Proximus pris en ciseau par Orange et Telenet

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Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

L’accord croisé entre Orange Belgique et Telenet risque de coûter des parts de marché à Proximus et d’éroder sa position. Les consommateurs wallons auront plus de choix et de services télécoms (internet et télé).

Le marché des télécoms devrait connaître de gros changements ces prochaines années avec plus de choix pour les consommateurs. Jusqu’ici le marché était dominé par Proximus qui profitait de l’infrastructure de l’ancienne RTT (Régie des Télégraphes et des Téléphones). Un accord entre Orange Belgique et Telenet pourrait menacer cette position. “C’est clairement négatif pour Proximus” estime David Vagman, analyste financier chez ING, dans une note détaillant les conséquences potentielles de l’opération. “Cela réduit la valeur de l’infrastructure de Proximus.” Quelques soucis en plus pour Guillaume Boutin, CEO de Proximus…

L’ex monopole Belgacom a bien évolué

Au début des années 1990, la conversion de l’ancien monopole à la concurrence paraissait bien difficile. Mais la RTT, puis Belgacom (rebaptisée Proximus) a prospéré et surfé sur la croissance produite par l’arrivée de la téléphonie mobile et de l’accès à internet. La concurrence aussi, avec Telenet, centré sur la Flandre et à Bruxelles, et la télédistribution, Voo en Wallonie et à Bruxelles, Orange (ex-Mobistar) pour le mobile. Comme le gâteau grandissait fort, tout le monde était bien servi, mais le marché est maintenant arrivé à maturité. La croissance actuelle dépend donc beaucoup de la capacité à rogner des parts aux concurrents.

Une concurrence plus faible que chez nos voisins

Globalement, Proximus, qui s’est restructuré, restait à peu près en tête. Elle a même percé le marché de la télédistribution à l’époque du CEO Didier Bellens. La concurrence est toutefois restée un peu moins rude que dans les pays voisins, car les opérateurs Telenet et Voo sont jusqu’ici très régionaux. Orange n’avait pas de réseau fixe, câblé. La concurrence varie d’un coin à l’autre. Elle est moindre qu’en France, par exemple. D’où des coûts parfois plus élevés pour les consommateurs belges par rapport à des consommateurs de pays voisins, comme l’a relevé l’IBPT . Cela pourrait changer dans les prochaines années, car la division géographique du marché va se diluer. Telenet va pouvoir commercialiser des offres TV et d’accès à internet en Wallonie, où il était absent. Cette situation de concurrence limitée, réduite pour l’essentiel à Proximus et Voo, va changer. L’accord est valable 15 ans.

Des packs Telenet bientôt en Wallonie

D’abord, Orange Belgique va prendre le contrôle du réseau câblé Voo, en Wallonie et sur une partie de la capitale non couverte par Telenet. Pour obtenir l’accord de la Commission européenne (qui pourrait estimer que l’accord allait réduire la concurrence), Orange Belgique a signé un accord avec Telenet pour lui donner l’accès au réseau Voo et lui permettre de commercialiser ses services télé et internet. L’opérateur flamand (contrôlé par le groupe américain Liberty Global) pourra donc proposer des packs incluant aussi le mobile. Telenet contrôle en effet Base depuis 2016. La part de marché de ce dernier en Wallonie est faible (maximum 10%), elle pourrait alors augmenter. Orange Belgique a obtenu un accord symétrique pour proposer ses services sur le réseau Telenet, qui est en fait une amélioration financière d’un accord existant.

L’accord Orange/Telenet est un changement structurel

Ainsi une véritable concurrence nationale devrait s’intensifier, en particulier pour les offres couplées internet/télé/mobiles.

Proximus, qui est numéro un en Wallonie et numéro deux en Flandre, derrière Telenet, va affronter une concurrence accrue sur le marché wallon et bruxellois. Sur le premier, il bénéficiait d’un quasi-duopole entre lui et Voo. Pour la télédistribution, les deux opérateurs détiennent au moins 90% du marché wallon, et au moins 80% de l’accès à internet, avec une légère avance pour Proximus.

En Flandre, Telenet représente au moins 50% de ces deux services, contre 30% à 40% pour Proximus.

Proximus pris en ciseau

Ainsi un opérateur américain et un opérateur français, respectivement Telenet (Liberty Global) et Orange Belgium (groupe Orange), vont pouvoir prendre en ciseau Proximus, opérateur contrôlé localement. De son côté, Proximus mise sur le développement de son réseau de fibres optiques, la 5G et sur des mesures de productivité, annoncées récemment avec le plan Bold, en même temps qu’une baisse provisoire du dividende.

Ces accords pourraient aider Telenet, dont le cours de bourse a fort reculé, de 60 à moins de 20 euros sur 5 ans, tandis que celui de Proximus est passé sur la même période de 25 à moins de 10 euros.

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