Imposer des quotas ? Un bon début !

Par Carmina Coenen – Un nouveau gouverneur pour la Flandre orientale ? La femme candidate abandonne, écoeurée. Un nouveau directeur pour la Banque Nationale de Belgique ? Il n’y a même pas une seule femme candidate. Le débat sur l’intérêt des quotas imposés en vue de favoriser la représentation des femmes est relancé. Pour Carmina Coenen, directrice Solution Engineering chez Salesforce, imposer des quotas et tout à fait sensé, même si, en parallèle, la devise doit rester : ” que le ou la meilleur(e) gagne “.

Concrètement, la réalité est âpre : une femme candidate à la fonction de gouverneur voit sa candidature remise en question, puis se retire, écoeurée. Moins d’une semaine auparavant, nous constations qu’aucune candidature féminine appropriée n’avait été trouvée pour le poste vacant d’administrateur à la Banque Nationale de Belgique. Verrait-on réapparaître l’épais plafond de verre ? Ou pire : devrait-on déplorer une porte d’entrée vitrée supplémentaire ?

On n’en est pas là. Car des femmes occupent effectivement des postes importants dans ce pays. Pensez à Proximus et à la SNCB : toutes deux sont dirigées par des femmes compétentes et enthousiastes. Mais à l’occasion, nous voyons ré-émerger de douloureux vieux réflexes. Le conseil d’administration de nombre d’entreprises est composé principalement ou exclusivement de messieurs blancs plus tout jeunes. La sous-représentation des femmes dans ces entreprises se retrouve souvent à tous les niveaux de l’organisation.

Les hommes choisissent le plus souvent d’autres hommes

Ces entreprises devraient-elles imposer (ou se voir imposer) des quotas pour remédier à cette situation ? Peut-être en effet, parce que la triste réalité est toujours que les hommes choisissent le plus souvent d’autres hommes dans lesquels ils se reconnaissent. Pas nécessairement consciemment d’ailleurs ; simplement, ils sont fermement convaincus d’être les candidats les plus appropriés pour le poste. Ce n’est que lorsqu’ils sont contraints de considérer d’autres profils qu’ils élargissent réellement leurs horizons et, ce faisant, découvrent et donnent leurs chances à des femmes candidates qui se révèlent leurs égales.

Cela signifie-t-il aussi que le genre du candidat prévaut sur ses talents ? Absolument pas. Aucune femme ne veut d’un poste où son seul mérite serait d’être femme. Par ailleurs, il y a certainement lieu de nommer la meilleure personne au poste concerné, au risque sinon de mettre en péril l’entreprise à long terme. Mais les quotas n’excluent nullement la possibilité que le meilleur candidat, homme ou femme, l’emporte.

La diversité dans l’ADN n’est pas une garantie de succès

En tant que directrice chez Salesforce, je suis moins touchée par les préjugés plus ou moins conscients. La diversité est dans l’ADN de notre entreprise. Nous sommes convaincus qu’elle contribue au succès de notre entreprise. Néanmoins, je nous impose moi aussi constamment des quotas, à mes collaborateurs et à moi-même, en ce qui concerne la diversité dans nos processus de sélection et de promotion. Réussit-on toujours à les respecter ? Non bien sûr, car les entreprises axées sur la technologie ne font généralement pas partie des domaines de prédilection de la plupart des femmes. Mais lorsque nous n’atteignons pas un quota, nous nous imposons de nous remettre en question ; nous nous efforçons de concevoir des stratégies pour être à l’avenir en mesure de choisir parmi un plus grand nombre de femmes et/ou de candidats issus de l’immigration.

Par ailleurs, ne confondons pas les quotas concernant le nombre de candidats à un poste et ceux concernant la fonction en soi. Bien sûr, le talent du candidat doit avoir préséance. Mais si nous veillons à ce qu’en toute occasion, la candidature d’au moins une femme soit retenue et prise en considération, alors les femmes dans leur ensemble reçoivent clairement le message qu’elles sont également éligibles aux fonctions vacantes. Car, dans le passé, le problème se situait également à ce niveau : les femmes ne se présentaient pas comme candidates parce qu’elles ne se considéraient tout simplement pas aptes au poste. En revanche, sitôt qu’elles constatent que d’autres femmes sollicitent un poste et sont sélectionnées de plus en plus souvent, la confiance en leurs propres chances augmente et la parité s’instaure presque naturellement.

Imposer des quotas ? Un bon début !

Les quotas permettent cependant d’aller au-delà. Si un événement a lieu et que la tribune est occupée exclusivement par des orateurs masculins, je pose explicitement la question : ” comment est-ce possible ? Avez-vous réellement cherché une oratrice appropriée ? Ou avez-vous simplement choisi la personne qui se présentait ? ” La réponse peut être complexe, et il n’est ni facile ni agréable de se confronter aux quotas. C’est pourtant le seul moyen de créer un environnement dans lequel la diversité est non seulement ancrée dans la stratégie de l’entreprise, mais aussi dans le milieu de travail et dans la pensée de chacun.

Quotas : pas la panacée mais une bonne base

Est-ce que ça s’arrête là ? Suffit-il de proposer et de sélectionner un nombre suffisant de femmes à des postes (de direction) pour réaliser l’entreprise idéale avec une représentation proportionnelle de chaque groupe de population ? Ce n’est pas si simple. Par exemple, pour attirer davantage de femmes dans notre secteur technologique, il faut leur montrer dès le plus jeune âge qu’elles aussi s’y épanouiront. Parce qu’elles y rencontreront des collègues et des cadres féminins, parce qu’elles y trouveront autant de perspectives que les hommes, même si elles ne pensent pas en bytes et en codes. Et parce qu’elles y découvriront les modèles qui les ont précédées.

Cela dit, imposer des quotas sur le nombre de candidats à une sélection ou à une promotion reste un bon début, et une base sur laquelle vous pouvez évoluer solidement en tant qu’entreprise. Certes, il convient que la sélection finale soit toujours basée sur le talent. Assurez-vous simplement de vous doter d’un panel de talents plus diversifié. Car ce qui est en jeu, c’est non seulement le développement des femmes et des minorités, mais également le vôtre. Je n’ai pas encore rencontré d’entreprise qui déplore un excès de diversité dans ses rangs.

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