Savics: la formidable aventure entrepreneuriale de Xavier Morelle

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Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Il a développé un logiciel, qui permet un meilleur dépistage de la tuberculose, et bientôt d’autres maladies, dans les pays en développement. Son entreprise, Savics, emploie 31 personnes et continue de grandir.

Entreprendre, c’est d’abord un enthousiasme. Diplômé en physique, Xavier Morelle travaillait au département de l’innovation de la célèbre marque de pneu Goodyear. “Au bout de treize ans, j’ai démissionné pour créer une start-up sociale, confie-t-il. Je voulais un boulot avec du sens et je n’ai jamais regretté mon choix.”

Savics, créée en 2016 et qui a notamment reçu un financement de finances.brussels, a développé un logiciel qui améliore substantiellement le processus de dépistage de la tuberculose dans les pays défavorisés : il permet d’informer en temps réel le patient et son médecin lors de cas positifs. On gagne ainsi des jours, voire des semaines dans la mise en place du traitement et des mesures pour réduire la transmission. Les données sont instantanément transmises à un serveur central, ce qui permet d’avoir une vue globale de la prévalence de la maladie dans un pays ou une région et d’adapter les politiques sanitaires en fonction. Ce logiciel DataToCare est surtout utilisé en Afrique (Benin, Maroc, RDC, Rwanda) et en Asie du sud-est (Philippines, Cambodge).

Flexibilité

Entreprendre, c’est bien entendu aussi de la flexibilité. L’idée initiale de Xavier Morelle n’était pas le dépistage de la tuberculose mais la réduction des coûts de la chaîne d’approvisionnement des ONG, qui interviennent lors des catastrophes, afin de rendre leurs interventions encore plus impactantes pour les populations touchées. “Les ONG appréciaient l’idée mais elles n’en faisaient pas une priorité, raconte-t-il. En août 2015, j’ai été mis en contact avec l’épidémiologiste Emmanuel André (que nous allions tous apprendre à connaître lors de l’épidémie de Covid-19), qui disposait de données intéressantes sur la tuberculose et peaufinait un logiciel pour les utiliser de manière efficace. Nous avons alors pivoté vers la tuberculose.

Savics: la formidable aventure entrepreneuriale de Xavier Morelle
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Pivotage rapidement concluant puisqu’en mars 2016 Savics signait son premier contrat avec l’OMS pour un projet au Bénin. Elle a connu depuis une forte croissance, en dépit des années Covid qui ont chamboulé toutes les priorités des autorités sanitaires internationales et réduit dès lors considérablement le carnet de commandes de Savics. “Les choses reprennent heureusement, précise Xavier Morelle. Nous sommes maintenant démarchés par des ONG, ce n’est plus seulement l’inverse. Cela confirme que nous avons réussi à construire une belle réputation.”

Enfin, entreprendre, c’est surtout offrir un bon produit ou service. Des machines de test PCR avaient été installées par milliers en Afrique. Mais les données étaient encore traitées à la main. L’arrivée de DataToCare a considérablement accéléré le processus. “Notre travail ne se limite pas à la collecte et à la transmission des données, précise Xavier Morelle. Il faut aussi s’assurer de la formation des personnes qui vont utiliser les machines et le logiciel. C’est l’optimisation de tout un écosystème qui va permettre de diminuer la prévalence de la tuberculose.

Avant le trou d’air des années Covid, Savics a immédiatement été profitable. Les bénéfices ont été réinvestis en R&D pour mettre au point un second produit : Mediscout. Il s’agit cette fois d’agir en amont pour identifier les profils à risque au sein de la population et, le cas échéant, les orienter vers les centres de test. Cela augmente évidemment l’impact sanitaire de l’action. Savics avait aussi envisagé de se positionner sur un autre maillon de la chaîne, à savoir le suivi du patient en traitement (toujours en misant sur son savoir-faire en matière de collecte et de traitement des données). Ce projet a été mis entre parenthèses du fait du Covid. “Nous avons travaillé sur la tuberculose mais nos logiciels peuvent aussi servir face à d’autres maladies, notamment le VIH, la malaria le Covid-19 ou ebola, ajoute Xavier Morelle. Ils pourraient également être utiles pour suivre la santé animale et végétale.

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De la main d’oeuvre autochtone

Savics a choisi d’utiliser majoritairement de la main d’oeuvre autochtone (il n’y a que six Européens dans les 31 employés de la société), à qui elle offre une formation adaptée. “ L’argent avancé par nos bailleurs de fonds reste ainsi en Afrique, insiste son fondateur. Ces gens restent quelques années chez nous et après, grâce aux connaissances acquises, ils trouvent un emploi dans une grande société ou lancent leur propre entreprise. Nous permettons à ces personnes de se développer.

Pour lui, entreprendre, cela peut donc aussi être le partage. Mais Xavier Morelle insiste : même si elle a une finalité très sociale et une action de type “coopération au développement”, Savics reste bien une entreprise, pas une asbl qui ferait, par exemple, appel aux dons des citoyens. “Si nous voulons vraiment avoir de l’impact, il est important que nous soyons une société profitable, conclut-il. Si nous parvenons à dégager du profit en travaillant en Afrique dans le domaine de la santé, cela signifie que nous avons mis en place quelque chose de pérenne et de soutenable sur le long terme. Notre but ultime est de ne plus dépendre de bailleurs de fonds (OMS, organismes de coopération…). Nous voulons construire des solutions qui puissent s’intégrer dans un pays avec les ressources de ce pays.

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