Afrique: une explosion démographique porteuse d’opportunités

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En 2100, l’Afrique pourrait abriter cinq des dix nations les plus peuplées du globe. Des défis gigantesques, notamment dans les domaines alimentaire et de l’emploi, l’attendent.

Dans l’univers des investissements, l’Afrique ne représente guère plus qu’une note de bas de page. La suprématie américaine reste intacte et lorsque l’on évoque les marchés émergents, ce sont l’Asie et quelques pays d’Amérique latine qui viennent d’abord à l’esprit.

Du point de vue démographique, pourtant, ce désintérêt surprend. Car l’une des principales évolutions structurelles mondiales de ce siècle sera l’explosion démographique du continent africain, dont la population est passée de 140 millions d’habitants “à peine” en 1900 à un milliard en 2010. L’Afrique recense aujourd’hui 1,2 milliard d’habitants et selon les prévisions des Nations unies, elle passera le cap des 2,5 milliards en 2050 et des 4 milliards (la plupart des estimations varient entre 4 et 4,4 milliards) en 2100. Seule l’Asie (prévisions: de 4,8 à 5,1 milliards) sera alors plus peuplée. Aujourd’hui, une personne sur six habite le continent africain; selon les pronostics, ce sera une sur quatre en 2050 et une sur trois à la fin de ce siècle. L’Afrique prend donc à son compte les trois quarts de la croissance démographique mondiale du 21e siècle.

Quatre naissances pour un décès

L’Afrique enregistre actuellement quatre naissances pour un décès. Si elle reste la plus élevée au monde, sa mortalité diminue considérablement depuis plusieurs décennies (-29% ces dix dernières années), comme elle l’a fait précédemment ailleurs. La natalité ralentit elle aussi, mais, à l’instar de l’évolution économique et sociale, moins rapidement qu’on le prévoyait dans les années 1980-1990. La femme africaine a 4,5 enfants en moyenne, contre 6,5 il y a 40 ans et 5,5 il y a 20 ans. C’est toujours nettement plus qu’en Asie (2,1 en moyenne, dont 1,6 seulement en Chine), en Amérique latine (2), en Amérique du Nord (1,9) et en Europe (1,6).

Si la natalité va évidemment continuer à baisser, cela ne signifie pas que la croissance démographique soit condamnée à brève échéance, les chiffres tombassent-ils rapidement au niveau européen ou chinois: l’extrême jeunesse de la population (âge médian d’à peine 20 ans, contre 43 en Europe, par exemple) en est la garantie. La grande majorité de sa population féminine étant en âge de procréer (15-49 ans), l’Afrique est en plein “momentum démographique”. La baisse de la natalité au cours des prochaines décennies dépendra de l’évolution économique mais aussi, et surtout, des progrès enregistrés par la scolarisation des jeunes filles et des femmes, ainsi que de l’acceptation du planning familial par la société.

Des défis gigantesques

En tout état de cause, le continent va être confronté à des défis gigantesques, notamment dans le domaine alimentaire. Le Niger en est une belle illustration. Dans ce pays de 17 millions d’habitants, 4 millions de personnes souffrent peu ou prou de la faim. Compte tenu d’un taux de natalité de 7,6 enfants par femme, la population va tripler, à 55 millions d’individus, d’ici à 2050. En 2100, le Niger pourrait figurer parmi les dix pays les plus peuplés au monde et l’Afrique, elle, pourrait, avec le Niger, le Nigéria (le pays le plus peuplé après l’Inde), l’Ethiopie, la République démocratique du Congo et la Tanzanie, abriter cinq des dix nations les plus peuplées du globe. L’urbanisation est un sujet particulièrement sensible également. En 1960, seules trois villes comptaient plus d’un million d’habitants; elles sont 55 aujourd’hui, et leur nombre grimpera sans doute à une centaine d’ici à 2030. L’emploi sera alors le défi majeur.

Une croissance démographique galopante n’attire pas automatiquement les investisseurs. L’Asie et, dans une moindre mesure, l’Amérique latine, le font depuis plusieurs décennies parce que chez elles, cette croissance s’est accompagnée d’une augmentation sensible du revenu par habitant, c’est-à-dire d’un processus de sortie de pauvreté et d’accès à la classe moyenne, lequel va généralement de pair avec un processus d’industrialisation. Or l’Afrique ne bénéficie ni de l’un, ni de l’autre. A 1.720 dollars en moyenne, le revenu par tête accuse toujours un net retard sur l’Asie (7.033 dollars) et, surtout, l’Europe (38.485 dollars).

Révolution numérique

La révolution industrielle a en grande partie délaissé l’Afrique, qui commence à comprendre qu’elle ne peut se permettre de rater le train de la révolution numérique. Deux mil dix-huit fut une année importante sur ce plan, puisque les start-up numériques ont récolté pour la première fois plus d’un milliard de dollars (1,16 milliard), en hausse de 108% par rapport à 2017 (560 millions) et de 400% par rapport à 2015 (257). Ces capitaux ont été confiés à 146 start-up, à l’occasion de 164 levées (55, en 2015). Précisons toutefois que le phénomène n’est pas également réparti sur le continent; trois pays à peine ont pris à leur compte quelque 78% de ce montant: le Kenya (348 millions), le Nigéria (306) et l’Afrique du Sud (250). En termes de répartition sectorielle, les fintech arrivent largement en tête: plusieurs sociétés espèrent en effet profiter de la faiblesse du développement du système bancaire en proposant une offre en ligne.

Un autre jalon a marqué la révolution numérique: l’entrée sur le New York Stock Exchange, le 12 avril, du nigérian Jumia Technologies (ticker: JMIA). L'”Amazon africain” a reçu un tel accueil à Wall Street que son cours a triplé en quelques séances (prix d’introduction: 14,50 dollars par action). Avec une valeur boursière qui a tutoyé les 3,9 milliards de dollars, Jumia a décroché le statut de “licorne”, avant qu’un rapport du shorter Citron Research accusant la direction d’avoir menti sur de nombreux points fasse chuter la capitalisation boursière sous le milliard de dollars. Le groupe, Juliet Anammah, la CEO pour le Nigéria, en tête, a contesté, mais le mal était fait. L’action ne parvient pas à se redresser.

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