Transition forcée pour l’industrie sidérurgique en Europe

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© Getty Images

L’industrie sidérurgique européenne doit faire face à plusieurs défis, notamment une baisse de la production, une augmentation des prix de l’énergie et une concurrence accrue, tout en réduisant son empreinte carbone et en répondant aux besoins d’acier créés par la transition énergétique.

Largement utilisé pour le bâtiment, les infrastructures, l’automobile ou encore l’électroménager et bien que l’acier soit essentiel pour la construction d’éoliennes, de parcs solaires et de futurs réseaux de transport du CO2 et d’hydrogène, l’industrie sidérurgique européenne est de moins en moins compétitive face à la Chine et à d’autres pays émergents.

Cette industrie doit également faire face à une augmentation des coûts de l’énergie et à l’arrêt de certaines usines. Pour atteindre ses objectifs de décarbonation, l’industrie sidérurgique européenne doit remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables pour la production d’acier. En outre, les sidérurgistes européens doivent investir dans des installations d’hydrogène pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, cela nécessite des quantités élevées d’électricité et d’hydrogène propres, et la production d’hydrogène propre est encore un marché naissant. La sidérurgie européenne aura donc besoin d’au moins 2 millions de tonnes d’hydrogène dans les années à venir pour assurer sa transition énergétique.

L’industrie sidérurgique représente quelque 308.000 emplois directs dans l’Europe des 27, où la production d’acier a chuté de 10,5% en 2022 pour s’établir à 136 millions de tonnes, sur un total de 1,88 milliard de tonnes au niveau mondial (-4,2% en un an), selon l’association mondiale de la sidérurgie Worldsteel.

La Chine est le premier producteur au monde, avec un milliard de tonnes, suivie loin derrière de l’Inde (125 millions).

“Il y a dix ans, l’Europe exportait un peu plus qu’elle importait”, rappelle Marcel Genet, expert en sidérurgie et fondateur de la société Laplace Conseil.

“De moins en moins compétitif”

Mais au fil des années, le Vieux Continent s’est avéré “de moins en moins compétitif par rapport à de nouveaux pays, à commencer par la Chine, raison qui a conduit à poursuivre un certain nombre de fermetures d’usines en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en Angleterre” ou encore en France, résume-t-il auprès de l’AFP.

Ce fut, de façon emblématique, l’arrêt définitif des hauts fourneaux d’ArcelorMittal à Florange, dans l’est de la France, dont le 10e anniversaire sera marqué le 24 avril.

Aujourd’hui, la situation n’est pas plus rose: après les perturbations générées par le Covid, l’industrie sidérurgique européenne a dû essuyer en 2022 “des crises économiques” et une explosion “des coûts de l’énergie et même l’arrêt de certaines usines, tandis que 2023 ne laisse présager aucune amélioration”, écrit la consultante en énergie Sylvie Cornot-Gandolphe dans un rapport pour l’Institut français des relations internationales (Ifri) publié en janvier.

“On ne peut se passer d’acier”

Autant d’éléments — sans oublier que la production d’acier est particulièrement émettrice de gaz à effet de serre — qui poussent “l’UE et les sidérurgistes à accélérer la transition énergétique”, indique-t-elle, martelant que cette industrie “est le secteur clé pour la décarbonation de l’économie européenne” dans son ensemble.

Principal défi climatique: ne plus recourir aux énergies fossiles pour fondre le minerai de fer. ArcelorMittal, deuxième fabricant mondial d’acier, vise ainsi la production de 4 millions de tonnes d’acier sans émission d’ici à 2026, grâce à des installations utilisant l’hydrogène au lieu du charbon, et des fours électriques.

“L’hydrogène c’est très bien, mais si on n’a pas suffisamment d’électricité décarbonée et propre” provenant des éoliennes, du solaire ou du nucléaire, “on ne pourra pas faire de l’hydrogène bon marché”, estime Marcel Genet.

Le rapport de l’Ifri va dans le même sens: le remplacement des hauts-fourneaux “nécessite des quantités élevées d’électricité et d’hydrogène propres, et ce dès cette décennie, alors que les mix électriques (l’éventail des sources d’énergie électrique, NDLR) des pays européens ne sont pas complètement décarbonés et que l’hydrogène propre est un marché tout juste naissant”.

A elle seule, la sidérurgie européenne “aura besoin d’au moins 2 millions de tonnes d’hydrogène dans les prochaines années pour la transition”, soulignait en mars Axel Eggert, directeur général d’Eurofer, la fédération européenne de l’acier. Alors que l’UE a pour objectif d’ici 2030 de produire 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable par an sur son sol et d’en importer autant.

M. Eggert affirme également que “plus de 74 millions de tonnes de production d’acier supplémentaire seront nécessaires rien que pour atteindre les objectifs de l’UE en matière d’énergies renouvelables”.

“Solaire, éolien, nucléaire… tous les projets d’énergies renouvelables que l’on envisage et qu’on commence à mettre en œuvre consomment de plus en plus d’acier. Les éoliennes par exemple sont des gouffres à la consommation d’acier. Il n’y a absolument aucun signe qui dirait qu’on pourrait se passer d’acier, et il n’y a absolument aucun produit de substitution”, souligne Marcel Genet.

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