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Les cols blancs menacés par le télétravail ?

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

La fin d’année approche à grands pas. C’est l’occasion de tirer quelques leçons de cette année 2022 inquiétante et passionnante à la fois. L’une des leçons, pas vraiment visibles à l’oeil nu, c’est qu’il y a une inversion du rapport de force entre le capital et le travail.

Jusqu’à présent, c’était le capital qui dominait, qui l’emportait sur le travail. En gros, mieux valait être rentier que salarié. Mais, cet état de fait est en train de changer. D’abord, parce que les caisses des États ont été vidées par le COVID et par la guerre en Ukraine.

A force de distribuer des aides ici et là, les dettes publiques sont au sommet. La plupart des pays veulent donc davantage taxer le capital et le patrimoine immobilier, pour la simple raison que du côté de l’impôt des personnes physiques nous sommes déjà au maximum. Il n’y a plus rien à racler.

Le rééquilibrage de la taxation se fera donc au détriment du capital, sans oublier que l’inflation est déjà en soi une taxe invisible sur le capital. D’ailleurs, en période de crise, tout pousse à taxer davantage le capital.

Un exemple parmi d’autres, les écologistes radicaux qui critiquent et parfois attaquent les jets privés, les yachts, les résidences secondaires et les piscines le font bien entendu sous le couvert de la défense de la planète. Mais, personne n’est dupe, il s’agit aussi parfois d’une lutte des classes qui ne dit pas son nom, mais qui est habillée sous les habits plus respectables de la lutte contre le réchauffement climatique.

Bref, les périodes de crise sont toujours négatives pour les détenteurs de capital, ce sont des périodes où ils doivent faire profil bas. En revanche, je vous le disais, le travail retrouve ses lettres de noblesse. La crise a beau être là, l’inflation a beau être élevée, la guerre des talents continue de faire rage, et paradoxalement le marché de l’emploi reste solide. Les entreprises pleurent pour trouver des bons candidats et le résultat, c’est que le marché de l’emploi est en faveur des travailleurs et cela se voit dans la hausse des salaires.

D’ailleurs, les spécialistes du recrutement vous le diront, nous sommes passés d’un marché de la sélection à un marché de la séduction. Notamment la séduction des plus jeunes qui veulent non seulement un salaire plus décent, mais aussi que l’entreprise qui les recrute leur donne un sens et des valeurs avec lesquelles ils sont en phase.

A ce propos, il y a une autre tendance qui n’est pas toujours visible à l’oeil nu non plus et qui va se manifester tôt ou tard. En effet, avec la généralisation du télétravail, les patrons sont plus à l’aise avec des collaborateurs qui ne sont pas physiquement présents dans l’entreprise. Je veux dire par là qu’ils sont prêts, demain et sans aucun doute encore plus après-demain, à aller recruter des spécialistes de telle ou telle matière à l’étranger.

Après tout, pourquoi payer cher et vilain un spécialiste belge ou français qui coûte les yeux de la tête si l’employeur peut trouver les mêmes compétences au Maghreb ou en Europe de l’Est pour le quart du salaire actuel ? Donc, il faut s’attendre à ce que les cols blancs spécialisés soient mis sous pression par le télétravail et l’essor des outils de vidéo-conférence dans les années à venir.

En revanche, les métiers non délocalisables comme les métiers de service, d’aide aux personnes malades, ou plus simplement les métiers de serveurs de restaurant seront revalorisés sur le plan salarial.

Il était temps d’ailleurs, et c’est déjà le cas aujourd’hui. N’oublions pas que les métiers dont on dit qu’ils sont en pénurie sont souvent des métiers qui n’attirent plus. C’est d’abord, une pénurie d’envie. D’ailleurs, les politiques, au lieu de remettre une pièce dans le Juke Box des plaintes, feraient mieux de regarder l’évolution du métier de chef cuisinier. Il n’y a pas ou peu de pénurie dans ce secteur, car les programmes TV du style Master Chef ont redoré le blason du métier de chef cuisinier. Les jeunes sont attirés par cette profession grâce à ces émissions télé qui cartonnent. C’est une autre façon de dire “regarde-toi dans mes yeux, tu vas te trouver sublime”. Sur ce, belle journée et surtout bonne réflexion.

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