards d’euros l’année passée, a fini par en engager 1,273. Un montant similaire est prévu pour cette année.

Rembourser les prêts

Lufthansa a pu subsister l’année dernière grâce aux neuf milliards d’euros qui lui ont été accordés par les pouvoirs publics. L’Allemagne a fourni la majeure partie de ce montant. Les autorités belges ont octroyé 290 millions d’euros à sa filiale Brussels Airlines.

Selon le dernier rapport annuel, ces chiffres méritent d’être nuancés. Il s’agit d’un montant total auquel Lufthansa peut éventuellement faire appel, principalement sous la forme de prêts garantis par l’État. À la fin de l’année 2020, Lufthansa avait effectivement utilisé 3,3 milliards d’euros sur les neuf milliards.

Depuis, le ciel s’est éclairci. Lufthansa indique vouloir “refinancer ses dettes dès que possible afin de pouvoir rembourser les aides publiques perçues.”

Priorité aux prêts existants

Sur les 290 millions accordés par l’État belge, trois millions d’euros ont été affectés aux fonds propres. Les autorités ont injecté cet argent dans SN Airholding, la holding qui détient la société d’exploitation Brussels Airlines. En outre, 190 millions sur 290 ont déjà été utilisés effectivement. L’année dernière, Lufthansa a payé huit millions d’euros d’intérêts sur le prêt.

L’entreprise souhaite en particulier rembourser les prêts des autorités allemandes aussi vite que possible. Depuis le deuxième semestre de 2020, elle a encore collecté 3,6 milliards d’euros sur les marchés privés des capitaux, à un taux d’intérêt relativement bas. Cela lui a permis de rembourser un prêt d’un milliard d’euros aux pouvoirs publics allemands. Par conséquent, un milliard d’euros est encore dû par le groupe en Allemagne, le reste étant réparti entre la Belgique, l’Autriche et la Suisse.

Pourquoi le groupe Lufthansa souhaite-t-il s’acquitter si rapidement de ces prêts de l’État ? Dans quelques années, le taux d’intérêt grimpera en flèche. Il devrait atteindre 9 % en 2027. Ce taux élevé constituait une exigence de la Commission européenne, qui considère les aides publiques comme une forme de distorsion de la concurrence. Emprunter de l’argent coûte aussi de l’argent. En outre, Lufthansa ne pourra plus verser de dividendes avant d’avoir remboursé les aides publiques qui lui ont été accordées, ce qui n’est pas très avenant pour les investisseurs de l’entreprise cotée en bourse. Par ailleurs, la direction ne peut pas recevoir de bonus si l’entreprise bénéficie de mesures de soutien de la part de l’État.

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