La baisse historique des taux peut-elle relancer la croissance?

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La Banque centrale européenne abaissé ce jeudi son principal taux directeur à 0,5%, un plus bas historique. Nécessaire, cet assouplissement de la politique monétaire sera cependant insuffisant pour relancer le crédit en zone euro. Explications.

La BCE a fait ce qu’on attendait d’elle ce jeudi 2 mai : elle a abaissé son principal taux directeur de 0,75% à 0,5%. Jamais la BCE n’avait fixé son taux directeur à un niveau aussi bas. Ce nouvel assouplissement monétaire avait été largement anticipé par les marchés, même si certains analystes l’attendait plutôt en juin. Mais la nouvelle détérioration des indicateurs de confiance et d’activité en zone euro ont contribué à accélérer cette décision.

Le chômage a lui atteint un nouveau record en mars – 12,1% de la population active totale de la zone euro. Quant à l’inflation, elle est descendue au mois d’avril à 1,2%, quand la valeur ciblée par la BCE est proche de 2%. Face à ces éléments, qui éloignent la perspective d’une reprise économique, les appels du pied se sont multipliés pour réclamer à la BCE de relâcher davantage encore sa politique monétaire.

C’est ce qu’elle a fait, en abaissant de 25 points de base le taux utilisé lors des principales opérations de refinancement pour alimenter les banques en liquidités. Elle a également abaissé d’un demi-point son taux de prêt marginal au jour le jour, auquel les banques peuvent emprunter pour 24 heures, de 1,50 à 1%. Elle a en revanche maintenu à 0% le taux des dépôts au jour le jour, auquel les banques privées peuvent placer de l’argent pour 24 heures auprès de la BCE.

Théoriquement, plus les taux de la BCE sont bas, plus le coût du crédit a des chances d’être bon marché, ce qui est favorable à la croissance. “La baisse des taux d’intérêt devrait contribuer à soutenir les espoirs d’une reprise plus tard dans l’année”, a déclaré lors d’une conférence de presse le président de la BCE, Mario Draghi.

La BCE a encore des cartouches pour agir

Ces espoirs risquent cependant d’être déçus. Le seul effet certain de cette baisse des taux sera de réduire le coût pour les banques des 1000 milliards d’euros empruntés auprès de la BCE lors de deux opérations à trois ans (LTRO), fin 2011 et début 2012. Les banques pourraient répercuter cette baisse sur les crédits qu’elles accordent aux ménages et aux entreprises, à moins qu’elles ne préfèrent restaurer leurs marges. L’autre effet positif de cette baisse des taux de la BCE est de réduire le corridor – l’écart entre le taux le plus bas et le taux marginal – , ce qui devrait limiter la volatilité de fluctuation des taux très courts.

Le discours de Mario Draghi, scruté mot pour mot par les analystes et les cambistes, s’est lui aussi voulu rassurant. Il a notamment annoncé que la BCE poursuivrait ses opérations de prêts à taux fixe et montant illimité jusqu’à juillet 2014. Le président de la Banque centrale européenne a également déclaré que la politique monétaire de l’institution resterait accommodante tant que cela sera nécessaire et que la BCE se tenait prête à agir de nouveau en cas de besoin, notamment en abaissant de nouveau ses taux dans les prochains mois.

En clair : la BCE a encore des cartouches pour agir. Mario Draghi a notamment fait comprendre qu’il était ouvert à la possibilité de faire passer le taux de dépôt au jour le jouren territoire négatif, un moyen de contraindre les banques de moins placer leurs liquidités à la BCE.

Reste que cet assouplissement de la politique monétaire a ses limites. “Le problème majeur de la zone euro ce n’est pas le niveau des taux de la BCE, qui sont déjà très bas, explique Nordine Naam, stratégiste chez Natixis. Un nouveau relâchement des taux n’aura pas d’effet macroéconomique tant que la BCE n’aura pas résolu son problème de transmission de sa politique monétaire à l’économie réelle.” Car l’institution a beau inonder les banques de liquidités bon marché, ces dernières peinent à prêter aux ménages et aux entreprises, en particulier les petites et moyennes, dans les pays les plus en difficulté, ou alors à des taux rédhibitoires.

Les PME en Italie, en Espagne ou au Portugal empruntent à des taux restant élevés, entre 4% et 6%, alors que la détente est observée sur le front des obligations souveraines de ces pays. Le problème pour la BCE est que la distribution de crédit ne dépend pas que du niveau des taux, mais aussi de la propension des banques à accepter une clientèle au profil de risque plus élevé.

Emprunter ne coûte pas cher, mais la demande n’est pas là
Les annonces de Mario Draghi sur ce point sont décevantes. Le président de la BCE s’est contenté d’annoncer l’ouverture d’une consultation avec la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Commission européenne sur les moyens de dynamiser le marché du crédit pour les PME en zone euro, sans dévoiler aucun détail. La piste retenue passerait vraisemblablement par la revitalisation du marché des ABS, du nom de ces titres financiers adossés à des crédits et qui sont un instrument de financement des PME. Pour les analystes, cette initiative n’est pas de nature à mettre fin à la pénurie de crédits pour les PME.

“De toute façon, même s’il était gratuit, on voit mal le crédit redémarrer à court terme, tant les ménages et les entreprises européennes sont endettés”, estime Nordine Naam. “La zone euro n’a pas un problème d’offre de crédit, mais de demande, renchérit Patrick Jacq, stratégiste chez BNP Paribas. La BCE a beau abonder les banques de liquidités et offrir des conditions de crédits très favorables, elle ne peut rien face à la frilosité des entreprises qui ne veulent pas prendre le risque de s’endetter alors que leurs perspectives de croissance sont nulles”, explique l’analyste.

“La politique monétaire a ses limites, la BCE ne peut pas à elle seule relancer le crédit et l’activité en zone euro, pas tant que le processus de désendettement des agents non financiers ne sera pas achevé”, conclut Nordine Naam. Un diagnostic que partage Mario Draghi. Répondant à une question sur le débat qui fait rage ces dernières semaines sur les effets récessifs de l’austérité, le président de la BCE a appelé les gouvernements de la zone euro à ne pas fléchir dans leurs efforts pour réduire les déficits, les invitant à le faire en coupant dans les dépenses plutôt qu’en augmentant les impôts. Pour lui, le retour de la croissance passe par la mise en oeuvre de réformes structurelles au niveau national.

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