“La durabilité, c’est aussi pouvoir porter un vêtement longtemps.”

Label allemand d’origine suédoise, Marc O’Polo s’est développé en s’en tenant à une philosophie de base : qualité et intemporalité. Sans pour autant perdre de vue les tendances. Le chiffre d’affaires de son dernier exercice s’élève à un demi-milliard d’euros. Rencontre avec Andreas Baumgärtner, Managing Director en charge du design, des licences, du marketing et de la production. “Notre succès s’explique par notre non-sophistication.”

Marc O’Polo a été créé en 1967 par l’Américain Jerry O’Sheets et les Suédois Rolf Lind et Göte Huss. Travaillant à l’époque pour Kodak en Finlande, Jerry O’Sheets y rencontra un homme vendant des chemises en coton tissées à la main en provenance d’Inde. Il fut si impressionné par leur qualité qu’il en acquit une série. En visite en Suède chez une amie, il se rendit compte à quel point les Suédois les appréciaient et décida de monter une affaire à laquelle s’associèrent Rolf Lind et Göte Huss.

Pour souligner le caractère naturel des matières utilisées, les trois hommes prirent la fraise pour symbole de leur première grande campagne. Le caractère spécifique de leur approche leur permit d’inscrire très vite la marque dans le circuit international de la mode. Andreas Baumgärtner, Managing Director en charge du design, des licences, du marketing et de la production : “Le caractère nord-européen de Marc O’Polo reste très important. Les collections sont souvent réalisées dans des tons sobres et des matériaux naturels et de qualité. Acheter chez Marc O’Polo, c’est acheter une philosophie, en plus d’un vêtement.”

On achète plus qu’un vêtement, on achète une philosophie.

Si Andreas Baumgärtner travaille depuis quinze ans pour Marc O’Polo, c’est chez l’un de ses concurrents, Hugo Boss, qu’il a fait ses classes. “Je mets actuellement en pratique chez Marc O’Polo beaucoup de ce que j’ai appris chez Hugo Boss. Ce sont surtout mes deux années de collaboration avec Werner Baldessarini – alors encore Product Manager et directeur créatif, devenu plus tard CEO – qui m’ont été profitables. Il m’a beaucoup appris – les différences entre un bon et un mauvais costume, entre le fabuleux et le moyen… Un écolage qui fut souvent dur mais toujours formateur. Je réalise à peine que j’oeuvre pour Marc O’Polo depuis quinze ans déjà. Il s’est passé tant de choses durant cette période. Nous travaillons dur mais avec succès et celui-ci nous donne chaque jour de l’énergie.”

PÂTES ET VIN OU CAVIAR ET CHAMPAGNE ?

“La culture d’entreprise de Marc O’Polo est restée très scandinave – il n’y existe pas de hiérarchie stricte – et est dès lors ouverte au débat : chacun peut s’y exprimer sans crainte.” Dans sa fonction de COO, Andreas Baumgärtner tente de transmettre au management les idées émanant de ces débats ouverts, lesquelles peuvent être prises en compte lors des décisions. “Il faut, bien sûr, que quelqu’un tranche, de manière à nous éviter de nous retrouver dans une zone grise. Il n’est pas possible de tenir compte de toutes les idées, sans quoi nous serions tiraillés entre plusieurs options, ce qui, pour une entreprise, peut être mortel. Il convient de toujours suivre un cap clairement défini.”

Et, depuis près de quinze ans, ce cap mène aux succès. Sans que ce soit pour autant évident. Dans le marché de la mode – par définition volatil, évolutif et soumis à des tendances et à des styles imprévisibles -, Marc O’Polo ne semble pas, à première vue, jouer un rôle prédominant. Ni événements glamour, ni défilés, ni campagnes tape-à-l’oeil, ni collections extravagantes. C’est peut-être là précisément que réside son succès. “Nous ne cherchons pas à courir en tête. A dire vrai, nous sommes plutôt des suiveurs que des précurseurs – termes que je n’apprécie guère, du reste. Nous demeurons fidèles à nos valeurs de base, ce qui ne nous empêche pas d’être attentifs à ce qui se passe dans la mode casual. Nous cherchons à suivre notre propre voie et parvenons à nous distinguer dans un marché où le choix est vaste et les prix, bas. Marc O’Polo est une marque premium qui doit montrer à ses clients qu’ils en ont pour leur argent. Elle n’a pas pour ambition d’être la plus fashion. Elle respecte un style de base moderne qui reflète ses valeurs, sans avoir à passer d’une tendance à l’autre. Elle cible des gens en quête de style mais pas forcément de sophistication. Je compare volontiers cette démarche à un menu : plutôt des pâtes et du vin de qualité que du caviar et du champagne bas de gamme.”

Forte de plus de 2.700 points de vente, dont une centaine en gestion propre, elle a son rôle sur l’échiquier mondial de la mode.

C’est cette fidélité à une philosophie de base qui permet à la marque de connaître un tel succès. Forte de plus de 2.700 points de vente, dont une centaine en gestion propre, elle a son rôle sur l’échiquier mondial de la mode. Sans pour autant avoir atteint ses limites, comme en témoignent les marqueurs d’expansion. Lancée en 2014 en Asie, plus précisément sur le gigantesque et difficile marché chinois, elle doit en permanence, en tant que marque de qualité, être en quête de diversifications pour séduire une clientèle exigeante.

La durabilité joue un rôle prépondérant. “Et cela ne concerne pas seulement l’écologie. Nous contrôlons de très près l’origine des matériaux et la manière dont les vêtements sont confectionnés, bien sûr, mais la durabilité a aussi trait à la qualité : nos produits sont conçus pour durer plusieurs années – ils ne s’altèrent pas après avoir été portés et lavés quelques fois. Nous veillons donc à ce que nos collections soient intemporelles plutôt que soumises aux tendances. N’est-il pas gratifiant de pouvoir porter des vêtements dans la durée et de continuer à les trouver beaux ? Ils en deviennent presque des amis (rires).”

La durabilité s’exprime aussi dans le slogan de la dernière collection : Follow Your Nature, clin d’oeil aux années 1980 où ceux tels que Only Natural Materials avaient la cote. “Nous jouons un peu sur notre histoire, mais il s’agit en définitive d’un message très actuel. Celui qui, aujourd’hui, achète et porte un vêtement Marc O’Polo adhère aussi à une prise de position. Sur ce plan, il nous faut nous différencier de grands concurrents tels que Hilfiger, Ralph Lauren et Gant qui affichent un way of life très américain.”

Marc O’Polo a joué la carte américaine dans le choix de ses mannequins : l’actrice/mannequin Dree Hemingway et l’acteur et producteur de films Josh Hartnett.

Pour Follow Your Nature, Marc O’Polo a joué la carte américaine dans le choix de ses mannequins : l’actrice/mannequin Dree Hemingway et l’acteur et producteur de films Josh Hartnett. Un choix logique selon Andreas Baumgärtner : “Ils sont l’un et l’autre des ‘Marc O’Polo people’ : des gens à la personnalité et aux valeurs fortes qui n’ont rien de frimeurs. Il est très agréable de travailler avec eux. Dree Hemingway avait déjà été mannequin pour Marc O’Polo il y a quelques années.”

En 2017, la marque célébrera son 50e anniversaire et a toutes les raisons d’en faire une fête. “En dépit de son âge, Marc O’Polo reste une entreprise moderne et très classe. On se sent fier de pouvoir y travailler.”

Texte ARNE ROMBOUTS

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