Handicap et emploi: cultiver la différence au travail

Marie-Laure Jonet, la fondatrice de l'entreprise, lors d'une opération "Jobday". © PG

La société DiversiCom oeuvre depuis cinq ans pour l’inclusion des personnes porteuses d’un handicap dans le monde du travail. Au programme : coaching, conseil aux entreprises, “matching” et sensibilisation dans les entreprises.

Quand on pense handicap, on pense souvent chaise roulante. La faute au pictogramme, sans doute. Pourtant, la chaise roulante concerne seulement 3% des situations de handicap. La grande majorité sont peu repérables : autisme, maladies invalidantes, déficiences visuelle et auditive, etc. Or, qu’il soit visible ou invisible, présent dès la naissance ou survenu en cours de vie, le handicap impactera évidemment très souvent celui qui en souffre dans son parcours professionnel, ou freinera son accès au monde du travail. Sachant que 15 % de notre population active sont dans une telle situation, on peut parler d’un immense défi. ” Le handicap a mille facettes et chaque individu qui en est porteur mérite un accompagnement sur mesure. C’est ce que nous proposons chez DiversiCom “, plante Marie-Laure Jonet. ” A 17 ans, j’ai participé à un projet d’accompagnement d’enfants lourdement autistes en thalassothérapie, raconte la fondatrice de l’entreprise. Cette expérience a été fondatrice. Elle m’a révélé la force à saisir dans toute rencontre avec la fragilité et a forgé la personne que je suis aujourd’hui. A mon retour, j’ai su que le contact avec le handicap ferait partie de ma vie. En marge de mes études puis de ma vie professionnelle, je me suis donc très activement engagée comme bénévole dans divers projets d’accompagnement de jeunes handicapés. ”

Le handicap a mille facettes et chaque individu qui en est porteur mérite un accompagnement sur mesure.

Après une carrière de 15 ans à la Commission européenne, l’envie de s’engager davantage dans le domaine démange Marie-Laure Jonet : ” Il m’en fallait plus. Mes 25 ans de bénévolat au service du handicap m’avaient permis de déplorer les manquements en matière d’inclusion professionnelle. Quelques épreuves personnelles m’avaient également rappelé que personne n’est à l’abri : 80% des handicaps surviennent pendant la vie. Une famille sur quatre est concernée ! Peu à peu s’est imposée à moi la volonté de rapprocher les deux univers encore trop distants du handicap et de l’emploi. “

Ce rapprochement prend forme en 2014 avec sa démission et la création de DiversiCom : une double réponse, destinée d’une part aux personnes porteuses d’un handicap confrontées aux multiples barrières à l’embauche, d’autre part aux employeurs prêts à contribuer à une société plus inclusive mais soucieux de se faire conseiller. Quelques mois plus tard, Marie-Laure embarque Eléonore Snoy dans l’aventure. Leur longue amitié a pris racine dans leurs expériences bénévoles communes au service des jeunes handicapés. Eléonore devient alors son bras droit.

L'équipe de DiversiCom, qui devrait passer à sept personnes après l'été.
L’équipe de DiversiCom, qui devrait passer à sept personnes après l’été.© PG

Quatre axes

Coaching, conseil aux entreprises, matching, et sensibilisation sont les axes de travail de DiversiCom. ” Notre première activité, c’est le jobcoaching des chercheurs d’emploi, poursuit Marie-Laure Jonet. Avec eux, nous travaillons sur leurs compétences, leurs aspirations et leurs besoins. Mais aussi, et c’est là notre spécificité, sur les aptitudes que la personne a développées du fait même de son handicap. C’est ce qu’on appelle le ‘Plus handicap’. Nous l’aidons à identifier et formuler ce ‘plus’ venant du ‘moins’, et qui fait d’elle une personne unique. Cela n’a l’air de rien, mais apprendre à formuler de manière assumée son handicap et ses besoins, puis à découvrir sa valeur unique, quelle qu’elle soit, est une véritable démarche, à valeur humaine inestimable. Très souvent, le premier regard à changer pour progresser est celui que la personne porte sur elle-même. ”

La deuxième activité de DiversiCom, c’est le conseil aux entreprises qui souhaitent en faire plus et mieux mais qui ignorent par où commencer. DiversiCom offre une large palette de formations et de sensibilisations au handicap, conçues sur mesure selon le besoin de ses entreprises partenaires.

La troisième activité, consécration des deux premières, c’est le matching. ” Nous créons un maximum d’opportunités de rencontres entre notre vivier de candidats et notre réseau d’entreprises. “

Quand un matching potentiel est repéré, DiversiCom facilite le processus de recrutement : ” On accompagne le candidat à l’entretien, on parcourt les questions administratives liées au handicap (contrats spécifiques, primes à l’emploi, etc.), qui sont souvent des barrières pour les employeurs… Il faut dire que rien n’est simple : si les allocations de la personne handicapée sont octroyées par le pouvoir fédéral, c’est la Région de son domicile qui détermine quel type de contrat ou de prime que son potentiel employeur pourrait envisager. Cet imbroglio amène souvent les concernés à jeter l’éponge s’ils ne sont pas aidés, regrette Marie-Laure Jonet. “Nous jouons alors les Shiva pour gérer avec eux les questions administratives, les aménagements du poste de travail, les remboursements du matériel spécifique (synthèse vocale, écran spécial, etc.). Nous préparons enfin l’équipe à l’arrivée du nouveau collègue. Et une fois que le candidat est engagé, il n’est pas largué dans la nature : des entretiens de suivi ont lieu. ” Un recrutement est toujours un pari. Ici c’est un double pari, admet Marie-Laure Jonet. Nous sommes donc là pour accompagner la transition, mais sans jouer les belles-mères. ”

Et enfin, en marge de ces activités, DiversiCom communique, sensibilise sans relâche : ” Plus on partage les bonnes pratiques et les défis relevés, plus on va faire bouger les lignes et changer les comportements à terme ! ”

Handicap et emploi: cultiver la différence au travail

Modèle hybride

Originale dans son approche, DiversiCom l’est également dans son modèle de financement, innovant. ” La nature de notre mission étant double, son financement l’est aussi, explique Marie-Laure Jonet. Notre activité sociale de coaching, gratuite pour nos bénéficiaires, est couverte par des financements publics et privés ; nous avons notamment des partenariats solides et durables avec Actiris et la Cocof. Quant à notre activité de conseil aux employeurs, elle est financée par les entreprises elles-mêmes, à des tarifs raisonnables visant à rendre cette activité viable et non à créer du profit. Le lien contractuel ainsi noué avec l’entreprise assure son implication concrète et notre professionnalisme : cette saine dynamique d’engagement mutuel est importante pour nous. Notre activité entrepreneuriale se greffe donc à notre mission sociale, nous apparentant ainsi aux structures dites d’entrepreneuriat social. Le recours à des sources de financement diversifiées rassure chaque acteur autour de la table. ”

L'équipe de DiversiCom, qui devrait passer à sept personnes après l'été.
L’équipe de DiversiCom, qui devrait passer à sept personnes après l’été.© PG

Le modèle, en tout cas, aura permis à Marie-Laure Jonet et son équipe de remporter de nombreuses et belles victoires contre le handicap. La fondatrice en parle avec émotion. ” Je me rappelle les CDI décrochés pour deux femmes aveugles à la Commission européenne, mon ancien employeur. Elles avaient développé de telles compétences pour compenser leur déficience visuelle qu’elles étaient devenues les candidates parfaites ! Les parcours sont parfois plus longs et sinueux que les schémas classiques, mais le fruit du travail de nos candidats se mesure de manière significative. Notre plus grande source de satisfaction, c’est de les voir se stabiliser, passant du stage au CDD, puis au CDI. Par exemple, nous suivons un jeune ingénieur atteint d’autisme, qui a passé un mois chez BNP Paribas Fortis en 2014 : c’était notre tout premier matching ! Il a ensuite travaillé un an et demi chez Engie et est à présent en CDI chez bpost. ”

Marie-Laure Jonet évoque aussi cet autre jeune, également atteint d’autisme et passionné de chevaux. ” Il est devenu palefrenier à la cavalerie de la Police fédérale. Il y a quelque temps encore, son insertion socioprofessionnelle était loin d’être assurée. Maintenant, il est dans un environnement qui le stimule et il murmure à l’oreille des chevaux. Je pourrais encore vous raconter tant d’histoires ! Mais combien d’autres candidats n’osent pas envoyer leur dossier aux employeurs, craignant de ne pas être retenus, à compétences égales. Notre travail de valorisation et de sensibilisation est loin d’être achevé “, conclut la fondatrice.

Pour renforcer sa mission, l’équipe de DiversiCom passera de cinq à sept personnes après l’été.

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