Premier vol du Boeing 777X après une si longue attente

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Le plus grand avion au monde doté de seulement deux moteurs, le Boeing 777X, a effectué son premier vol inaugural samedi, après de longs mois de retard et une météo capricieuse ces derniers jours.

L’appareil, en livrée bleu et blanche et aux longues ailes dotée chacune d’un énorme réacteur, s’est posé à Boeing Field près de Seattle après environ 4 heures de vol dans le ciel de l’Etat de Washington, au nord-ouest des Etats-Unis. “Je serai toujours en train de voler s’ils m’avaient laissé faire”, a lancé Van Chaney, l’un des deux pilotes à bord.

Volant d’abord plein nord avant de mettre le cap vers l’est, le 777X a ensuite fait des éllipses à un peu moins de 15.000 pieds d’altitude (environ 5.000 mètres), selon le traqueur de vol Flightaware, visible sur le site de Boeing. Il était 10H09 locales (18H10 GMT) quand les roues de l’appareil se sont détachées de la piste avant que l’avion ne s’engouffre dans les nuages au-dessus de Paine Field, à Everett, à quelque 50 kilomètres au nord de Seattle. Ce vol inaugural, avec seulement deux pilotes à bord, marque le début de toute une batterie de tests en vol devant mener à la certification de l’appareil.

La crise du 737 MAX –l’avion vedette du constructeur cloué au sol depuis mars et la mort de 346 personnes– était dans tous les esprits, y compris celui du directeur de la division commerciale Stan Deal. Ce vol “est la démonstration aux yeux du monde que nous savons ce que nous faisons. Nous savons construire des avions sûrs et donner confiance au public”, a-t-il déclaré.

Le 777X, qui peut transporter de 384 à 426 passagers, présente un carnet de commandes de 340 unités, principalement de la part de sept grandes compagnies aériennes, dont Emirates, Lufthansa, Cathay Pacific, Singapore Airlines et Qatar Airways. Il est censé concurrencer l’A350 de l’avionneur européen Airbus. Les premières livraisons ne sont pas attendues avant “début 2021”, au lieu de mi-2020 comme prévu initialement, car la période des vols d’essai devrait être allongée et la procédure d’homologation approfondie.

Le vol inaugural du 777X était initialement prévu à l’été 2019, mais avait dû être repoussé en raison de problèmes avec le nouveau moteur GE9X, fabriqué par General Electric, et de difficultés avec les ailes et la validation des logiciels. L’avion a aussi rencontré des problèmes importants lors d’essais de pressurisation –dépassant sciemment les conditions normales d’utilisation pour s’assurer de la fiabilité du matériel– en septembre dernier. Le 777X est censé conforter la domination de Boeing sur Airbus dans le long-courrier, position fragilisée par la réduction prochaine des taux de production du 787 “Dreamliner”, faute de commandes fermes de la Chine.

Selon le site du constructeur, le 777X a un rayon d’action de 16.200 à 13.500 kilomètres en fonction de la configuration et du nombre de passagers à bord, et se veut extrêmement économe en carburant. Un argument fort en ces temps de “fly shaming” (réticences à prendre l’avion pour ne pas aggraver la pollution) et d’économies tous azimuts pour les compagnies aériennes. Il coûte entre 410 et 442 millions de dollars au prix catalogue, qui n’est que très indicatif et souvent exagéré par rapport au prix réel payé par les clients.

Besoin d’une bonne nouvelle

Le constructeur aéronautique a absolument besoin d’une bonne nouvelle. Il est englué dans une crise sans précédent depuis l’accident rapproché de deux 737 MAX en octobre 2018 et mars 2019, qui ont fait 346 morts. Les enquêtes en cours sur les causes de l’accident ont mis en cause un logiciel, le MCAS, qui devait empêcher l’avion de “décrocher”, c’est à dire de tomber, dans certaines configurations de vol. Mais au-delà de ce système c’est toute une culture de négligence, de priorité au profit avant la sécurité et de relations dangereusement étroites avec le régulateur américain qui a été dévoilée par les centaines de milliers de documents remis par le constructeur aux enquêteurs.

Mi-janvier, le conseil d’administration a nommé David Calhoun, 62 ans, aux commandes en remplacement de Dennis Muilenburg limogé pour une gestion jugée calamiteuse de la crise du MAX. Depuis M. Calhoun a essayé de rassurer à la fois les régulateurs, les salariés, les compagnies aériennes et le président Donald Trump. Outre la grave crise de confiance à laquelle doit faire face le constructeur américain, l’affaire du MAX a un coût exorbitant. La facture s’élève pour l’instant à plus de 9,2 milliards de dollars, mais les analystes s’attendent à ce qu’elle s’envole. Le manque à gagner est d’environ 1 milliard de dollars par mois depuis l’immobilisation, calculent les analystes de JPMorgan

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