La saga Oracle-Google, et ses milliards de dollars d’enjeux, à la Cour suprême

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Après des années de procédure, la bataille entre Google et le spécialiste des logiciels Oracle arrive mercredi devant la Cour suprême des Etats-Unis, qui devra trancher ce litige aux énormes répercussions pour le secteur technologique.

Le temple du Droit américain entendra, par téléconférence, les arguments du groupe informatique et du géant de l’internet dans ce dossier ouvert en 2010, quand Oracle a accusé Google d’utiliser des brevets lui appartenant.

Oracle est devenu propriétaire du code de programmation Java après le rachat de Sun Microsystems, qui en était l’inventeur.

Le groupe accuse Google d’avoir reproduit le fonctionnement de cette technologie sans licence d’exploitation au cours des années 2000 pour concevoir son système d’exploitation Android équipant désormais un grand nombre de smartphones. Il lui réclame 9 milliards de dollars en dédommagements.

Le groupe de Mountain View explique, lui, que l’exploitation de Java était gratuite et ouverte à tous les développeurs avant l’acquisition de Sun Microsystems par Oracle.

Le débat s’est depuis résumé à une grave atteinte à l’innovation (Google) contre une juste reconnaissance de la propriété intellectuelle (Oracle).

Deux tribunaux de première instance ont donné raison à Google. Mais une cour fédérale d’appel a pris le contre-pied en 2018, poussant le géant californien à se tourner vers la Cour suprême.

La question posée est de savoir si les interfaces de programmation d’application (API), une sorte de codage entre logiciels, sont bien protégées par les lois sur la propriété intellectuelle.

Fort du soutien de nombreuses autres entreprises de la Silicon Valley, Google plaide qu’étendre les lois protégeant les brevets aux API risque de menacer l’innovation dans un monde numérique en évolution constante.

“Les développeurs de logiciels considèrent depuis longtemps qu’ils peuvent librement utiliser les interfaces informatiques pour développer de nouveaux programmes”, rappelle le groupe dirigé par Sundar Pichai dans des documents transmis à la Cour en amont de l’audience.

– “Ile” –

“Sans les API partagées, chaque appareil et programme deviendrait une île et le développement de logiciels modernes ne pourrait plus avoir lieu”, a mis en garde l’association The Developers Alliance, qui réunit des développeurs d’applications et d’autres entreprises du secteur.

Autoriser Oracle à conserver les brevets sur les codes Java “pourrait ralentir l’innovation et la concurrence sur des marchés dépendant des logiciels” et pourrait “cimenter des monopoles”, a pour sa part plaidé The American Antitrust Institute.

L’audience aurait dû se tenir au printemps mais avait été reportée à cause de la pandémie.

Elle intervient à un moment où la puissance des géants du numérique fait l’objet de critiques croissantes aux Etats-Unis, comme en Europe.

– “Copié” –

Le dossier n’est pas dénué d’arrière-pensées politiques: le fondateur d’Oracle, Larry Ellison est un proche du président Donald Trump. A l’inverse, Google fait l’objet d’une enquête des autorités américaines de la concurrence.

L’administration républicaine a d’ailleurs apporté son soutien à Oracle, estimant que les créateurs ne pouvaient pas être privés de leurs droits, juste parce qu’ils évoluent dans le monde des nouvelles technologies.

“Google a copié 11.500 lignes de code informatique protégées par des brevets” et d’autres informations appartenant à Oracle, a estimé le ministère de la Justice dans un argumentaire transmis en amont de l’audience.

Le groupe de réflexion conservateur Hudson Institute soutient la même position. Pour lui, autoriser Google à se livrer à “du vol de propriété intellectuelle” risque de compliquer la protection des entreprises américaines face aux tentatives d’espionnage industriel de la Chine.

Dans le même camp, l’Association américaine des éditeurs a jugé qu’affaiblir les lois sur les brevets risque de compliquer “la création et le partage d’oeuvres originales”.

– Transformation –

Dans le détail, Google et Oracle vont débattre de ce qui représente un “usage équitable” d’une technologie à des fins “transformatives”, une nuance juridique qui permet à un créateur de transformer totalement une oeuvre, sans demander d’autorisation et sans reverser de droits à son auteur.

Google va plaider que les premiers tribunaux ont jugé son usage “équitable” et que leurs décisions doivent être validées.

La décision de la Cour Suprême, qui ne compte que huit juges depuis le décès de sa doyenne Ruth Bader Ginsburg le 18 septembre 2020, ne sera pas rendue avant plusieurs semaines ou mois.

Un arrêt en faveur de Google mettrait un terme au marathon légal. Dans le cas contraire, le dossier sera probablement renvoyé devant les tribunaux inférieurs et le marathon pourrait se poursuivre.

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