Les fusées réutilisables, entre succès et échecs (GRAPHIQUE)

© Reuters

Le 1er septembre, une fusée Falcon 9 de la société SpaceX explosait sur son pas de tir à Cap Canaveral en Floride, lors d’un test moteurs. L’engin a disparu dans une boule de feu, le satellite israélien qu’il contenait a été détruit et le pas de tir a été endommagé. En juin 2015 déjà, une autre Falcon 9 s’était désintégrée en plein vol.

Certes, l’histoire spatiale est jalonnée d’événements de ce type. Par exemple, Ariane 5, qui fait aujourd’hui la fierté des Européens avec 73 vols réussis consécutivement, a elle aussi connu deux échecs complets en début de carrière.

Cependant, la firme de l’homme d’affaires Elon Musk va être paralysée pendant au moins six mois, absorbée par l’enquête. Et puis, l’affaire a une dimension particulière. Car SpaceX cherche ni plus ni moins à casser les prix sur ce marché des lanceurs et même à le révolutionner en mettant au point des tuyères qui puissent être récupérées. En général aujourd’hui lors d’un tir, les propulseurs d’appoint ainsi que le premier étage retombent dans l’océan, tandis que les éléments supérieurs se désintègrent en entrant dans l’atmosphère. Dans le cas du ” réutilisable “, le premier étage, le plus onéreux, revient sur terre. C’est le cas pour le Falcon 9 qui peut être utilisé dans les deux configurations, classique et réutilisable.

De nombreux essais ont été nécessaires. Avant les premières réussites. En décembre 2015, un lanceur est revenu se poser à Cap Canaveral après avoir largué 11 mini-satellites. Et, en avril 2016, un autre a réussi son appontage sur une barge en mer. Alors assiste-t-on à un saut technologique ? Pas si vite. D’abord, la fiabilité, on le voit, n’est pas encore au point. Ensuite, l’équation économique est elle-même contestée. Ainsi, les Européens, qui dominent le segment commercial du marché, n’y croient pas vraiment. Leurs arguments ? Un : une fusée réutilisable nécessite de réserver du carburant pour le retour et le freinage, ce qui réduit d’autant la ” charges utile ” qui peut être emportée (satellite ou capsule). Deux : récupérer un lanceur est une chose ; le faire fonctionner à nouveau en étant sûr que les éléments n’ont pas subi de stress en est une autre (jusqu’ici, SpaceX n’a encore jamais volé avec du matériel réutilisé). Trois : la réutilisation peut remettre en cause la rentabilité de la filière industrielle, qui amortit ses coûts par la production en série. Voilà pourquoi les Européens ont gardé une conception traditionnelle pour leur futur fer de lance, Ariane 6, annoncé pour 2020. Son prix baissera quand même de moitié. Comme quoi, la course à l’espace s’est transformée en une course aux coûts…

145 lancements de fusées par an en moyenne

Quelque 1.450 satellites seront lancés au cours des 10 prochaines années, représentant un montant de 250 milliards de dollars, estime le cabinet Euroconsult qui organise la World Satellite Business Week qui se tient depuis lundi à Paris.

“Euroconsult table sur 145 lancements de satellites de plus de 50 kg par an en moyenne d’ici 2025 par les agences gouvernementales et les organisations commerciales dans le monde”, affirme le cabinet dans un extrait de cette 19e étude annuelle qui sera publiée d’ici fin septembre.

“Si l’on y ajoute le satellites de moins de 50 kg et les deux mega-constellations satellitaires de OneWeb et SpaceX, le total gonfle à 9.000 unités (contre 1.480 lancés au cours de la décennie précédente)”, poursuit Euroconsult.

Mais, souligne Rachel Villain, conseillère principale à Euroconsult et auteure du rapport, “une forte croissance (du nombre) de satellites ne se traduit pas automatiquement en un gros marché. Comme le prix des 7.550 satellites additionnels est intrinsèquement bas – raison même de leur existence – leur poids de marché est faible: ils ne devraient pas représenter plus de 8% des 270 milliards qui seront dépensés pour construire et lancer la totalité des 9.000 satellites” au cours de la période.

Selon Euroconsult, les trois quarts du marché restent représentés par les satellites gouvernementaux, avec 880 unités à lancer au profit des agences civiles et militaires de 60 pays, soit un marché de 193 milliards de dollars.

Les États dominent l’industrie spatiale d’une part car les pays déjà présents dans le secteur remplacent et étendent leurs systèmes en orbite et d’autre part davantage de pays acquièrent leurs premiers systèmes satellitaires, généralement destinés aux communications ou à l’observation de la Terre et le renseignement.

Environ 85% du marché gouvernemental restera concentré entre les mains de 10 pays dotés d’une industrie spatiale (Etats-Unis, Russie, Chine, Japon, Inde et cinq pays européens). Les autres 50 pays présents dans les activités spatiales vont néanmoins lancer deux fois plus de satellites qu’au cours des dix dernières années. Cela représente près de 200 satellites, dont la moitié auprès de constructeurs étrangers.

Dans le secteur commercial, Euroconsult table sur 560 lancements de satellites au cours des 10 prochaines années au profit de 40 groupes. La plupart de ces satellites seront destinés au remplacement des capacités de communications déjà en orbite aujourd’hui.

Les 11 constellations à lancer en orbite non-géostationnaire pour des services de communication et l’observation de la Terre représentent un marché de 1,6 milliard de dollars par an au cours des dix prochaines années, selon Euroconsult.

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