Christophe Cherry

Recherche: responsable politique courageux pour UE plus forte

Christophe Cherry Directeur d’Atradius pour la Belgique et le Luxembourg

Le directeur du spécialiste en commerce et gestion des risques de crédit Atradius, Christophe Cherry, plaide pour une Union européenne plus forte ainsi que des responsables politiques courageux et capables d’atteindre aux moins trois objectifs primordiaux.

Voici revenu le temps de remplacer les calendriers, de faire des bilans et des pronostics. 2016 a été tourmentée et certains des événements de l’année resteront longtemps gravés dans la mémoire collective. Le référendum sur le Brexit, l’élection de Donald Trump au poste de président des Etats-Unis et l’instabilité politique en Turquie sont autant de phénomènes capables de mettre sens dessus dessous les marchés internationaux. Comme si le commerce mondial n’avait pas déjà assez de difficultés comme ça. Aujourd’hui, de nombreux chefs d’entreprise se demandent ce qu’en seront les conséquences sur notre économie et sur les entrepreneurs d’Europe. Personne ne connaît la réponse, mais elle pourrait être pilotée par des décideurs politiques. Autrement dit, il nous faudrait des responsables politiques courageux et capables d’atteindre trois objectifs : donner forme à une vision commune, oublier le concept du “one size fits all” et supprimer les barrières commerciales européennes.

Le commerce mondial après la crise économique : des défis

L’économie chinoise connaît une évolution négative depuis quelques années. Ses perspectives de croissance ont péché par excès d’optimisme et ont dû être corrigées à la baisse, sur fond de recul de la consommation et des exportations. L’Union européenne bénéficie pour sa part d’une croissance durable mais fragile. Avec 1 % de croissance, on peut parler de mode mineur. Quant aux pays du BRIC, les prix du pétrole et les tensions qui déchirent le Moyen-Orient leur donnent du fil à retordre. Cela étant, le ciel n’est pas si sombre : depuis le mois de mai, les indicateurs des échanges internationaux montrent une augmentation des commandes à l’exportation, tant sur le marchés émergents que développés, un signe positif à l’orée de 2017. Certes, l’élection de Trump et le référendum sur le Brexit ont été des douches froides. Bien malin qui pourrait prévoir à quoi ressembleront les relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne d’ici quelques années. Nous avons davantage de certitudes sur les conséquences de ces événements sur les relations transatlantiques. Les grands perdants de la politique du président Trump sont les marchés en développement, et notamment les pays ayant des besoins de financement externe importants, une dette extérieure élevée et des tampons financiers et internes peu importants. Dans des pays comme la Turquie, l’Afrique du Sud et l’Argentine, on tire la sonnette d’alarme.

L’Union européenne ne peut relever ces défis que si elle parle de nouveau d’une seule voix sur la scène internationale. La mission est donc simple : développer une vision commune. Des mesures vigoureuses sont nécessaires, mais elles ne deviendront possibles que lorsque l’objectif final sera clair et partagé par toutes les parties prenantes. L’UE doit une fois de plus se retrousser les manches et définir des objectifs dénués d’ambiguïté afin de rétablir la confiance.

Oublions aussi cette idée du “one-size-fits-all”, de l’approche unique. L’UE tente d’orienter un grand groupe de pays dans une même direction, mais ce n’est pas comme ça que les choses fonctionnent. Croissance économique et progrès social doivent trouver leur concrétisation au niveau le plus efficace. L’Europe possède des économies de type différent qu’il faut gérer dans le respect de ces différences pour générer de la croissance. On ne peut appliquer la même stratégie à la fois dans le Nord, où la croissance est à l’ordre du jour, et dans le Sud, qui reste à la traîne. En Europe du Sud, le chômage augmente et les salaires baissent. Les décideurs politiques nationaux ont besoin de liberté pour prendre les mesures qui répondent aux problèmes de leurs marchés spécifiques. Cette liberté est le seul et unique moyen de générer de la richesse et d’en finir avec les injustices entre classes sociales.

Obstacles aux entrepreneurs en Europe

Mais ces suggestions resteront des voeux pieux aussi longtemps que perdurera l’indécision politique apparente au niveau européen. L’Union européenne devrait être un bloc solide doté d’une stratégie mondiale, ce qu’elle n’est pas le moins du monde actuellement. Elle semble en proie aux doutes sur le modèle politique qu’elle veut se construire pour l’avenir. Les prochaines négociations sur la sortie du Royaume-Uni l’illustrent parfaitement : il ne sera pas possible, tout à la fois, de conserver le libre marché et de révoquer la libre circulation des personnes. Un de ces deux dogmes devra passer aux oubliettes. La réserve des Etats membres à l’égard d’une Union unifiée, équipée d’un éventail de règles et de modèles décisionnels clairs, crée une incertitude qui pousse les entrepreneurs à chercher leur bonheur dans d’autres régions du monde. La montée en puissance du populisme dans les Etats membres et son corollaire, l’instabilité politique, dégradent le climat propice à l’entreprise et à l’investissement. Quand des accords commerciaux négociés comme le TTIP et le CETA sont révisés et suspendus à la dernière minute, l’Union européenne apparaît encore davantage comme un appareil bureaucratique qui perd le soutien de ses citoyens. Enfin, l’Union européenne souffre d’un handicap endémique, c’est-à-dire le problème du financement : le secteur bancaire européen n’est pas aussi fort qu’aux Etats-Unis et le cadre réglementaire est moins clair.

Qu’on en finisse avec ces barrières. Le commerce doit être aussi international que possible. Si les PME européennes, responsables d’une grande partie des créations d’emploi et constituant 99 % des entreprises européennes, veulent conserver leur compétitivité, elles doivent accroître leur échelle. L’Europe possède les avantages d’échelle d’une population plus nombreuse que celle des Etats-Unis. Il est temps qu’elle s’en serve.

La lecture de cet article ne mettra personne en joie. Il n’empêche, l’Union européenne a toutes les cartes en main pour redevenir ces prochaines années une référence de l’économie mondiale. Il y faudra du leadership européen, ce qui signifie donc que nous avons besoin de décideurs politiques ambitieux !

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