E-commerce: comment ces entrepreneurs belges verdissent leur business

Stijn Martens (Hopr): Pour éviter les trajets trop longs, l'entrepreneur entend démultiplier son stock. © PG
Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

Livraisons, retours de produits, emballages, etc. Les sources de pollution sont nombreuses dans le commerce en ligne. Loin des géants du secteur, plusieurs entrepreneurs belges veillent toutefois à durabiliser au maximum leurs opérations. Voici leurs solutions.

Ils s’appellent Hopr, Greenweez, Maniet/Luxus ou encore eFarmz. Dans un secteur a priori écologiquement peu correct, ces e-commerçants locaux placent les enjeux environnementaux au coeur de leurs activités. Pour eux, la vente en ligne n’est pas forcément plus polluante que le commerce physique. A condition de regrouper les commandes, de limiter les créneaux de livraison, de privilégier les points relais, d’améliorer les emballages, etc.

Hopr livre en véhicules électriques

Premier à nous livrer ses filons verts: Stijn Martens, entrepreneur comme qui dirait ambitieux. “Nous entendons jouer le rôle du challenger et donner l’exemple aux grandes entreprises”, lance le fondateur du nouveau supermarché belge 100% en ligne Hopr. Un mois après son lancement à Hasselt, l’e-commerçant vient d’élargir sa zone de livraison à trois nouvelles communes du Limbourg: Zonhoven, Alken et Diepenbeek.

Les livraisons s’effectuent en camionnettes électriques à partir d’un entrepôt situé à Hasselt. Pour l’instant, les clients sont livrés dès le lendemain, mais le responsable n’exclut pas d’un jour les contraindre à des tournées fixes en fonction du nombre de commandes dans leur quartier. Un peu comme le laitier d’antan. Nous sommes dans votre quartier tel jour entre telle heure et telle heure, souhaitez-vous commander? “Cela peut passer par le nude marketing”, explique notre interlocuteur. Soit la manière d’inciter des individus à agir d’une certaine façon, sans chercher à les contraindre. Ici, en l’occurrence, à coups d’arguments environnementaux.

Pour se rapprocher des clients et ainsi éviter les trajets trop longs, Stijn Martens entend démultiplier son stock. L’idée, à terme, est de disposer de petits entrepôts automatisés dans les principales villes du pays. “Il ne s’agirait pas de hubs livrés par un entrepôt central, mais bien d’entrepôts à part entière, abritant chacun l’entièreté du stock”, précise-t-il.

Afin de durabiliser ses activités, Hopr propose en outre un maximum de produits locaux, nécessitant des chaînes de livraison les plus courtes possibles. Niveau emballages, ce nouvel acteur des courses en ligne a opté pour du carton 100% recyclé. Les produits frais, eux, sont transportés dans des “thermobox” remplis de blocs à glaçons. “Nous n’avons pas choisi la glace carbonique car ce n’est pas une solution très durable”, conclut le fondateur.

Greenweez a instauré une tarification progressive

Autre structure, stratégie proche… Propriété du géant de la grande distribution Carrefour, le numéro un européen de l’e-commerce bio fête son premier anniversaire en Belgique. Enfin, pas tout à fait: Greenweez livrait déjà notre pays depuis la France, mais a décidé il y a un an d’ouvrir un entrepôt à Nivelles. “Cette décision va à l’encontre de la stratégie déployée par la plupart des acteurs de l’e-commerce qui disposent souvent d’un hub logistique multi-pays, reconnaît Yannick Dykmans, directeur Benelux. Mais elle est pour nous triplement bénéfique. Elle permet de contribuer au développement du tissu économique local ( l’entrepôt est sous-traité à une entreprise familiale de la région, Ndlr), de sourcer des petites coopératives belges à qui nous permettons de vendre dans tout le Benelux et, enfin, de réduire l’empreinte carbone de notre activité car la distance parcourue par les marchandises est raccourcie.”

Entrepôt Greenwez - L'entreprise a une politique de tarification progressive. Moins on commande, plus la livraison est coûteuse.
Entrepôt Greenwez – L’entreprise a une politique de tarification progressive. Moins on commande, plus la livraison est coûteuse.© PG

Pour inciter les clients à commander des paniers plus importants et ainsi éviter la multiplication des trajets, l’entreprise a mis en place une politique de tarification progressive. Moins on commande, plus la livraison est coûteuse. Et celle-ci n’est gratuite qu’à partir de 80 euros. “Les consommateurs réclament plus d’éthique mais n’ont pas envie de payer le transport, ce qui est une hérésie totale, affirme notre interlocuteur. Heureusement, nous travaillons dans une filière économique engagée, et nous tablons sur le fait que nos clients acceptent de suivre.” La livraison en point relais, plus écologique, est elle aussi encouragée par des frais moindres.

Enfin, Greenweez travaille à l’amélioration de son système de protection des colis. Afin de protéger les articles, le groupe utilise pour l’instant du papier carton froissé ou à bulles. “C’est la moins mauvaise solution, assure Yannick Dykmans. Mais nous sommes en train de plancher, en collaboration avec l’entreprise qui nous livre le carton, sur du carton-accordéon, qui se plie en fonction de la taille des produits. La moitié de nos volumes sont déjà concernés par cette nouvelle solution dont le surcoût devrait pouvoir être maîtrisé grâce aux volumes.”

Maniet/Luxus mise sur ses magasins

“Pour le moment, la meilleure chose à faire est de compenser l’empreinte carbone en plantant des arbres”, assure de son côté la jeune CEO du chausseur wallon Maniet/Luxus, Allison Vanderplancke, qui reconnaît que l’e-commerce n’est pas l’activité la plus écologique. L’enseigne familiale propose donc à ses clients, lors de chaque achat, d’acheter un arbre pour 35 cents. “Ce n’est pas la solution idéale, mais la manière la plus simple de compenser les émissions”, estime notre interlocutrice.

Allison Vanderplancke (Maniet/Luxus)
Allison Vanderplancke (Maniet/Luxus)© PG

La chaîne entend toutefois jouer à fond sur son réseau de points de vente physiques, qu’elle veut absolument complémentaire à ses activités en ligne. C’est la fameuse “omnicanalité”. “Nous proposons le click&collect (commande et paiement en ligne, retrait en magasin) et la réservation en point de vente (réservation en ligne, paiement et retrait en magasin)”, détaille la CEO. Ces différentes solutions permettent d’éviter les retours intempestifs, pas du tout eco-friendly. Si retour il doit tout de même y avoir après une livraison à domicile, les magasins peuvent là aussi servir de lieux de renvoi. “C’est la première option que nous proposons sur notre site”, assure Allison Vanderplancke.

Avant la crise, l’enseigne avait également noué un partenariat avec Hytchers, la start-up bruxelloise spécialisée dans les retours écologiques de colis. Cette dernière s’appuie sur des particuliers déjà sur les routes, qui peuvent ramener des colis durant leur trajet maison-boulot. “Il y a clairement des solutions, se réjouit la jeune patronne. Le tout est de trouver l’équilibre entre les coûts, la rapidité, etc.”

eFarmz travaille avec un hébergeur écolo

L’e-commerce, polluant? “Ce qui est polluant, c’est l’e-commerce qui consiste à expédier des produits depuis l’autre bout de la planète, corrige Muriel Bernard, la patronne du site belge de commerce en ligne bio eFarmz. Un e-commerce local, qui crée de l’emploi localement, entretient des liens avec des producteurs locaux, etc., est sans doute plus vert que d’aller faire ses courses en supermarché.”

Muriel Bernard (eFarmz)
Muriel Bernard (eFarmz) “Tout sera dorénavant emballé en vrac.”© PG

La start-up est d’ailleurs à deux doigts d’obtenir la certification B Corp, qui garantit qu’une entreprise a un impact positif sur son environnement. “Cela nous a permis de passer en revue tous les postes”, explique la fondatrice. En matière de livraison, la société travaille, dans plusieurs grandes villes, avec différents partenaires qui acheminent les produits jusqu’aux clients à vélo-cargo. L’entreprise a par ailleurs fait le choix de livrer en 48 à 72 heures, avec trois moments de clôture des commandes par semaine. “Cela nous permet de rassembler nos commandes et d’organiser des tournées optimisées, explique notre interlocutrice. Nous ne faisons qu’un trajet, ce qui est bien plus écologique que si chacun prend sa voiture pour se rendre en magasin.”

Au niveau des emballages aussi, eFarmz se veut volontariste. “Nos caisses en carton recyclé peuvent être rendues lors des livraisons, explique la CEO. Elles sont réutilisées.” L’entreprise est par ailleurs en train de réduire les emballages de ses box repas. “Tout sera dorénavant emballé en vrac dans nos caisses”, explique Muriel Bernard. Qui cite également d’autres initiatives concrètes visant à réduire l’empreinte carbone de la société. “Nous travaillons avec un hébergeur écolo, le serveur suisse Infomaniak, qui est neutre en carbone. Les images sur notre site ne sont pas trop lourdes, nous ne conservons pas notre historique de mails, etc. Ce sont des petites choses mais qui, mises bout à bout, ont finalement un impact important.”

BuyBay veut donner une seconde vie aux produits retournés

Les retours. Une problématique importante dans l’e-commerce. Une source de gaspillage, aussi. Ouverts, essayés, parfois même abîmés, les articles renvoyés ne peuvent plus toujours être commercialisés. Les retailers ont alors souvent trois attitudes. Soit ils remettent ces produits en état, ce qui coûte cher et requiert une expertise très éloignée de leur coeur de métier. Soit ils les revendent à des grossistes, mais les prix proposés sont souvent très faibles. Soit ils les jettent…

C’est là qu’intervient l’entreprise néerlandaise BuyBay, créée en 2014 à Amsterdam. Ayant réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 33 millions d’euros et employant 250 personnes, le groupe se donne pour mission de donner une seconde vie aux produits retournés tout en maximisant le gain pour les e-commerçants. Ces derniers font le tri dans les produits qui leur sont retournés, et envoient à l’entreprise batave ceux qu’ils estiment ne plus pouvoir être revendus. BuyBay se charge alors de remettre ces articles à niveau, et de les revendre au meilleur prix sur différentes marketplaces comme Bol.com, eBay ou Amazon. “Nous nous chargeons de trouver un nouveau consommateur pour ces produits, explique Oliver Lauterwein, chief commercial officer en charge de l’expansion. Si la remise en état n’est pas complètement possible, nous indiquons en toute transparence les différents défauts, pour autant que ceux-ci soient raisonnables.”

BuyBay facture à ses partenaires la remise en état des produits, les frais des places de marché, et prélève une commission sur chaque vente. C’est le groupe qui se charge d’expédier aux clients les produits reconditionnés. Dans son entrepôt central de Wijchen, aux Pays-Bas, et dans ses centres de reconditionnement, l’entreprise écoule surtout de l’électroménager, de l’électronique (smartphones, etc.), du mobilier ou encore du matériel de bricolage. “Nous nous engageons à revendre ces produits dans les trois mois, et à maximiser le montant récupéré par les commerçants grâce à un logiciel intelligent qui fait varier le prix en fonction du marché”, conclut le responsable.

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