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Alors qu’elles portent en elles l’espoir de générer de nouveaux emplois, les start-up sont longtemps restées méconnues. Depuis deux ans, Digital Wallonia réalise son baromètre annuel qui passe au crible le tissu des jeunes pousses numériques au sud du pays. Voici les résultats 2018.

Où sont-elles ?

Selon le “Baromètre Start-up 2018”, on dénombrerait pas moins de 400 start-up en Région wallonne pour environ 4.000 emplois. Sans grande surprise, elles se situent majoritairement en bordure de notre capitale, dans le Brabant wallon. On y trouve, en effet, 42% des start-up du sud du pays. Bien sûr, la présence de l’UCLouvain explique cette tendance, puisque Louvain-la-Neuve est un terreau fertile pour les start-up (spin-off). Mont-Saint-Guibert fait également figure de vivier.

Sans surprise, la Cité ardente occupe la deuxième place (26%). Le dynamisme de Leansquare explique, en partie, cette ” médaille d’argent “. L’incubateur/fonds liégeois aurait déjà injecté des fonds dans une quarantaine de start-up, dont une spécialisation dans l’univers de la musitech. La Province de Liège héberge également des initiatives positives comme le VentureLab, structure qui soutient l’entrepreneuriat des étudiants et où près d’une centaine de projets ont déjà été développés. C’est, par exemple, du VentureLab que viennent les start-up Hytchers, Calla, LetsGoCity, Trust-Up, Nextride, etc. Et puis, bien sûr, c’est en province de Liège que Pierre L’Hoest a développé The Faktory qui compte une douzaine de jeunes pousses.

L’étude de Digital Wallonia met toutefois aussi en évidence la montée en puissance de la Province du Hainaut qui regrouperait 22% des start-up de la Région, notamment grâce au développement de la structure publique Digital Attraxion.

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Que font-elles ?

Ce deuxième baromètre Digital Wallonia confirme la préférence des start-up pour le B to B : elles ne sont que 16,5% à n’aller chercher que le grand public. Les autres combinent B to B et B to C ou ne s’adressent qu’aux entreprises.

” C’est un constat que l’on fait depuis quelques temps et qui est particulièrement intéressant, analyse André Blavier, expert chez Digital Wallonia. C’est positif car on sait que l’écosystème des start-up fonctionnera mieux s’il peut s’accrocher aux besoins des entreprises et notamment des plus grandes d’entre elles. On a toujours plaidé pour faire émerger des start-up ancrées dans la transformation économique de la Wallonie, dans les secteurs où la Région est forte. ”

Il est d’ailleurs intéressant de constater que les start-up wallonnes s’attaquent à des domaines bien établis dans la Région : la santé (12%), l’industrie (8%) ou la logistique (4%). Les villes connectées, gros focus de la Wallonie, comptent aussi parmi les secteurs qui attirent les entrepreneurs “tech”. Pour s’adresser à ces marchés, elles mettent en oeuvre les technologies comme les data analytics, le big data, l’intelligence artificielle, le hardware et l’Internet des objets. Mais avant tout, ce sont les logiciels qui occupent le plus ces start-up : 43% sont actives dans ce domaine, qu’il s’agisse de logiciels, de programmes de gestion ou de programmes spécialisés pour un secteur.

Elément très positif, selon André Blavier : ” les produits et services très avancés sont deux fois plus importants dans l’univers start-up que dans les entreprises technologiques traditionnelles “. Quand on parle de technologies ” avancées “, on évoque par exemple l’Internet des objets, l’intelligence artificielle, l’analyse de données, etc. Ces sociétés développeraient donc des solutions plus innovantes mais aussi plus intéressantes pour la Région. Elles s’avèrent en effet non seulement théoriquement moins facilement délocalisables mais, en plus, peuvent potentiellement mieux tirer leur épingle du jeu.

Qui les lancent ?

La majorité (42%) des fondateurs ont entre 30 et 39 ans et 26% la vingtaine. Pas très surprenant, d’un premier abord. Mais contre toute attente, on constate aussi que 30% ont plus de 40 ans ! Résultat ? La moyenne d’âge des créateurs de start-up en Wallonie tourne autour des 35 ans au moment du lancement de celles-ci. D’ailleurs, 53% d’entre eux peuvent être qualifiés de serial entrepreneurs et la majorité (64%) avait déjà eu une expérience dans le numérique avant de démarrer leur projet !

Le baromètre 2018 de Digital Wallonia démonte aussi l’idée reçue que développer une start-up est accessible au premier venu : 80% de leurs fondateurs ont obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur (et 56% du supérieur long ! ). ” Ces chiffres permettent de constater que, pour créer une start-up, le filtre de la formation est un élément important, détaille notre expert. Statistiquement, quelqu’un qui s’est arrêté à l’enseignement secondaire aura moins de chance que quelqu’un qui a mené des études. L’idée de la personne enthousiaste qui se lance avec une idée merveilleuse et crée sa start-up relève en bonne partie du fantasme. Et, donc, le message est clair : on manque d’ingénieurs et d’informaticiens… ”

Sur quels marchés vont-elles ?

A voir les chiffres avancés par Digital Wallonia, il y a de quoi avoir le moral : 70% des start-up ont des clients à l’étranger. On peut supposer que les 30% qui n’en ont pas sont au stade du démarrage et se concentrent sur le développement de leur produit avant de viser l’international. Les chiffres montrent, par ailleurs, qu’une jeune pousse sur trois réalise la majorité de son chiffre d’affaires en dehors de nos frontières.

Dans le top des pays européens sur lesquels elles sont actives : France, Luxembourg, Allemagne. Mais 30% des start-up wallonnes du numérique sont également présentes sur le marché américain, et 8% en Chine. Par contre, si 70% des start-up sont effectivement actives hors de Belgique, à peine une sur huit dispose de réelles implantations à l’étranger.

Combien vendent-elles ?

Le baromètre Digital Wallonia donne un bon aperçu des revenus des jeunes pousses. Bien sûr, il est faible. La preuve : 66% d’entre elles affichent un chiffre d’affaires de moins de 100.000 euros ! Et un tiers d’entre elles ne pensent pas enregistrer une grosse croissance en 2019. Et dans l’écosystème, elles ne sont que 3 % à enregistrer un revenu qui dépasse deux millions d’euros. ” C’est le point faible de l’écosystème, admet André Blavier. Bien sûr, le chiffre d’affaires ne veut pas toujours tout dire : certaines rencontrent un vrai succès d’audience et cherchent encore leur business model. Mais c’est vrai que le marché domestique se révèle souvent insuffisant, même à court terme, ce qui confirme l’importance de se développer à l’international. ”

Quel financement ?

Peu de jeunes pousses adoptent, durablement, le principe du bootstraping et la majorité d’entre elles a bien intégré l’idée qu’il faudra, à un moment donné, lever des fonds auprès d’investisseurs. Mais 56% estiment que lever de l’argent privé reste compliqué. Par contre, 65% reconnaissent l’intérêt des fonds publics pour se lancer. De fait, depuis quelques années, les structures publiques se sont organisées pour soutenir l’écosystème prometteur du numérique. Le W.IN.G, doté de 50 millions à investir dans les projets à un stade précoce, est devenu le point d’entrée de nombreux entrepreneurs. Sur ses deux premières années d’existence, il avait déjà financé près de 70 start-up pour un peu moins de 7 millions d’euros.

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Depuis, le W.IN.G a d’ailleurs dopé le montant maximum de ses tickets de 250.000 à 500.000 euros pour élargir son champ d’action. Mais ce fonds n’est pas le seul à disposition des porteurs de projets. En témoigne le répertoire du présent guide où se déclinent de nombreux acteurs publics en Wallonie : Leansquare, la SRIW, Wallimage, Sambrinvest, etc.

Résultat ? 10% des start-up affirment avoir reçu au moins 1,5 million d’euros d’investissement. Et seules 27% n’ont reçu aucune aide publique. Reste que généralement, il ne s’agit pour l’instant que de ” petits montants ” : selon le baromètre, pour 60% d’entre elles, moins de 100.000 euros. Bien sûr, cela peut s’expliquer par la maturité relativement faible de l’écosystème. Plus les start-up connaîtront de croissance, plus les montants levés aux “tours d’après” auprès des pouvoirs publics seront importants. Mais pour André Blavier, ” la leçon, c’est aussi que les fonds publics ne sont pas dominants dans l’écosystème. En tout cas pas plus que dans les entreprises traditionnelles.” En fait, le premier moyen de financement reste les proches puisque 61% des start-up y font appel. Viennent ensuite les diverses aides publiques. Les business angels interviendraient dans trois start-up sur dix, ce qui est proche de l’intervention de fonds publics en dette convertible (35%). Les banques restent également des ” financeurs ” actifs puisque 30% des start-up feraient appel à elles. Enfin, si le crowdfunding a permis à 10% des start-up de se financer, aucune n’a fait appel au crowdlending.

Et à Bruxelles ?

Dans notre capitale, on compterait également quelque 400 start-up, à en croire le baromètre réalisé par l’association Startups.be. Pour 2017, l’écosystème bruxellois des jeunes pousses se caractérisait par sa ” jeunesse ” : à peine 11% de scale-up, soit de start-up en phase de vraie croissance. Et contrairement à la Wallonie, à peine plus de la moitié (59%) sont orientées B to B. A l’inverse, on y compte bien davantage de jeunes pousses B to C, qui s’adressent au public (41%). Sans doute en raison de la densité de population à ” servir “. Dans les secteurs prédominants dans notre capitale, on retrouve, dans l’ordre, les médias et l’entertainement, la santé, le marketing et les fintech. Dans le type de business des jeunes pousses bruxelloises, le top 3 est constitué de l’analyse de données, du SaaS et de l’intelligence artificielle. Et la proportion des start-up actives à l’étranger est totalement comparable à celle en Wallonie : 73%.

Christophe Charlot

30% des start-up wallonnes du numérique sont présentes sur le marché américain, et 8% en Chine.

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