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“La vie après Caterpillar”

En septembre 2016, Caterpillar annonçait son départ de Charleroi, laissant sur le carreau quelque 3.000 travailleurs. Un séisme social. Deux ans et demi plus tard, le Forem nous apprend que les deux tiers des anciens de Caterpillar ont retrouvé un emploi, et pour la plupart, un emploi à durée indéterminée. Le taux de reconversion est similaire parmi les entreprises de sous-traitance, touchées par le départ de la multinationale américaine.

Ces retours à l’emploi ont eu lieu au fil des mois, dans de multiples entreprises, et n’ont donc pas fait la une de l’actualité. Ils méritent cependant que nous nous y attardions, pour en tirer un triple enseignement. Tout d’abord, ces reconversions attestent du regain économique wallon. C’est parce que les entreprises ont renoué avec la croissance et embauchent à nouveau que des gens retrouvent du boulot dans l’agroalimentaire, le transport, la construction, les hôpitaux, etc. Face à la morosité ambiante, il n’est sans doute pas vain de rappeler que tout ne va pas si mal. On soulignera aussi le fait que 108 projets d’entrepreneuriat, dont 45 à titre principal, ont été menés à bien par d’anciens travailleurs de chez Caterpillar.

La deuxième leçon concerne l’implication des pouvoirs publics. On décrie volontiers le Forem, saluons cette fois l’action des cellules de reconversion, mises en place avec le support des syndicats. Cette prise en charge collective a aidé les travailleurs à surmonter le choc du licenciement, à envisager les possibilités de reconversion et à entreprendre les formations nécessaires. Ainsi, 46% des ex-Caterpillar et 72% des sous-traitants ont suivi une formation conseillée par la cellule de reconversion. Et pour 256 personnes, une formation à un métier en pénurie (chauffeurs de poids lourd, opérateur de production etc). On n’essaie pas de vous dire que tout est subitement devenu ” roses et violettes ” dans les institutions wallonnes mais, à tout le moins, que ces structures peuvent fonctionner efficacement quand tous les acteurs ont décidé de se bouger. Dommage sans doute qu’il faille des circonstances dramatiques comme le licenciement de 3.000 personnes pour assurer une telle mobilisation. La vraie réforme du Forem passera sans doute plus par la motivation du personnel que par une ixième révision de l’organisation et des missions.

Enfin, troisième leçon : ces retours à l’emploi concernent des personnes qui assumaient un travail dur, parfois depuis de longues années. Ce passé joue comme une garantie de fiabilité pour les employeurs ; ils engagent des gens connaissant les règles et les codes du monde du travail, le risque d’échec est donc limité.

Les statistiques du chômage sont imparables, plus les mois passent, moins un demandeur d’emploi a de chances de retrouver un boulot. Au 1er semestre 2018, 10% des chômeurs indemnisés ont retrouvé un emploi. Cette proportion est quasiment doublée (19%) parmi les personnes ayant moins d’un an de chômage. En revanche, au-delà de deux ans de chômage, la probabilité de retour à l’emploi tombe à 3,5%. Le désapprentissage, la perte de l’estime de soi peuvent aller très vite et briser un individu. L’Europe parle d’ailleurs de chômage de longue durée après un an déjà. En Wallonie, 59,4% des demandeurs d’emploi le sont depuis plus d’un an (55,8% à Bruxelles). C’est nettement au-dessus de la moyenne européenne qui est de 45% de chômeurs de longue durée.

Il faut donc agir massivement, et avec un vrai coaching personnalisé, dès le début, pour éviter que les personnes ne s’engluent dans le chômage. Il est là le combat décisif, plus que dans la dégressivité des allocations, par exemple. Dégressivité par ailleurs paradoxale puisqu’elle s’appliquerait à partir du moment où le demandeur d’emploi a nettement moins de chance de retrouver un job… Les publics les plus éloignés de l’emploi ne doivent évidemment par être abandonnés à leur sort, mais ils ressortent d’un travail social plus classique.

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