Epargne-pension : en attendant la remontée des taux…

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L’année a bien commencé pour les Belges qui investissent dans un fonds d’épargne-pension (ils sont 1,4 million), puisqu’ils sont aujourd’hui plus riches de 595 euros en moyenne qu’à la fin 2013. C’est ce qu’a calculé le magazine “Trends-Tendances”, en s’appuyant sur des chiffres fournis par Morningstar.

Les fonds d’épargne-pension belges ont vu leur valeur augmenter de 6 % en moyenne au premier semestre de l’année. Nous avons calculé leur rendement moyen pondéré sur la base des patrimoines en gestion au 30 juin. A la fin 2013, chaque épargnant avait réuni 10.127 euros en moyenne, selon Beama, l’association professionnelle pour la gestion des organismes de placements collectifs (OPC). Au cours des six derniers mois, en dehors de tout versement additionnel, cette somme a crû de 595 euros.

“Les actions et les obligations ont contribué, dans des mesures relativement identiques, au rendement des fonds d’épargne-pension Pricos, commente Paul Beller, de chez KBC Asset Management. Les actions ont aligné des performances conformes aux attentes. La nouvelle baisse des taux d’intérêt a plutôt surpris”, ajoute-t-il. Les cours obligataires évoluent dans le sens contraire des taux d’intérêt ; en d’autres termes, toute baisse des taux est synonyme de plus-value pour les fonds détenteurs d’obligations.

Il est toutefois peu probable que les obligations contribuent dans une mesure comparable au rendement du deuxième semestre. “Les obligations sont devenues une denrée rare. Le marché obligataire est surévalué”, soupire Paul De Meyer, en charge du fonds de pension Hermes chez Capfi Delen. Plusieurs de ses collègues confirment. Pierre Nicolas, gestionnaire du fonds Star Fund, se veut “raisonnablement positif” à l’égard des obligations. “Les solutions de rechange ne courent pas les rues”, rappelle-t-il. Les gérants de fonds doivent investir en obligations 15 % au moins (et 75 % au plus) de l’argent des épargnants.

Paul Beller espère gonfler encore un peu son rendement obligataire en prenant des “positions en dollar américain et en peso mexicain”. D’autres gestionnaires reconnaissent d’ailleurs investir autant que possible en devises. Chacun attend avec impatience la remontée des taux d’intérêt.

Trois gestionnaires saluent les excellentes performances enregistrées depuis le 1er janvier par les actions européennes à petite et moyenne capitalisation dans lesquelles ils ont investi (lire également l’encadré “La Belgique avant tout”). Les opinions au sujet des résultats des actions au second semestre sont partagées. “Nous serons légèrement moins investis en actions, à cause des valorisations élevées et du caractère moins propice du marché”, prévoit Werner Wuyts, responsable chez Dierickx Leys d’Inter-Bourse-Hermes-Fonds de pension. A l’inverse, Paul De Meyer envisage de relever encore un peu sa pondération en actions au second semestre. “Ma décision dépendra de l’évolution du marché, précise-t-il. Compte tenu de la situation actuelle, une pondération de 57 % me paraît tout à fait raisonnable.”

La Belgique avant tout Une grande partie de l’argent des Belges qui ont souscrit une épargne-pension est investie dans le plat pays. Ce n’est pas anecdotique, en ces temps de repli sur soi. Les investissements belges varient fortement, puisqu’ils vont de 5 à 33 % – il s’agit donc là du montant total investi dans des fonds publics, des obligations d’entreprises et des actions émis dans le pays.

Plusieurs gestionnaires soulignent la contribution des actions belges aux résultats des fonds au premier semestre de cette année. “Nous disposons d’une intéressante sélection de valeurs belges à petite capitalisation, qui se sont parfaitement comportées ces six premiers mois et dans lesquelles nous continuons à distinguer du potentiel”, apprécie Paul De Meyer. D’après la fiche d’information la plus récente, quatre des cinq plus grandes positions en actions du fonds sont belges ; il s’agit du holding Sofina (2,5 %), du spécialiste des activités de dragage CFE (2,5 %), de la société d’investissement Ackermans & van Haaren (2,4 %) et du groupe agro-industriel Sipef (1,9 %).

Les grands fonds d’épargne-pension optent surtout pour des entreprises du Bel20, comme le brasseur AB InBev et les financiers KBC et Ageas. Il est en tout état de cause difficile pour eux d’investir dans des valeurs belges à petite capitalisation sans provoquer une envolée des cours. Ceci étant, le législateur belge contraint les fonds d’épargne-pension à investir une partie du patrimoine en gestion dans des actions de petite capitalisation (c’est-à-dire, comme le définit la loi, des entreprises dont la valeur de marché n’atteint pas 1 milliard d’euros).

Gagnants et perdant Avec un rendement de plus de 7 % depuis le 1er janvier, les fonds d’épargne-pension dynamiques de Fintro et de BNP Paribas Fortis tirent résolument leur épingle du jeu. Ce sont eux également qui alignent les meilleures performances sur les cinq dernières années. Soulignons par ailleurs que le fonds d’épargne-pension mixte et défensif de la principale banque du pays enregistre des résultats à peine inférieurs (voir le tableau). Bart Van Poucke, le gestionnaire de ces trois produits, attribue l’essentiel du succès obtenu en 2014 à la forte pondération des actions au sein des portefeuilles. “Le fonds dynamique est toujours constitué à plus de 71 % d’actions”, calcule notre spécialiste, qui n’exclut toutefois pas d’alléger sous peu sa pondération en actions. “Les valorisations en hausse, la faible volatilité du marché et l’atonie de la croissance bénéficiaire réelle m’incitent à faire preuve de davantage de prudence”, conclut-il.

Avec un rendement de 2 %, le fonds Accent Pension Fund achève le semestre en queue de peloton. “C’est vrai, nous avions légèrement moins investi en actions que certains collègues, admet Jan Deprez, gestionnaire à la Société Générale Private Banking. Mais selon moi, la différence de rendement vient surtout du fait que je ne détiens quasiment aucun fonds public des pays périphériques de la zone euro et que ceux que j’ai sont assortis d’une durée très courte. Certains confrères possèdent des fonds publics italiens qui arriveront à échéance en 2030. L’appétence au risque sur le marché obligataire dépasse l’entendement et je refuse de m’engager dans cette voie.” Fin juin, le fonds était composé à 67 % d’actions, à 26 % d’obligations et à 7 % de liquidités.

Jan Deprez tient à remettre les pendules à l’heure : “Nous avons vu l’an passé qu’il suffisait d’une petite étincelle pour bouter le feu au marché obligataire”. Et de rappeler que le tapering annoncé le 22 mai 2013 par Ben Bernanke, alors gouverneur de la Réserve fédérale américaine, avait provoqué une désaffection massive vis-à-vis des obligations. Jan Deprez ne veut pas être l’incendiaire. “Plus les taux d’intérêt sont bas, plus dur serait un atterrissage du marché obligataire. Je préfère faire un pas de côté un peu trop tôt que de m’écraser.” Bart Van Poucke est lui aussi conscient des risques : “La chose la plus difficile, dans le cadre de la gestion de nos fonds d’épargne-pension, est d’estimer le moment où les taux d’intérêt commenceront à remonter”, synthétise-t-il.

Bart Van Poucke et Jan Deprez s’entendent sur un autre point encore : l’extrême cherté de l’euro aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle l’un comme l’autre ont investi 20 % de leurs fonds – le maximum autorisé – dans d’autres devises. “Il n’est jamais mauvais, pour un investisseur, d’avoir la Banque centrale européenne à ses côtés, apprécie Jan Deprez. Elle lutte contre la tendance déflationniste. Plus l’euro est surévalué, plus les marchandises d’importation dont les prix sont exprimés en euro sont bon marché. Pour écarter le spectre déflationniste, la Banque centrale doit donc réussir à affaiblir la monnaie européenne.”

Petits, mais pas insignifiants Pour la première fois dans leur histoire, les fonds d’épargne-pension gérés par BNP Paribas Investment Partners détiennent plus d’argent que leurs concurrents. Ce que n’expliquent toutefois qu’en partie les bonnes performances enregistrées ces dernières années. Le fait qu’ils soient commercialisés chez BNP Paribas Fortis, la plus grande banque du pays, chez Fintro et Crelan (sous le nom de Metropolitan Rentastro), chez AXA et chez Delta Lloyd, n’y est certainement pas étranger non plus. De surcroît, Rabobank.be, la principale banque en ligne de Belgique, propose ces produits sans frais d’entrée sur son site internet. L’investisseur qui souhaite acquérir du BNP Paribas B Pension sera donc bien avisé de passer par Rabobank.be (les autres banques grèvent chaque versement de frais d’entrée, qui peuvent aller jusqu’à 3 %), ce qui lui permettra d’obtenir, si l’on peut dire, la même chose pour moins d’argent.

Argenta, qui ne facture pas non plus de frais d’entrée, a développé un outil de calcul destiné à montrer au client ce que représente à longue échéance une différence de 3 % sur ce plan. Car plus le rendement du fonds d’épargne-pension est élevé, plus le manque à gagner (dû aux frais d’entrée) pour l’épargnant l’est également. Imaginons un rendement de 6 %, ce qui n’est pas complètement irréaliste, puisque les huit fonds d’épargne-pension sur le marché depuis 1990 peuvent même se prévaloir d’un rendement annuel moyen de 7 %. L’épargnant âgé de 20 ans, qui mettrait à partir d’aujourd’hui et jusqu’à son 64e anniversaire 950 euros de côté chaque année, perdrait dans ce cas de figure plus de 6.400 euros. Si le rendement est de 3 %, la perte n’est plus que de la moitié, soit un bon 2.700 euros.

Notre jeune épargnant appréciera également de savoir qu’il bénéficiera – pour autant que la fiscalité reste inchangée – d’un avantage d’impôt de 13.851 euros. Chaque versement (jusqu’à concurrence de 950 euros) fera en effet l’objet d’un dégrèvement de 30 %. A 60 ans, l’administration fiscale lui réclamera certes 10 % de son bas de laine, mais notre simulation tient déjà compte de cette taxation. Au total, une épargne-pension de 950 euros par an pendant 45 ans lui permettra d’obtenir plus de 200.000 euros (pour un rendement annuel de 6 %). Naturellement, rien ne garantit que ces fonds feront aussi bien que par le passé. En outre, l’épargnant qui aurait besoin de son argent juste après une culbute du marché des actions ou des obligations devra revoir ses prétentions à la baisse.

Dynamique, neutre ou défensif Le principal fonds d’épargne-pension de BNP Paribas Fortis est son fonds neutre, ou mixte. Il investit pour moitié en actions et pour moitié, en obligations. BNP Paribas B Pension Balanced est un peu plus petit encore que Pricos (KBC) et Star Fund (ING). Mais la comparaison s’arrête là car si BNP Paribas Fortis permet à ses clients de choisir entre les profils de risque dynamique, neutre et défensif, pour KBC, le choix se limite à “dynamique” et “défensif”.

En principe, le fonds Pricos Defensive (à l’instar d’autres fonds défensifs encore) est destiné à l’épargnant qui approche de l’âge de la retraite. Le client peut opter pour ce produit sans changer de banque et sans frais, ce qui lui permettrait d’éviter les pertes dans l’éventualité où un krach boursier surviendrait juste avant la pension. Lorsque le marché boursier se porte bien, les fonds dynamiques doivent en principe performer mieux que les fonds défensifs. Or, les variantes défensives des fonds d’épargne-pension Pricos et Argenta se sont mieux comportées qu’eux ces six derniers mois. C’est plutôt mauvais signe : certains observateurs craignent l’éclatement d’une bulle sur les marchés obligataires. C’est pourquoi nous ne recommandons pas de passer automatiquement d’un fonds dynamique à un fonds défensif dans les cinq à 10 ans qui précèdent le départ à la retraite.

ILSE DE WITTE

6 POUR CENT C’est le rendement moyen des fonds d’épargne-pension belges en moyenne au premier semestre de l’année.

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