Pour réussir, Amazon devra changer les habitudes des Belges

Stijn Fockedey Stijn Fockedey est rédacteur de Trends

Qu’Amazon s’implante en Belgique, ce n’est un secret pour personne. Ce qui est un peu plus confidentiel, c’est le nom de domaine qu’a dû prendre le géant américain du commerce électronique pour notre pays : amazon.com.be. Peu intuitif, Amazon Belgique démarre donc avec un léger handicap.

Amazon Belgique démarre son opération de séduction envers les consommateurs belges avec un nom de domaine quelque peu encombrant (https://www.amazon.com.be/) et surtout un train de retard sur son concurrent hollandais, Bol.com, leader sur le marché belge. Ce dernier bénéficiant déjà de la confiance et de la fidélité des consommateurs et des commerçants, surtout au nord du pays. Mais les experts estiment qu’Amazon peut réussir, en faisant valoir ses atouts, à savoir : sa puissance financière, une formule d’abonnement agressive et sa propre logistique.

Lors d’un entretien avec nos collègues de Kanaal Z, Eva Faict, directrice nationale d’Amazon Belgique, avait déclaré que le géant américain du commerce électronique abordait le marché belge avec de grandes ambitions. La société emploie déjà 50 personnes dans son dépôt logistique à Anvers et 150 à son siège à Bruxelles.

Depuis quelques années, Amazon préparait en coulisse le lancement d’une version belge de son omniprésente boutique en ligne. Mise en place de la logistique, recherche de marchands et d’entreprises arborant les couleurs nationales et création du site web. La seule chose qu’Amazon n’a pas réussi, c’est de mettre la main sur le nom de domaine amazon.be, déjà détenu “par l’assureur La Bâloise pour sa branche d’assurances vendues par certaines marques automobiles (Volvo, Jaguar, Land Rover, Lexus, Maserati…) et compagnies de leasing“, précise L’Echo. Les clients doivent donc se rendre sur amazon.com.be, pour effectuer leurs achats dans la boutique en ligne belge.

“Les consommateurs ne sont pas habitués à une telle adresse avec des sous-domaines”, explique le professeur et expert en commerce de détail Els Breugelmans (KU Leuven). “Amazon est déjà bien connu ici, bien sûr, mais l’entreprise doit investir dans la communication auprès des consommateurs pour leur inculquer cette habitude. Dans les classements des boutiques en ligne, les plus populaires de Belgique, Amazon est depuis longtemps présent, mais à travers les boutiques en ligne des pays voisins.”

Pourquoi Amazon lance seulement maintenant une boutique en ligne en Belgique ?

ELS BREUGELMANS. “Amazon a en effet attendu longtemps. Dans la liste des boutiques Amazon récemment lancées, la Belgique se trouve en compagnie des pays d’Amérique latine, c’est-à-dire des marchés émergents. Nous sommes une bizarrerie là-bas. L’absence de la bonne adresse web pourrait être une explication, mais je pense que d’autres motifs sont en jeu. La Belgique était déjà très bien couverte par les boutiques en ligne Amazon des pays voisins, c’est aussi un petit marché, multilingue de plus, et bien sûr vous avez la popularité de bol.com.”

Amazon débarque avec une offre locale de marchands belges, mais celle-ci est assez limitée. Serait-ce à cause des scandales aux États-Unis ? Où Amazon était trop laxiste en matière de contrefaçon et accusé de copier les produits de ses partenaires ?

BREUGELMANS. “Tout d’abord, ici Amazon n’arrive pas dans un terrain vague. Bol.com a résolument tiré la carte du site marchand il y a quelques années. Aux commerçants qui vendent par l’intermédiaire de son site web, Bol.com a communiqué très clairement et a également réfuté explicitement les rumeurs selon lesquelles le site entrerait en concurrence avec ses partenaires en vendant des produits en interne. En plus de cette communication, Bol.com a également mis en place tout un service, ce qui lui a permis d’attirer de nombreux commerçants.

“Je peux imaginer qu’en ce moment beaucoup de détaillants attendent et observent lorsqu’il s’agit d’Amazon Belgique. Après tout, il y a des frais de démarrage, vous devez faire entrer vos produits dans le catalogue, mettre en place une nouvelle logistique, etc… Et cela pour une boutique en ligne dont on ne sait pas encore le nombre de visiteurs qu’elle attirera. Ceux qui ont maintenant suffisamment de ventes et transactions sur Bol.com vont donc attendre. Je ne pense pas non plus que la plupart des commerçants aient envie de marchander avec Bol.com ou Amazon afin d’obtenir une commission plus basse.”

Amazon commercialise également son service d’abonnement Prime, avec une livraison gratuite plus rapide et un service vidéo. Aux États-Unis, ce service coûte environ 15 dollars par mois. Ici, c’est seulement 2,99 euros.

BREUGELMANS. “Cela s’inscrit probablement dans une stratégie de pénétration, qui consiste à convaincre le plus de clients possible et le plus rapidement possible. Un prix bas est le meilleur moyen de convaincre les consommateurs, vous leur enlevez la crainte qu’ils n’y trouvent pas leur compte. Il est également logique, d’un point de vue stratégique, de commercialiser ce produit de manière agressive maintenant. Une fois que les consommateurs auront souscrit cet abonnement, ils seront plus enclins à acheter davantage chez Amazon. C’est l’effet de verrouillage.”

La boutique en ligne belge d’Amazon pourrait-elle être un succès ?

BREUGELMANS. “Elle peut devenir un très gros acteur en Belgique, rien qu’au vu de la puissance financière d’Amazon. Mais ils devront investir dans la communication pour dépasser Bol.com, qui a réussi à s’imposer dans les habitudes des consommateurs belges et néerlandais. Les acheteurs s’y rendent directement pour chercher un objet qu’ils veulent acheter. Amazon devra donner de nouvelles habitudes”.

Si les clients le souhaitent, Amazon continuera à investir dans la logistique en Belgique

Amazon possède un empire logistique, avec des centres de distribution gigantesques et sa propre flotte de transport, mais ce n’est pas encore ainsi en Belgique pour le moment. “Amazon est encore dans une phase expérimentale ici”, déclare Steve Muylle, professeur à la Vlerick Business School. “Amazon suit toujours le même plan. Elle externalise d’abord le dernier kilomètre, le dernier tronçon entre le centre de distribution et la livraison à domicile, pour y investir ensuite. Cette année en Belgique, Amazon a largement pris en main ses livraisons, ce qui lui a permis de mettre fin à son partenariat avec bpost. Il est important de noter qu’Amazon agit ainsi principalement parce qu’elle veut améliorer la satisfaction de ses clients, et non parce qu’elle veut optimiser ses coûts logistiques. L’externalisation représente un trop grand risque pour l’expérience client. Si vous êtes dépendant d’un prestataire qui travaille souvent avec des sous-traitants, vous avez alors moins de contrôle sur les commandes défectueuses ou endommagées.”

Lire aussi| Logistique urbaine: comment accélérer et fluidifier le dernier kilomètre?

“Cela me rappelle vraiment la façon dont Amazon a pris le contrôle aux États-Unis, en 2016. Fedex ne voulait pas donner la priorité à la livraison des colis d’Amazon pendant la période de Noël. C’était inacceptable pour Amazon, qui a alors mis en place son propre service de livraison. Entre-temps, non seulement elle livre plus de colis que Fedex, mais des boutiques en ligne concurrentes, comme Etsy, utilisent également le service de livraison d’Amazon. La Belgique est bien sûr un petit marché et, Amazon a entre-temps mis en place une logistique très bien huilée chez ses voisins. Mais si elle peut améliorer l’expérience client, Amazon investira davantage dans la logistique ici. D’autant plus qu’elle a toujours voulu assumer des pertes à court terme pour gagner la confiance des clients. Amazon comprend très bien qu’une bonne expérience client fait partie de sa stratégie marketing.”

“Bien sûr, les grands concurrents en Belgique comme Bol.com ou Coolblue ont aussi une logistique très performante, mais Amazon va certainement essayer de les dépasser. Depuis sa création à la fin des années 1990, elle investit dans l’intelligence artificielle pour améliorer l’expérience en ligne, faire des offres ciblées et prédire ce que les clients vont acheter. Cela permet une meilleure gestion des stocks.”

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content