Pieter Timmermans

Transparence fiscale: ‘Les entreprises belges pourront-elles garder la tête hors de l’eau ?’

Pieter Timmermans Administrateur délégué de la FEB

À la demande du G20, l’OCDE a élaboré une réforme fiscale internationale, baptisée BEPS (Base Erosion and Profit Shifting). Son principal objectif est de créer une transparence fiscale et de veiller à ce que les entreprises paient leur ‘part équitable’ d’impôts des sociétés. Les recommandations de l’OCDE, qui sont transposées en règles contraignantes par l’Europe, auront un impact important sur nos entreprises. Pourront-elles garder la tête hors de l’eau face à l’imminente vague BEPS ?

L’OCDE a lancé son programme d’action visant à lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert artificiel de bénéfices. Ce n’est qu’ainsi que des impôts pourront être effectivement payés là où les activités sont exercées et les bénéfices sont réalisés. La Fédération des entreprises de Belgique (FEB) est bien entendu absolument favorable à une application correcte des règles et à une concurrence fiscale saine entre les États membres.

Toutefois, pour les entreprises belges qui opèrent dans une petite économie ouverte et qui misent fortement sur les exportations, il revêt une importance cruciale que tous les pays de l’OCDE mettent ces recommandations en oeuvre correctement. Pourquoi ? Parce qu’elles ont un effet sur la position concurrentielle belge, notre pression fiscale et notre transparence fiscale.

Les entreprises belges pourront-elles garder la tête hors de l’eau ?

Premièrement, alors que l’OCDE ne formule que des recommandations politiques, l’Europe entend élaborer une réglementation contraignante. Il existe dès lors un risque que les entreprises européennes soient soumises à des règles plus lourdes en matière de transparence et d’obligations fiscales que leurs consoeurs américaines, chinoises ou autres. Ceci infligerait par conséquent un nouveau coup dur à la position concurrentielle de la Belgique.

Les recommandations de l’OCDE entendent en outre engendrer un degré plus élevé de transparence, mais les entreprises belges sont déjà très transparentes (‘BEPS-compliant’ dans le jargon). Par exemple, la Belgique a déjà mis en oeuvre les règles relatives aux prix de transfert. Celles-ci font en sorte que toutes les opérations entre sociétés liées s’effectuent à des prix conformes au marché. Nul besoin dès lors d’imposer des obligations supplémentaires superflues quant à leur documentation. Nous devons veiller à ce que les règles BEPS ne soient pas utilisées pour imposer encore davantage d’obligations aux entreprises, même si nous reconnaissons tous que les entreprises doivent pouvoir justifier leur politique fiscale à l’égard des autorités fiscales.

Troisièmement, le risque qu’un même bénéfice fasse l’objet d’une double imposition va augmenter. Grâce au reporting obligatoire, les administrations fiscales pourront parfaitement voir où les multinationales sont actives, combien d’impôts elles versent et où elles le font. Alors que dans le passé, toute la législation servait à éviter la double imposition, on risque maintenant d’assister à l’inverse. Chaque pays va penser que la partie de la base imposable qu’il reçoit des grandes entreprises est trop petite et va donc réclamer sa part. En tant qu’organisation patronale, nous ne pouvons l’accepter. Nous suivrons dès lors cet aspect de très près.

Enfin, ces règles ont un certain impact sur les entreprises qui ont mis un point d’honneur à respecter leurs obligations fiscales. En effet, il existe un risque que les plans d’action BEPS conduisent à un accroissement de la pression fiscale. L’OCDE a calculé que l’opération BEPS va rapporter entre 100 et 240 milliards, ce qui signifierait que le taux d’imposition moyen des entreprises belges, qui exercent des activités à l’international, pourrait augmenter de 2 à 3 points de pour cent. Ceci n’implique donc pas l’effondrement de notre système fiscal, mais nous contraint de réfléchir à notre fiscalité des entreprises et en particulier à notre impôt des sociétés.

Alors que le projet BEPS comporte surtout des défis à court terme, il est important de tenir également compte du long terme. Si les autorités veulent se profiler en tant que pays fiscalement attractif, elles devront viser une baisse de l’impôt des sociétés pour assurer la compétitivité de leur pays. Le programme BEPS a dès lors beaucoup en commun avec le climat : tout le monde doit participer pour arriver à des règles acceptables au niveau international. Si tel n’est pas le cas, nous risquons de boire la tasse. Nous espérons, pour nos entreprises, que nous ne connaîtrons pas pareille extrémité.

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