Chivas Regal stimule l’entrepreneuriat social

La première édition belge de The Venture de Chivas Regal a un vainqueur. Trends Style a assisté à la finale au Country Club à Bruxelles. Réconfortant et rémunérateur: cinq entrepreneurs livrent ici le pitch de leur projet social.

BeeOdiversity a été élue start-up la plus prometteuse du pays. L’impact écologique et social, les premières avancées – couronnées de succès – à l’étranger et le potentiel de développement à l’échelle internationale ont séduit les membres du jury – Bruno Wattenbergh (COO d’Impulse Brussels et directeur de Solvay Innovation), Amid Faljaoui (directeur du Vif/L’Express et de Trends/Tendances et rédacteur en chef de Canal Z), Bart Becks (fondateur de la plate-forme de financement participatif angel. me et de fonds de capital-risque Venturewise. eu) et Marnik D’Hoore (fondateur et CEO de Bloovi, ieLon et Opium).

Michael Van Cutsem, co-fondateur et directeur de BeeOdiversity, se rapproche ainsi un peu plus du prix de 1 million de dollars lié au concours international par lequel le distillateur Chivas Regal stimule l’entrepreneuriat social. La dernière étape vers la finale mondiale est un stage d’entraînement au Skoll Centre for Social Entrepreneurship à Oxford où les vainqueurs nationaux compareront et peaufineront leur plan d’entreprise.

Voici récapitulés les projets des cinq finalistes belges.

FYTEKO : UN VACCIN ANTI-SÉCHERESSE POUR PLANTES

Guillaume Wegria, Managing Director et R&D Program Leader: ” Le réchauffement terrestre représente un défi pour l’agriculture. L’an dernier, en Afrique du Sud, plus de 60 % du maïs a été perdu en raison de l’extrême sécheresse. Mais dans notre pays aussi, le stress hydrique ne cesse de croître. Les périodes sèches sont plus longues et, lorsqu’il pleut, il s’agit de pluies torrentielles tombant en un laps de temps très court. Les plantes et cultures agricoles doivent donc être mieux armées contre la sécheresse. “

” Les plantes possèdent naturellement le pouvoir de se protéger et d’user du moins d’eau possible lorsqu’il fait sec. Fyteko a développé un biostimulant qui leur donne l’illusion qu’il fait sec, ce qui leur permet de gérer l’eau plus efficacement avant qu’il ne soit question de pénurie. C’est comparable aux vitamines que l’on prend pour éviter de tomber malade. Nous ne changeons rien à la structure génétique, nous nous basons sur une molécule déjà présente. ”

Il ne faut pas sous-estimer l’importance du changement en cours dans le secteur de l’agriculture, qui donne plus d’opportunités aux entreprises moyennes.

” Fyteko s’aventure-t-il ainsi sur le terrain des grandes multinationales? Il ne faut pas sous-estimer l’importance du changement en cours dans le secteur de l’agriculture, qui donne plus d’opportunités aux entreprises moyennes utilisant des OGM et mettant la pression sur la durabilité. Nous entrevoyons des opportunités essentiellement en Amérique du Sud et en Afrique et menons actuellement des tests en Espagne et en Italie. Nous avons pris un brevet international. “

” Dès le départ, notre intention a été de développer un concept qui puisse aider les gens. De bonnes récoltes sont essentielles. Nous avons cherché un remède qui fournisse des résultats visibles et soit à la fois accessible à chaque cultivateur. Un bon produit à prix équitable. “

OVERVIEW FINANCE: VISUALISATION DE COMPTES AFRICAINS

Hans Pauwels, co-fondateur et CEO: ” On dit des clichés qu’ils possèdent un fond de vérité mais le poncif de “l’Africain qui ne s’occupe pas de la gestion de ses finances personnelles” est totalement faux. La plupart équilibrent leurs rentrées et leurs dépenses mais ne disposent pas des bons outils pour le faire. Si les cahiers de comptes version papier ne se trouvent plus ici qu’en magasin spécialisé, dans une ville telle que Nairobi, on les trouve en masse dans les supermarchés. “

” Le problème en Afrique est qu’il n’y a que peu de transactions financières laissant des traces – les gens payent principalement par cash. Cela complique la comptabilité et joue en défaveur des Africains lorsqu’ils désirent contracter un emprunt, la banque n’ayant aucune vision de leur profil et de leur capacité à rembourser. Conséquence? Les crédits relais y sont extrêmement chers, les taux annuels montant jusqu’à 300 %. “

A terme, notre application doit aussi faire en sorte que les banques aient une image objective de la situation financière du demandeur de prêt.

” Il leur manque donc un outil qui leur permette de bien gérer leurs finances. C’est là qu’Overview Finance peut intervenir. Au Kenya toujours, le transfer d’argent via le téléphone mobile (mobile money) – une pratique peu connue ici – représente un business important. 15 % de l’économie kenyane circule par SMS de GSM vers GSM. Les entreprises de télécoms sont devenues des banques, contrôlant et confirmant les montants envoyés par SMS. Nous avons développé une application qui capte, analyse et donne une représentation visuelle compréhensible des données pertinentes. Un outil gratuit de budgétisation pour smartphones, qui tient à jour et présente tous les paiements et rentrées sous forme graphique. Les utilisateurs voient d’emblée les montants qu’ils consacrent à la nourriture, aux transports, au loyer, etc., quand il leur faut payer telle facture et s’ils ne dépassent pas leur budget. ”

” Le lancement de l’application est prévu le 21 mars à Nairobi. Après le Kenya, nous visons le Nigeria. Pourquoi ces deux pays? Parce qu’il s’agit des marchés les plus évolués sur le plan numérique en Afrique. Un marché potentiel de 22 millions d’utilisateurs. “

” Mes deux fils et moi avons initié Overview Finance à partir de trois prémices. Le projet devait avoir une dimension sociale prononcée, un potentiel de croissance rapide dans un grand marché et être en lien avec la technologie. Nous le voyons comme très social. Les prêts à 300 % peuvent difficilement être considérés comme sociaux – lucratifs, oui. Il n’y a pas lieu de s’étonner, dès lors, que des entreprises américaines s’installent dans ces pays en ciblant des emprunts contractés pour combler les trous de fin de mois. A terme, notre application doit aussi faire en sorte que les banques aient une image objective de la situation financière du demandeur de prêt – il est normal qu’elles appliquent des tarifs élevés pour des gens dont elles ignorent tout. Si elles connaissaient leurs clients, les coûts des produits financiers s’en verraient diminués de façon significative. Elles y trouvent donc aussi leur avantage – il est préférable de compter un taux réduit à un emprunteur qui peut rembourser qu’un taux élevé à un débiteur qui ne le peut pas.

BOSAQ: LE CYCLE DE L’EAU

Jacob Bossaer, fondateur et CEO: ” Bosaq évolue selon deux axes. D’une part, nous conseillons des entreprises. Nous recherchons des modalités leur permettant d’utiliser moins d’eau grâce à une gestion plus intelligente, et de produire de l’eau plus durable – une activité menée essentiellement en Belgique. D’autre part, nous avons l’ambition de solutionner la pénurie d’eau à l’échelle internationale. Pour ce faire, nous avons développé deux produits. Le premier – le Solaraq – transforme, à l’aide d’énergie solaire, les eaux de surface (de mer, de pluie, souterraine, de rivière…) en eau potable. Le second purifie les eaux usées sur base d’énergies renouvelables et fournit une eau non potable mais pouvant convenir pour la vaisselle, le nettoyage, les sanitaires, l’irrigation… Aucun ne produit de flux de déchets, ce qui est essentiel pour notre concept de durabilité. Nous ciblons en premier lieu l’écotourisme. Dans nombre de pays d’Afrique, du Sud-est asiatique et de l’Amérique centrale et latine, les hôtels dépendent souvent de services d’approvisionnement en eau sous-performants. ”

L’engagement social m’a été inculqué dès l’enfance.

” Nous voulons un impact social maximal et tenons donc compte aussi de ceux qui ne peuvent se permettre de telles installations. 10 % au minimum des bénéfices de Bosaq vont à notre ASBL Water Heroes qui nous permet d’apporter nos produits à des communautés pauvres. Chaque client se fournissant chez Bosaq soutient automatiquement une bonne oeuvre. Dans notre organisation, le social est inné. Je suis issu d’une famille de dix enfants et mes parents ont travaillé au Congo. L’engagement social m’a été inculqué dès l’enfance. Mais je suis aussi un homme d’affaires désireux de gagner de l’argent. La conjonction de ces deux dimensions donne un scénario puissant: construire son propre capital pour élargir son impact social – cela ne me pose aucun problème de faire appel à l’ASBL pour augmenter la valeur commerciale de nos produits. Les deux étant imbriquées, la plus-value commerciale est réinjectée dans l’objectif social. ”

FUNDS FOR GOOD: INVESTIR POUR LES CHÔMEURS ENTREPRENANTS

Nicolas Crochet, Managing Partner: ” L’histoire de Funds for Good a débuté par deux constats. Primo, en Belgique et, par extension, dans le reste de l’Europe, on ne peut créer sa propre entreprise qu’en ayant un capital. Celui qui ne dispose pas d’une mise de départ devra renoncer d’emblée à son rêve – entreprise sociale, start-up technologique, salon de coiffure… Car les banques ne prêtent pas à qui n’a rien à investir. “

” Deuxio, en Belgique et en Europe, des centaines de millions d’euros dorment sur des comptes d’épargne – différentes études le confirment. Pourquoi ne sont-ils pas mieux investis? Parce que le public n’est pas convaincu par les possibilités existantes. Beaucoup recherchent des produits d’épargne rapportant des intérêts mais ayant aussi un profil éthique et un impact local. Les gens aspirent de plus en plus à des produits en lien avec l’économie réelle, le monde concret. ”

” Nous créons et diffusons des produits d’investissement de qualité à bon rendement, éthiques et ayant un impact social. Nos SICAV sont placées en Belgique, en France et au Luxembourg via les canaux traditionnels (banques, courtiers…). Nous en tirons des bénéfices, dont la moitié ainsi que 10 % de nos revenus propres sont offerts à notre fondation sociale. “

” Cet argent est prêté sans intérêt à des gens sans travail et sans capital, désireux de créer leur propre entreprise – ils souhaitent travailler mais ne le peuvent qu’en montant leur propre affaire, parce qu’ils sont trop âgés, trop jeunes, ou qu’ils n’ont pas le bon diplôme ou la bonne couleur de peau… Notre argent leur fournit un capital de départ suffisant pour pouvoir s’adresser aux banques ou aux micro-investisseurs en vue d’obtenir des moyens supplémentaires. “

Ceux qui reçoivent un prêt gratuit obtiennent en outre un coaching – gratuit, lui aussi.

” Ceux qui reçoivent un prêt gratuit obtiennent en outre un coaching – gratuit, lui aussi. Nous faisons ainsi en sorte d’accroître les chances de succès. C’est positif pour eux, pour nous et pour notre communauté – les investisseurs à qui nous fournissons chaque mois un aperçu financier et des informations sur les projets que nous soutenons, ce qui leur permet de voir l’impact de leur investissement. Ils sont aussi invités à participer – pour mieux connaître tel ou tel projet – ou à intervenir en tant que coach. Nous constatons que de plus en plus d’investisseurs et de banques viennent frapper à notre porte, désireux de participer à l’initiative. “

” Notre taux de réussite? 80 % des start-up qui ont accès à de l’argent via du micro-financement sont toujours actives après cinq ans. Cela signifie que notre action est l’une des formules les plus efficaces pour sortir les gens du chômage. Nous avons démarré en 2013 et offert, jusqu’ici, à 70 entrepreneurs l’opportunité de débuter. Notre objectif est de transformer en entrepreneurs 5.000 chômeurs en Belgique et 100.000 en Europe. C’est ambitieux mais réalisable. “

BEEODIVERSITY ” BUZZY ” BUSINESS

Michael van Cutsem: ” On ne le sait que trop: les abeilles sont soumises à rude épreuve. Ce dont l’Homme risque à terme d’être victime, car sans pollinisation, les fruits des arbres et nombre de cultures agricoles sont menacés de disparition. Les abeilles sont des sondeurs parfaits de l’environnement. Aucune technique n’est aussi sophistiquée et capable de surveiller un territoire d’une telle ampleur. Le rayon d’action moyen des abeilles pour récolter du pollen varie entre 1,5 et 3 kilomètres autour de la ruche. Soit quelque 700 hectares – l’équivalent de 1.000 terrains de football. “

” Le pollen témoigne de la diversité en fleurs, plantes, arbres et cultures mais signale aussi la présence de métaux lourds et l’usage éventuel de pesticides. Sur base de ces informations, nous pouvons entreprendre une action pour contrer la pollution ou augmenter la biodiversité. Si nous constatons un usage intensif de pesticides, nous organisons des ateliers avec les agriculteurs du cru, en collaboration avec les autorités locales. Si nous observons une faible biodiversité, nous conseillons d’introduire certaines plantes. ”

Notre objectif est de couvrir 200.000 hectares d’ici cinq ans et de devenir un acteur international.

” Notre projet à Knokke-Heist en est une belle illustration. Notre enquête nous a permis de constater la faible biodiversité dans et autour de la commune, et l’usage de pesticides par nombre d’agriculteurs. Avec ces derniers, nous avons recherché des alternatives possibles et, avec la commune et les habitants, nous avons effectué des plantations supplémentaires. Après deux ans, l’impact est perceptible: le nombre de variétés de plantes a augmenté de moitié et le niveau de mortalité dans les colonies d’abeilles apparaît bas. Ce projet offre aussi une plus-value en matière de tourisme et d’éducation via quatre visites guidées autour du thème de la pollinisation. “

” BeeOdiversity a démarré en 2013 et nous travaillons aujourd’hui avec nombre de grandes entreprises – Spa, Bru, CGB, Elia, Suez… L’inspiration est venue du docteur Bach Kim Nguyen, une autorité mondiale en matière de risque de disparition des abeilles. Détenteur d’une thèse de doctorat à l’université de Liège, il a tenu aussi à faire la différence sur le terrain. Actuellement, 60 projets sont en cours en Belgique et en France. Soit 42.000 hectares (60.000 terrains de football). Notre objectif est de couvrir 200.000 hectares d’ici cinq ans et de devenir un acteur international. Nous travaillons au développement d’un outil de bio-monitoring qui permettrait de surveiller l’environnement de chaque ruche sur la planète. Si nous en obtenons l’accès de la part de chaque apiculteur, nous pouvons offrir des solutions aux populations locales dans le monde entier.

Texte: Dirk Remmerie

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