Pourquoi le Rafale, après avoir été longtemps boudé, a fini par s’exporter

Personne n’en voulait, plusieurs pays se l’arrachent désormais: l’avion de combat Rafale, qui a démontré ses capacités sur le champ de bataille, tire profit de la politique étrangère française et du fait de ne pas être américain pour s’imposer sur le plan commercial.

La France et la Croatie ont acté formellement jeudi la commande de 12 Rafale d’occasion, lors d’une visite du président Emmanuel Macron à Zagreb. Ce contrat d’un milliard d’euros avait été annoncé en mai dernier. En septembre, la Grèce avait dit son intention d’acquérir six Rafale supplémentaires, portant le total de ses commandes à 24 appareils et le total de Rafale achetés par des pays tiers à 162.

Avant la Croatie, dont les Rafale seront prélevés sur l’inventaire de l’armée de l’Air et de l’Espace française, l’Egypte avait officialisé une nouvelle commande de 30 Rafale après 24 appareils en 2015. Le contrat pour ces 30 appareils est entré en vigueur la semaine dernière.

Le succès a pourtant été tardif pour cet avion entré en service en 2004. Echecs en Corée du Sud et aux Pays-Bas en 2002, à Singapour en 2005 puis au Maroc, aux Emirats, au Brésil… L’avion de Dassault Aviation, discret à défaut d’être furtif, acquiert une réputation d’appareil invendable.

Des retards de développement en raison de budgets de défense français contraints ont constitué un “véritable casse-tête” et “n’ont pas aidé” à sa promotion internationale, analysait en mai Richard Aboulafia, spécialiste de l’aéronautique pour Teal Group, dans la foulée de l’annonce de la commande égyptienne.

Il n’avait pas encore servi, il y avait l’image selon laquelle, notamment pour les partenaires européens, le matériel américain était meilleur. Aujourd’hui, on sait qu’il est efficace“, expliquait à l’AFP Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’Institut des relations internationales stratégiques (Iris). Son utilisation au combat à partir de 2007 en Afghanistan, puis en Libye, au Sahel et au Levant, parfois au terme de longs raids conduits depuis la France, a changé la donne, même s’il a fallu attendre 2015 pour qu’il connaisse ses premiers succès à l’export avec l’Egypte, le Qatar (36 avions) puis l’Inde l’année suivante (36 avions).

Face à une politique américaine hésitante lors des printemps arabes et aux sanctions de Washington contre New Delhi après ses essais nucléaires en 1998, ces pays ont voulu diversifier leurs fournisseurs, selon les deux chercheurs. Car ces programmes majeurs d’armements ne peuvent se permettre d’être remis en cause en cas de changement de politique à Washington, comme cela a été le cas pour les chasseurs F-14 vendus à l’Iran avant la révolution islamique de 1979.

– “D’autres bonnes nouvelles” possibles –

Il existe l’alternative Eurofighter, fruit d’une coopération entre Londres, Berlin, Madrid et Rome. Mais il suffit que l’un d’eux s’oppose à une exportation et “cela devient problématique”, relevait le chercheur américain Richard Aboulafia auprès de l’AFP. Si la Belgique a préféré le F-35 au Rafale en 2018, l’avion américain reste “cher, compliqué et s’avère inadapté à un certain nombre d’Etats”, ce qui a créé une “fenêtre de tir pour le Rafale”, selon M. Maulny.

Paris joue aussi un rôle primordial. “Il y a eu un alignement des planètes” sous le quinquennat du président socialiste François Hollande, où le soutien de l’exécutif a été “très efficace”, selon une source proche du dossier. “Le gouvernement français s’implique bien plus qu’au cours des premières années” du Rafale, a dit Richard Aboulafia, pour qui peu de pays exportateurs offrent des conditions de financement comme celles proposées à l’Egypte, un prêt de dix ans en grande partie garanti par Paris.

Après une année 2021 faste, même si la Suisse a finalement choisi en juin le F-35A américain, d’autres commandes pourraient suivre: le Rafale intéresse en effet les Emirats arabes unis et l’Indonésie. “On peut avoir d’autres bonnes nouvelles sur un certain nombre d’autres pays”, a affirmé mardi le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, refusant de donner davantage de détails sur les négociations.

Au micro d’Europe 1, il a estimé que “la reconnaissance aujourd’hui de la réussite du Rafale aussi bien au service des forces armées françaises qu’à l’exportation est avérée, et c’est une très bonne chose qui va se poursuivre dans les années à venir”.

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