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Flandre-Ecosse: 0-1

Non, il ne s’agit pas, malgré les apparences et la foot-attitude ambiante, d’un score de match de football. Ce titre un rien provocateur fait référence à des considérations davantage politiques que sportives : celles de voir, demain peut-être, l’Ecosse proclamer son indépendance… et cet exemple faire jurisprudence dans d’autres régions où le nationalisme enfle, la Flandre pour n’en citer qu’une.

Respectivement coachées par, d’une part, Alex Salmond, leader du SNP, le Parti national écossais, et Premier ministre d’Ecosse depuis 2007, et Bart De Wever d’autre part, les deux équipes sont bien classées dans l'”Independence League”, quoique disposant d’atouts fort différents. Si elles sont toutes deux dotées d’un parlement propre (depuis 1993 pour la Flandre et 1999 pour l’Ecosse), l’équipe écossaise semble toutefois disposer d’une certaine longueur d’avance. Non seulement son histoire fait d’elle une “nation”, constitutive du Royaume-Uni certes — jusqu’en 1707, date de la signature de l’Union Act par lequel l’Angleterre lui vint financièrement en aide, l’Ecosse était une nation indépendante — mais en outre, suite à la victoire du SNP lors des élections législatives de mai 2011, l’Ecosse a réussi à négocier avec le Royaume-Uni l’organisation d’un référendum pour son indépendance, qui se tiendra le 18 septembre prochain.

Ceci étant, la Flandre dispose dans son jeu de quelques atouts majeurs. Les réformes de l’Etat menées successivement depuis les années 1970 en vue de la création d’un Etat fédéral ont cristallisé le conflit régnant entre Flamands et Wallons, dont les différences sont marquées d’abord et avant tout par la langue et la culture. L’échec des négociations de 2010, qui avaient déjà vu la N-VA reléguée dans l’opposition au profit d’un gouvernement plutôt à gauche, n’a fait que renforcer le mouvement nationaliste au Nord, ce qui a abouti à une 6e réforme de l’Etat donnant encore davantage de pouvoirs aux Régions. Et si aujourd’hui le même scenario devait se reproduire — une N-VA écartée du gouvernement fédéral malgré son écrasante majorité en Flandre — les chances de voir ce mouvement se durcir n’en seront que plus élevées.

En Ecosse, le “non” au prochain référendum semble probable, mais il n’est pas certain. Les derniers sondages font en effet état de 30 % d’intentions de vote en faveur de l’indépendance, de 50 % contre, et de 20 % d’indécis. Mathématiquement, tout peut donc encore basculer. Mais même si le “non” l’emportait, étant donné la volonté de la majorité des Ecossais d’obtenir plus d’autonomie, notamment fiscale, il ne fait quasiment aucun doute que le mouvement amorcé va s’amplifier, donnant progressivement davantage de pouvoirs au gouvernement écossais.

Au Royaume-Uni comme en Belgique, la coexistence de “deux démocraties” — formule chère à Bart De Wever — est d’ores et déjà avérée. Que ces démocraties s’organisent dans un Etat fédéral (qui délègue certains pouvoirs à des entités fédérées, comme c’est déjà le cas en Belgique), dans un Etat confédéral (où les entités fédérées délèguent certains — mais peu de — pouvoirs à l’Etat fédéral, comme c’est le cas en Suisse, et que bon nombre de nationalistes flamands voudraient instaurer en Belgique), ou dans deux Etats indépendants ne dépend en réalité que d’une chose : de l’avantage financier qui découle de cette organisation. Or l’indépendance semble être chère ou en tout cas extrêmement difficile à chiffrer : le Trésor britannique estime ainsi que l’indépendance de l’Ecosse rapporterait à chaque Anglais un “dividende” de 1.400 livres par an, alors que le gouvernement écossais parle lui d’un “bonus” de 2.000 livres par Ecossais par an. Et les sondages sont formels : les Ecossais voteront en faveur de l’indépendance si cela leur rapporte, pas si cela leur coûte.

Forcément, le nombre de paramètres à prendre en compte (productivité, emploi, immigration, dette publique, vieillissement…) et l’incertitude qui plane sur ces paramètres sont tels qu’un calcul de ce type, fiable, est quasiment impossible à réaliser. Et l’indépendance, dès lors, impensable. D’où ce pronostic : un “non” au référendum écossais, et un score final de 1-1.

CAMILLE VAN VYVE

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