Comment Uber s’est mis le doigt dans l’oeil en Europe

Manifestations des taxis contre Uber ce 16 septembre à Bruxelles. © REUTERS

La société américaine espérait entrer aisément sur le marché européen. Mais elle rencontre une résistance plus forte qu’elle l’imaginait de la part des autorités locales, sans parler bien sûr des taxis, comme le montre la manifestation à Bruxelles ce mercredi.

Les Bruxellois souffrent aujourd’hui des effets de l’arrivée d’Uber, avec la manifestation des taxis européens qui a bloqué notamment l’accès à l’aéroport de Zaventem. C’est une des réactions spectaculaires provoquée par la société américaine qui propose une alternative aux taxis.

Uber n’ignorait pas qu’il affronterait l’adversité en ouvrant des services en Europe, à Bruxelles, Paris ou Berlin. L’entreprise a suivi une approche qui lui a réussi aux Etats-Unis. Elle consiste à ouvrir un service et à demander la permission ensuite, à forcer la main aux autorités en jouant sur la popularité du service Uber et l’image peu positive des taxis. Uber cherche à prendre la plus grande place possible pour rendre son interdiction difficile, pour ne pas dire impossible. Beaucoup de villes américaines ont accepté cette stratégie du pied dans la porte.

En Europe, Uber a sous-estimé la résistance des autorités locales. Après de nombreuses escarmouches, elle va maintenant affronter plusieurs procès. La garde à vue en France, en juin dernier, de deux dirigeants, Thibaud Simphal, directeur général d’Uber France, et Pierre-Dimitri Gore Coty, directeur pour l’Europe de l’Ouest, a jeté un froid au sein d’Uber. Ils devraient passer en correctionnelle notamment pour complicité dans l’exercice illégal de la profession de taxi. En Allemagne, le service UberPop a été interdit à Francfort.

La crainte des arrestations

La direction d’Uber était au courant des risques encourus lorsqu’elle a ouvert, l’an passé, des services UberPop à Bruxelles, Paris et Barcelone. Une enquête du Financial Times montre que cette approche agressive avait poussé l’european policy chief d’Uber à prévenir le CEO de l’entreprise, Travis Kalanick qu’il allait au-devant d’un affrontement très rude avec les autorités. “Mr Kanalick a licencié le policy chief” indique le quotidien financier. Qui ajoute que l’encadrement européen d’Uber n’est pas tranquille. Certains membre du personnel craignent une arrestation lorsqu’ils se rendent à une réunion avec des autorités locales.

Les consommateurs aiment Uber, mais…

Une partie de la stratégie d’Uber se vérifie. Selon un sondage récent de notre confrère de La Libre, seuls 7% des personnes interrogées soutiennent l’interdiction d’Uber. Déjà 12% des Belges ont utilisé Uber, chiffres qui monte à 20% pour les Bruxellois. Cela devrait se traduire par une clémence réglementaire. Le ministre bruxellois de la mobilité, Pascal Smet, avait donné le sentiment qu’il ouvrirait la porte à Uber en révisant la législation sur le transport de personnes pour y inclure les nouvelles formes de mobilité utilisant le net. Le ministre tarde à sortir un texte, et est mis sous pression par les défenseurs des taxis.

Le poids des consommateurs semble moins peser pour Uber, en Europe, qu’aux Etats-Unis. Le service UberPop, largement utilisé en Europe, est assuré par des particuliers qui utilisent leur voiture, par opposition à d’autres services Uber comme UberX, prestés par des professionnels. Le point faible d’UberPop est le paiement des taxes et cotisations sociales, qui n’est pas certain. L’argument des taxis et de certains politiques est que l’avantage de cette offre, le coût modéré, s’explique par le non-paiement des charges.

A défaut de toujours convaincre les politiques, Uber espère au moins gagner devant les tribunaux. L’entreprise a introduit une série de recours. La Cour de Justice européenne examine si Uber est une entreprise de transport ou un service numérique. Ce qui pourrait la préserver des accusations d’organiser des taxis illégaux, mais aussi juste renvoyer le souci vers les chauffeurs qui seront alors en première ligne. Le manque de coopération des autorités locales pourrait pousser Uber à revoir son business model en Europe.

L’agressivité d’Uber s’explique par sa volonté d’afficher une croissance importante, d’améliorer sa valorisation. Elle a levé 10 milliards d’euros depuis sa naissance en 2009 et est valorisée à 50 milliards de dollars. Le souci de Travis Kalanick est de rester loin devant ses concurrents. En Inde, par exemple, Ola a atteint une valorisation de 5 milliards de dollars.

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