Pékin s’empare du géant Anbang, son fondateur poursuivi pour “crimes économiques”

Wu Xiaohui © Reuters

C’est un groupe privé emblématique de la frénésie chinoise d’achats à l’étranger: Anbang, troisième assureur du pays, est passé directement vendredi sous le contrôle de Pékin, une mesure radicale destinée à enrayer les risques financiers dans la deuxième économie mondiale.

“Des pratiques commerciales illégales chez Anbang Insurance Group ont gravement mis en danger la solvabilité de l’entreprise”, a expliqué la Commission chinoise de régulation des assurances en annonçant la mise sous tutelle du groupe, qui avait beaucoup fait parler de lui en 2014 en s’emparant du Waldorf Astoria, mythique palace new-yorkais.

Son fondateur, Wu Xiaohui, qui avait démissionné en juin dernier officiellement pour “raisons personnelles”, est poursuivi pour “crimes économiques”, a précisé la Commission dans un communiqué.

Anbang est le premier groupe chinois à faire l’objet d’une mesure aussi radicale, après que Pékin a ordonné depuis fin 2016 à plusieurs grandes entreprises du pays de réduire leurs investissements “irrationnels” à l’étranger et leurs dettes.

Dans le collimateur du régime communiste, quatre “rhinocéros gris”, comme les a surnommés la presse chinoise, des entreprises connues pour leur endettement inquiétant: Anbang, mais aussi Wanda (immobilier, divertissement), HNA (aéronautique, logistique) et Fosun (finance, pharmacie), propriétaire du Club med et tout récemment de Lanvin.

Si le mastodonte Wanda a obtempéré, vendant pour des milliards de dollars d’actifs dans le secteur du tourisme, Anbang avait en revanche fait de la résistance, déclarant fin juillet n’avoir aucun plan de cession de ses investissements.

Un mois plus tôt, la presse chinoise avait fait état de l’interpellation de Wu Xiaohui, mais cette information n’avait pas été confirmée officiellement. Le charismatique fondateur d’Anbang était considéré comme bien connecté politiquement, ayant épousé une petite-fille de l’ancien dirigeant Deng Xiaoping, artisan des réformes économiques chinoises à la fin des années 1970.

Membre de “l’aristocratie rouge”, M. Wu était également en lien avec l’entreprise de Jared Kushner, gendre et conseiller de Donald Trump, sur un projet de rénovation d’une tour de Manhattan, qui avait finalement tourné court l’an dernier.

Actionnariat opaque

La lutte contre les risques financiers sera l’un des trois “durs combats” à mener en 2018, a averti l’an dernier le président chinois Xi Jinping lors du congrès du parti au pouvoir, aux côtés de la guerre à la pauvreté et à la pollution.

“Les autorités veulent résoudre les problèmes d’Anbang sans mettre en danger l’ensemble du système”, a commenté Zhou Hao, économiste à la Commerzbank à Singapour. “Tout bien pesé, c’est la meilleure chose à faire”, a-t-il dit à l’agence Bloomberg.

La prise de contrôle d’Anbang, d’une durée initiale d’un an éventuellement reconduite une fois, ne s’accompagne pas d’une nationalisation du capital, l’assureur devant continuer à fonctionner comme un groupe privé, selon le communiqué.

Fondé en 2004, Anbang est passé en quelques années du statut de simple assureur spécialisé dans l’immobilier et l’automobile à celui de géant financier international. Outre le Waldorf, racheté pour la somme record de 1,95 milliard de dollars (1,74 milliard d’euros), Anbang s’est emparé des assureurs sud-coréen Tong Yang Life, du néerlandais Vivat ou encore du belge Fidea NV.

En avril dernier, Anbang avait en revanche dû abandonner ses visées sur le groupe hôtelier américain Starwood Hotels and Resorts, qu’il proposait de racheter pour… 14 milliards de dollars.

L’actionnariat d’Anbang, qui ne possède aucune entité cotée, est partagé selon la presse chinoise entre plusieurs firmes privées et publiques, mais reste extrêmement opaque.

La Commission de l’assurance a précisé qu’une équipe installée à la tête d’Anbang se chargerait de céder certains actifs et de revoir l’actionnariat.

La situation économique d’Anbang est “globalement stable”, assure le communiqué. Selon son site internet, l’entreprise possède pour près de 2.000 milliards de yuans d’actifs (255 milliards d’euros).

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