L’aventure bruxelloise de “Bond in Motion”

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Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

L’expo qui rassemble au Heysel des objets uniques issus des aventures de l’agent 007 est une production belge de la société Carbon 12.011. Son patron, Stéphane Pisane, espère l’exporter, en Suisse ou au Canada notamment.

Une section de rame de métro londonien, un hélicoptère enroulé autour d’un réverbère, des bateaux, quelques Aston Martin (parfois endommagées): depuis le 9 décembre sur le plateau du Heysel à Bruxelles, l’exposition Bond in Motion réserve de belles surprises aux amoureux des films mettant en scène l’agent 007. Il s’agit d’une production locale, fruit de l’initiative de Stéphane Pisane qui dirige la société d’événements Carbon 12.011 et pour laquelle il a obtenu des éléments de tournage authentiques.

Vodka Martini de rigeur

Le succès semble au rendez-vous. “Nous avons atteint les 31.500 tickets achetés”, assurait Stéphane Pisane début janvier. Le chef d’entreprise vise au moins les 100.000 visiteurs, chiffre qui devrait garantir la rentabilité de l’exposition, dont les portes fermeront le 14 mai 2023. Jusqu’ici, le public vient à 86% de Belgique, 4,9% de France et 2% du Royaume-Uni. Le bar-restaurant de l’expo, qui sert le cocktail Vodka Martini cher à l’agent 007 (“au shaker, et pas à la cuillère”), ne désemplit pas, même à 14 euros pièce.

Stéphane Pisane n’a pourtant aucune expérience dans la production d’expositions. “La société Carbon 12.011 travaille notamment pour des constructeurs automobiles ou des banques. Nous avons l’expérience de la logistique et des opérations qu’il faut déployer pour organiser le lancement d’un nouveau modèle automobile, cela nous a aidés”, explique-t-il. L’homme a aussi choisi de se faire épauler par un expert en salons, Pierre Lalmand, longtemps manager du Salon de l’Auto, qui connaît les palais du Heysel comme sa poche et participe au projet en tant qu’associé.

Le projet de départ était de présenter à Bruxelles une exposition déjà organisée au London Film Museum.

Le projet de départ était de présenter à Bruxelles une exposition déjà organisée au London Film Museum (Covent Garden) et essentiellement constituée de voitures. “Je l’avais vue à la télévision pendant le confinement début 2020 ; c’est là que l’idée m’est venue”, se rappelle l’entrepreneur, dont les activités avaient été ralenties par la pandémie.

EON, producteur des films de James Bond, a en effet déjà prêté des voitures pour différentes expositions en Grande- Bretagne et aux Etats-Unis, qui portent généralement le nom Bond in Motion. “Mais quand j’ai rencontré les producteurs, ils m’ont expliqué qu’ils avaient bien plus que des voitures: des bateaux, des maquettes qui ont servi à des tournages, une réplique de capsule spatiale utilisée dans le film Moonraker, etc., explique Stéphane Pisane. Tous les grands éléments sont entreposés à Colchester dans des hangars appartenant à la société Stratton Motor Company qui prépare des voitures pour les tournages des James Bond.”

Stéphane Pisane abandonne dès lors rapidement le projet de départ, privilégiant la piste d’une exposition bien plus grande qui présenterait davantage de pièces que les seules voitures vues dans les James Bond. Et convainc Meg Simmonds, gardienne du temple des archives chez EON et mandatée par les dirigeants, Barbara Broccoli et Michael G. Wilson, enfants du fondateur, Albert R. Broccoli, de lui confier les éléments utilisés lors des tournages.

Tarification variable

Le Musée de l’Automobile a un temps été envisagé pour servir d’écrin à l’événement, mais l’espace n’était pas assez grand. “Et l’exposition n’aurait pas pu y durer aussi longtemps que nous le souhaitions”, poursuit Stéphane Pisane. D’autres lieux ont été envisagés mais certains éléments à exposer étaient trop lourds. Jamais présenté, le morceau de rame de métro londonien utilisé lors du film Skyfall, même vidé de pas mal d’éléments, “pèse tout de même 8,5 tonnes et mesure 12 mètres de long, explique Pierre Lalmand.

Le plateau du Heysel convenait mieux, notamment aussi grâce à son accès aux transports.” L’expo a donc pris ses quartiers dans le palais 1 de Brussels Expo, où elle s’étend sur 6.000 m2, pour un investissement de l’ordre de 1,2 million d’euros.

Sur le plan pratique, Brussels Expo prend en charge contractuellement l’horeca, assuré par la société BECS qui reverse une commission sur les ventes aux organisateurs de Bond in Motion. C’est aussi Brussels Expo qui s’occupe de la billetterie. “On nous a proposé de recourir à Fever Up, start-up qui connaît une forte progression dans le domaine”, explique Pierre Lalmand.

Anticiper les flux

Née en 2014 dans le monde de l’entertainment, Fever Up est en effet spécialisée dans la promotion digitale d’événements: “elle gère la vente de tickets en ligne, s’occupe du marketing digital”. Ici, elle a notamment utilisé la technique du yield management (tarification en fonction de la demande), pratiqué par les compagnies aériennes ou les trains à grande vitesse. Les tarifs démarrent à 19 euros (hors réduction) mais peuvent atteindre les 23 ou 25 euros selon l’affluence.

Le système permet d’anticiper les flux quotidiens et d’adapter les effectifs. Les organisateurs espéraient une moyenne d’un millier de personnes par jour. Ils estiment que ces prévisions sont jusqu’à présent tenues, avec des pointes pouvant flirter avec les 2.200 personnes. Des accords ont en outre été conclus pour des événements professionnels.

Riche de 260 pièces, l'expo table sur 100.000 visiteurs, pour un investissement de 1,2 million d'euros.
Riche de 260 pièces, l’expo table sur 100.000 visiteurs, pour un investissement de 1,2 million d’euros.© PHOTOS PG

Un des grandes challenges de l’exposition fut son narratif. L’approche la plus évidente aurait été de suivre la chronologie des films (il en existe 25). Mais c’est impossible: EON Productions ne possède plus guère d’éléments datant des premiers films (Docteur No, Bons baisers de Russie, etc.). Le goût de l’archivage est venu bien plus tard. “C’était aussi le cas dans le sport automobile, remarque Stéphane Pisane. Dans les écuries des années 1960, on se préoccupait de la voiture suivante, pas de celle qui avait terminé une course.”

Quatre éléments

Les organisateurs de l’exposition bruxelloise, scénographiée par Didier Renders, de la société Codigo, ont donc cherché une autre manière de présenter les pièces. “Nous avons imaginé une structuration en fonction des quatre éléments (l’air, l’eau, la terre, le feu) pour autant de sections, dit Pierre Lalmand. D’abord les avions ou les hélicoptères, puis les bateaux et ensuite les automobiles. Le feu représente les scènes où les explosions jouent un grand rôle. On y trouve notamment la fameuse rame de métro qui clôture le parcours. James Bond passant d’un véhicule à un autre,

Pierre Lalmand y voit un clin d’oeil à la tendance actuelle: “007 est l’ambassadeur de la multimodalité, même en métro”, note-t-il. Mais pas forcément de la durabilité, vu la manière dont certains véhicules finissent à l’écran.

L'expo présente des pièces jamais vues du public, comme cette rame de métro utilisée pour
L’expo présente des pièces jamais vues du public, comme cette rame de métro utilisée pour “Skyfall”.© PHOTOS PG

Les 126 pièces exposées sont louées à EON Productions, qui reste attentif à ce qu’elles soient toutes présentées de manière conforme aux règles de la franchise. Un souci du détail qui va jusqu’aux affiches ornant le bar. “Les producteurs sont très satisfaits de l’exposition”, assure Stéphane Pisane. D’autant que les pièces ont parfois été réparées par l’organisateur belge, notamment des maquettes dont les fixations avaient souffert.

Modèles réduits

Pour ses tournages, EON fabrique encore sur mesure de nombreux modèles réduits: dirigeables, avions, voitures, hélicoptères. Les films de 007 sont en effet moins portés sur les trucages numériques que d’autres franchises ; ils misent encore beaucoup sur des éléments réels, ce qui rend l’exposition d’autant plus intéressante puisque ce travail d’artisanat y est replacé dans son contexte via de petits écrans qui montrent la scène où la pièce exposée a été utilisée.

Validant l’exposition dans le détail, EON Productions a également vérifié sa conformité avec la corporate identity de l’agent 007. L’entreprise a, par exemple, souhaité que le nom Bond in Motion, déjà utilisé dans d’autres expositions, soit utilisé pour conserver une unité sur le long terme. L’accord conclu par Carbon 12.011 début 2022 inclut notamment la possibilité de faire voyager l’exposition. “Nous examinons plusieurs hypothèses, comme Dubaï, le Mexique ou le Canada, poursuit Stéphane Pisane, qui multiplie contacts et voyages. Nous songeons aussi à Genève, où il y a un beau palais d’exposition. C’est que les Suisses aiment bien James Bond… – Nous pensons aussi à l’Italie.”

L’exposition a de toute façon été conçue en vue de ces déplacements. “Carbon 12.011 possède toutes les structures faites sur mesure et les rideaux qui délimitent les zones d’exposition”, dit Pierre Lalmand. Y compris l’immense bar et les mobiliers de la zone horeca.

Qui est Carbon 12.011?

L’exposition Bond in Motion est produite par la société dirigée par Stéphane Pisane, Carbon 12.011, fondée il y a 22 ans. C’est une première pour cette PME spécialisée dans la promotion, basée à Sint-Pieters-Leeuw, qui travaille (ou a travaillé) pour ING, Shell, Toyota, Renault et bien d’autres. Pour ING, elle gère le matériel de visibilité sur les événements (drapeaux, mobiliers, etc.) et opère certaines animations.

Elle a beaucoup travaillé pour le secteur automobile, assurant les opérations de promotions liées aux prix de Formule 1. Pour Toyota Europe, elle effectue un travail très particulier, le covering, soit le camouflage des voitures en phase d’essai sur les routes, dont les formes ne peuvent être reconnues grâce à un revêtement autocollant particulier.

Si Stéphane Pisane n’avait jamais produit d’exposition, il en connaît la logistique. Par exemple, Carbon 12.011 opère XperiLAB, un camion qui va d’école en école, laboratoire itinérant pour intéresser les enfants aux sciences, monté par la Fondation Entreprise-Institut et la Fondation Solvay.

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