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Emploi, compétitivité, consommation: quelle est la priorité ?

Ces derniers jours, sur le plan macroéconomique, des nouvelles à double tranchant se succèdent.

Aux Etats-Unis, le taux de chômage se tasse, donnant raison à Ben Bernanke de vouloir tout doucement ralentir sa politique de quantitative easing. En Europe, par contre, les indicateurs sont plus contradictoires : l’indice PMI (Purchasing Managers Index) est passé au-dessus du pivot des 50 %, indiquant que l’activité économique est en expansion et non plus en contraction. Mais les économistes de la Banque centrale européenne (BCE) sont moins enthousiastes, revoyant à la baisse leur prévisions en termes de PIB et avertissant que le chômage augmentera en 2014 plus que prévu, pour atteindre 12,4 % dans la zone. Et quoi de neuf au niveau belge ? Un nouveau record : nous sommes les champions du salaire minimum.

S’agit-il de bonnes ou de mauvaises nouvelles ? Il faut dire que les médias ne savent plus sur quel pied nous faire danser. Un jour on rit, un jour on pleure. Mais dans ce fatras d’informations disparates, peut-être faut-il simplement prendre un peu de recul.

Les Etats-Unis, d’abord. Oui, les statistiques concernant le chômage y sont réjouissantes. Mais à prendre avec des pincettes, car tout dépend de ce que l’on y met. En l’occurrence, seuls les demandeurs d’emploi apparaissent dans le chiffre de 7,4 % de “chômeurs”. Les inactifs, eux, ne sont pas recensés. Or, certains analystes affirment que la moitié du recul du chômage outre-Atlantique serait dû à une baisse du nombre de demandeurs d’emploi… Pas forcément parce qu’ils en ont trouvé un, mais parce qu’ils ont tout simplement abandonné ce statut. Ou qu’ils n’y ont plus droit. D’ailleurs, le nombre de créations d’emploi est en léger recul. Et les plus mauvaises langues affirment même que le taux de chômage réel est en fait quasi égal à celui atteint au plus fort de la crise, soit 10 % de la population active. Quoique moins évidente, la question se pose aussi en Europe puisque les statistiques livrées par Eurostat ont aussi leurs petites cachotteries. Ainsi, le stage d’attente imposé aux jeunes demandeurs d’emploi ne serait pas comptabilisé dans les chiffres du chômage. Alors que l’on sait que cette catégorie de personnes est particulièrement vulnérable…

Conclusion : aux Etats-Unis comme ici, l’emploi pose un problème majeur. En Europe, la compétitivité des entreprises et la consommation ont tendance à vouloir lui voler la vedette. Mais étant donné que ces paramètres sont intrinsèquement liés, actionner une manette d’un côté peut avoir des effets pervers de l’autre. Ainsi, beaucoup se demandent s’il ne serait pas bon, du point de vue de l’emploi, de favoriser la création de “petits boulots”, comme en Allemagne où les rémunérations ne dépassent parfois même pas les 400 euros par mois. Avec nos 1.500 euros de salaire minimum (brut), il faut dire qu’on en est loin ! Et nombreux sont les chefs d’entreprise qui s’en plaignent. Mais abaisser le niveau du salaire minimum, c’est, primo, diminuer le pouvoir d’achat (et donc freiner la consommation) et, secundo, réduire l’écart entre les salaires et les allocations de chômage que beaucoup considèrent encore comme beaucoup trop faibles en Belgique. La solution semble donc être un peu bancale… A moins qu’elle ne soit envisagée que pour des périodes courtes, qui joueraient un rôle transitoire entre chômage et retour (décent) sur le marché de l’emploi.

Car sans ce genre de garde-fous, on court le risque de voir éclore des formules telles que le “contrat zéro heure” en vigueur au Royaume-Uni, un contrat de travail extrêmement simple : vous ne savez jamais combien d’heures vous serez employé la semaine suivante. Et que ça soit cinq ou 35, votre employeur exige de vous une disponibilité totale, juste au cas où. Si c’est là le prix du plein emploi et de la compétitivité des entreprises, soyons plutôt fiers d’être des champions de la générosité. Non ?

CAMILLE VAN VYVE, Rédactrice en chef adjointe

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