Start-up : l’enfer enchanté

Avec » Bienvenue dans le nouveau monde « , Mathilde Ramadier raconte son expérience au sein de l’univers » cool » des start-ups. » Infantilisation « , » tâches vides de sens « , » salaires dérisoires « … Un portrait grinçant.
Si l' »expérience start-up » fait rêver, Mathilde Ramadier pourrait bien en faire réfléchir plus d’un. La jeune femme de 29 ans, auteure du récent « Bienvenue dans le nouveau monde. Comment j’ai survécu à la coolitude des start-ups », lance un signal d’alarme. Elle y raconte ses quatre années de calvaire au service de ces jeunes entreprises, nouvel eldorado de la génération Y. « Idéologie totalitaire », « faibles rémunérations », « CDI inexistants »… La jeune femme dépeint un envers du décor peu élogieux. Si certains, à l’image d’Uber, sont aujourd’hui pointés du doigt pour leurs conditions de travail jugées « indignes », d’autres continuent leur aventure dans le silence.
La Française Mathilde Ramadier, plusieurs diplômes en poche, arrive à Berlin en 2011, véritable lieu de culte des start-ups. L’an dernier, ce n’est pas moins de 220 jeunes pousses berlinoises qui levaient des fonds. Elle se tourne vers cet univers à la fois « cool » et « jeune » et plutôt attrayant. Elle commence à travailler pour The Base (NDLR : les noms ont été modifiés dans le livre), et se voit attribuer un « welcome kit » (un PDF d’information, lui donnant un avant-goût de l’esprit de l’entreprise). S’ensuit alors une aventure au sein d’une douzaine de start-ups. « C’était la tyrannie du bonheur« , témoigne-t-elle sur le plateau de 28 Minutes, « on est sélectionné parmi les élus pour être les « héros » de cette nouvelle aventure, alors qu’en réalité, c’est un travail de petites mains, un travail à la chaîne en quelque sorte. »
Engagée en tant que Content Manager (responsable des contenus), elle traduit, écrit des textes, s’occupe de la communication et du marketing, jusqu’au « bore-out » (inverse du burn-out, où l’ennui au travail mène à la dépression). Nouveau « mal » de l’époque, les « bullshit jobs » fleurissent dans cet univers tout en couleur : « responsable du bonheur », « consultant en concertation », « réparateur de bonheur » (responsable du service client)… Des métiers vides de sens et qui ne servent à rien. « On est tous des managers « , indique pourtant Mathilde.
Elle enchaîne les expériences et les missions qui, pourtant, n’aboutissent à aucun CDI : » mon plus long contrat était un CDD de six mois« . Le salaire ne suit pas non plus, les postes sont souvent mal rémunérés. La jeune Française décrit « l’idéologie start-up », consistant à vouloir à tout prix changer le monde et aboutissant par conséquent à la mise en place d’un « asservissement de l’individu ». Pour pallier ce problème, le lieu de travail laisse place à un environnement « infantilisant », dominé par des sourires, des jeux et des bonbons. Des gadgets « inutiles », selon elle. L’absence de hiérarchie ne serait enfin qu’un mythe, elle avoue avoir été « fliquée » en permanence. Le tout, dans un univers « féroce », « compétitif » et « cynique ». « Beaucoup de gens rentrent dans le moule et incarne cette pensée, ils y croient vraiment… « , remarque-t-elle.
Quand la journaliste lui demande pourquoi cette fascination pour cette nouvelle économie, l’écrivain réplique : « ils ne savent pas ce qu’ils se passent derrière, et j’espère que d’autres voix après moi vont s’élever « .
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