Luxe ou promesse en l’air?

Papier peint purificateur d’air, filtres UV qui tuent les virus… et l’arrivée aujourd’hui des premiers wearables qui purifient l’air avant même qu’il n’atteigne notre bouche ou notre nez. Si cela ne tenait qu’à l’ingénieur Jake Dyson, nous allons bientôt tous respirer de l’air pur dans notre bulle.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 9 personnes sur 10 dans le monde respirent un air qui dépasse la limite fixée par l’OMS pour les polluants. Si la pollution au NO2 (dioxyde d’azote) a diminué dans les villes pendant la pandémie, de nombreuses villes du monde n’ont pas tardé à retrouver leurs niveaux de pollution initiaux. Certaines ont même dépassé les valeurs prépandémiques.

Visière

“La pollution atmosphérique est un problème mondial qui nous touche partout: à la maison, à l’école, au travail et dans nos déplacements, à pied, à vélo, dans les transports publics ou privés”, explique Jake Dyson, ingénieur en chef chez Dyson et fils de James Dyson, l’inventeur du célèbre aspirateur sans sac. Dyson a récemment mis au point le “Zone”, un casque hi-fi antibruit et purificateur d’air qui transmet aux oreilles un son riche et au nez et à la bouche un air purifié. “Le Zone est la première incursion de Dyson dans la technologie portable et la synthèse de plus de 30 ans d’expertise dans le développement de technologies de flux d’air, de filtration et de motorisation pour nos aspirateurs et purificateurs d’air d’intérieur”, explique Sean Ng, ingénieur designer chez Dyson. “Les compresseurs de chaque oreillette aspirent l’air, d’une part à travers un filtre à air électrostatique haut de gamme qui filtre 99% des polluants supérieurs à 0,1 micron et capture certaines particules de virus et d’autre part, à travers un filtre à charbon actif qui filtre tous les polluants sous forme gazeuse. Les deux flux d’air purifié sont dirigés vers le nez et la bouche de l’utilisateur par le biais de la visière sans contact. Grâce à la forme de la visière, le flux d’air purifié reste près du nez et de la bouche et est très peu dilué par les courants d’air latéraux extérieurs. Contrairement aux masques, il fournit de l’air frais sans toucher le visage.” La mise au point d’une visière sans contact était d’ailleurs essentielle pour les ingénieurs de Dyson, afin d’éviter l’inconfort et l’irritation souvent causés par les alternatives qui touchent la peau, comme les masques. “La visière est fabriquée à partir d’une composition de nylon flexible et a été développée sur la base de données anatomiques mondiales pour s’adapter à une multitude de formes de têtes”, explique Sean Ng. “Tout comme le casque audio, elle est réglable. “Le Zone notifie l’apparition d’un pic de pollution sur l’appli Dyson et l’utilisateur peut alors sortir la visière de son sac, la clipser sur son casque (avec des aimants) et respirer un air purifié. En d’autres termes, le Zone est un wearable qui s’utilise comme casque audio avec un son immersif et une fonction avancée de réduction du bruit active (ANC – Active Noise Cancellation), mais auquel on peut ajouter une fonction d’air pur si on le souhaite. En appuyant la visière vers le bas, la purification de l’air et la musique s’arrêtent, ce qui vous permet, par exemple, de commander un café.”

“Il existe aujourd’hui sur le marché de nombreux produits qui nous protègent”, déclare Marianne Stranger, chef de projet pour la qualité de l’air intérieur au VITO (Institut flamand pour la recherche technologique) et chercheuse depuis 22 ans dans le domaine de la qualité de l’air intérieur. “Dans les villes surpeuplées, on voit parfois des gens à vélo porter un street mask pour se protéger des particules fines ou autres polluants présents dans l’environnement. Mais un masque n’est pas toujours agréable ou confortable à porter. Je peux imaginer qu’un wearable comme celui de Dyson pourrait être plus agréable. En soi, je trouve le concept des wearables et l’idée que nous nous dirigeons vers une société où chacun génère de l’air dans sa propre bulle assez remarquables. Mais il existe de nombreux autres projets en cours autour de ce genre de wearables purificateurs d’air. Par exemple, le professeur Arsen Melikov, de l’Université technique du Danemark, a récemment présenté lors d’un congrès international un système qui fonctionne à l’inverse du Zone de Dyson. Il s’agissait d’une sorte de tout petit microphone, relié à un tube, qui aspire l’air vers un dispositif sur la ceinture. Ce dernier filtre l’air et le renvoie à travers un filtre HEPA dans l’environnement pour protéger les gens à proximité. Le Zone de Dyson fonctionne en sens inverse, créant un flux d’air pur pour que la personne qui porte le wearable puisse respirer cet air pur et être protégée. Mais quel est l’impact de cette bulle sur notre santé? “Nous n’en savons encore rien. Bien sûr, la question est de savoir si l’appareil sera porté en permanence ou juste dans les endroits bondés, comme on porterait un masque dans les transports publics.”

Cuisines sales

“La purification de l’air peut être bénéfique pour la société si elle est utilisée à bon escient, de la bonne manière et au bon endroit”, poursuit Marianne Stranger. “On a tendance à se concentrer sur la pollution extérieure, mais l’air intérieur est généralement plus pollué. En effet, les polluants de l’extérieur entrent dans les lieux de vie, auxquels s’ajoutent toutes les émissions de tous les produits qui se trouvent à l’intérieur. Chaque table, chaise, revêtement de sol, meuble, etc. peut produire des émissions, surtout s’ils sont neufs, par exemple à cause des colles et autres produits utilisés pour leur production. Mais les produits de consommation parfumés aussi produisent des émissions, comme les détergents et les produits de soin. Ajoutez à cela les activités en intérieur, comme le nettoyage ou la cuisine. Même passer l’aspirateur remue une partie des particules fines. Si vous cuisinez sans hotte, vous créez des particules fines, des particules de graisse, des gaz organiques et des HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) qui se propagent ensuite dans le reste de la maison. Ou les bougies, qui génèrent des émissions de suie. Si l’on mesure certains composés à l’intérieur, même les composés organiques volatils, on en trouvera beaucoup plus, c’est-à-dire en plus grande variété, mais aussi en plus forte concentration qu’à l’extérieur. Et une concentration plus élevée de tous ces composés augmente le risque de problèmes de santé. Il est donc important de modérer l’utilisation de ces produits et de bien aérer les pièces.”

Plus qu’un papier peint

“Le limonène, le toluène, le formaldéhyde, etc. sont des polluants intérieurs courants que l’on retrouve peu, voire pas du tout, dans l’air extérieur”, explique Marianne Stranger. “Le formaldéhyde est généralement présent dans les meubles, les produits de nettoyage, les objets de déco… Les gens peuvent devenir allergiques, il peut causer des problèmes respiratoires et, à long terme, il peut même être cancérigène. C’est le genre de polluants qu’il vaut mieux éviter à haute dose, et pourtant tout le monde en a chez soi. Il existe des substances qui éliminent le formaldéhyde et le limonène de l’air. Un filtre à charbon actif capture ces polluants, mais tous les filtres dans le commerce n’ont pas la même efficacité. La capacité doit être assez grande, les pores doivent être assez grands. Ces filtres contiennent parfois un catalyseur qui oxyde ces substances pour les convertir en CO2 et en eau. C’est la même technologie utilisée, par exemple, dans les panneaux muraux, les revêtements ou les peintures qui purifient l’air. Mais, bien sûr, ils n’agissent pas contre tous les polluants. Pour éliminer les oxydes d’azote (NOx) de l’air, une autre technologie est nécessaire.”

Le Saint Graal

“Le purificateur d’air universel qui fait baisser la concentration de tous les polluants intérieurs de façon uniforme n’existe pas encore à mon avis”, déclare Stranger. “Un purificateur d’air se concentre généralement sur un groupe de polluants ou un seul polluant. Mais en principe, n’importe quel purificateur d’air équipé d’un filtre HEPA, par exemple, peut déjà aider”, explique Marianne Stranger. “Les systèmes HEPA (High Efficiency Particulate Air) sont les solutions les plus évidentes et, je pense, les plus abordables. Ces filtres HEPA sont bénéfiques pour les personnes souffrant d’asthme ou d’allergies à la poussière, car ils éliminent davantage les particules fines et les allergènes de l’air, réduisant ainsi l’exposition. Mais il existe aussi des dispositifs plus coûteux, comme la précipitation électrostatique. Il s’agit en fait de plasmas qui chargent les composants de l’air et attirent les particules chargées vers des pôles pour purifier l’air. À l’achat d’un purificateur d’air, il faut particulièrement tenir compte du débit de purification de l’air (que l’on appelle aussi le Clean Air Delivery Rate ou CADR). C’est le critère le plus important pour le consommateur, mais tous les débits de purification de l’air ne se valent pas. Actuellement, il existe plusieurs façons de déterminer ce débit. En général, dans une pièce suffisamment aérée, il est recommandé de prévoir 40 mètres cubes d’air frais par personne et par heure ; le minimum est un apport de 25 mètres cubes d’air frais par personne et par heure, complété par une purification d’air adéquate. Le volume sonore aussi est très important. Pour certains dispositifs, un volume sonore plus faible est synonyme de débit d’air plus faible, et l’efficacité de la purification de l’air est donc réduite. Selon le seuil de confort recommandé, un volume de 35 décibels est la limite acceptable dans un environnement intérieur.” Il existe des tests pour évaluer les purificateurs d’air selon des procédures standardisées. ,Avant de se décider d’acheter un purificateur d’air, il peut être très intéressant de rechercher s’il a fait l’objet d’une évaluation indépendante ou d’un rapport de test par un organisme indépendant (comme le VITO).”

www.dyson.be, www.vito.be

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