Histoires inédites

Après une tournée européenne réussie, l’expo immersive Untold Stories de Peter Lindbergh, le regretté photographe de mode, s’installe à l’Espace Vanderborght En plus de lancer les carrières de Kate Moss et de Naomi Campbell, Peter Lindbergh a aussi transformé la photo de mode et en a fait un art. Trends Style a rencontré son fils Benjamin. “Il n’était pas particulièrement porté sur la mode”

Peter Lindbergh était lui-même le commissaire d’Untold Stories. Jusqu’à sa mort en 2019, il a passé deux ans, entre les séances photo, à préparer cette expo, parfois jusqu’au petit matin. “Où qu’il aille, il avait avec lui sa mallette de documents”, confie son fils, Benjamin Lindbergh, à Trends Style. “En vacances, à l’hôtel ou à la maison, il étalait toujours ses photos à même le sol pour voir lesquelles associer. Chez lui, il les laissait parfois traîner pendant des mois jusqu’à trouver la bonne composition.”

Le no-nonsense en tant que philosophie de vie

Les photos de Peter Lindbergh sont authentiques, brutes, pures et d’une beauté surnaturelle. Selon Peter Lindbergh, il n’avait pas de véritable secret pour créer ce moment unique et magique. Cela se produisait tout simplement et il se laissait porter par la magie de l’inattendu. Tout comme la poésie de l’instant imprègne chaque photo, cette expo est le résultat de coïncidences et d’expériences menées par the master himself. “S’il créait cette expo aujourd’hui, elle serait totalement différente. C’est ce qu’il voulait montrer à ce moment-là de sa vie, en tant que commissaire de son propre travail. D’ailleurs, il insistait sur le fait qu’il ne s’agit absolument pas d’une rétrospective. Selon lui, elles n’étaient destinées qu’aux artistes décédés. Il s’agit là de sa réflexion sur 4 décennies de photographie, fusionnées en 150 images inédites.” Ceux qui s’attendent à voir des textes et des explications avec les photos risquent d’être déçus. “Il n’y a rien à expliquer. Le visiteur est libre d’imaginer ou d’inventer une histoire pour accompagner les images.” Cela illustre parfaitement la philosophie no-nonsense du photographe de mode. “Pour mon père, le plus important était d’être soi-même et de ne pas se tailler une identité par l’achat d’accessoires ou de vêtements coûteux. Il nous disait toujours de ne pas essayer d’être quelqu’un d’autre, car cela se retournerait contre nous. Notre famille n’a jamais été très sensible à la mode, d’ailleurs. Mon père portait son éternel t-shirt noir et moi aussi, j’ai une collection de t-shirts blancs et noirs, c’est super facile (rires).”

Antonio Banderas, Los Angeles, 1995 © Peter Lindbergh
Antonio Banderas, Los Angeles, 1995 © Peter Lindbergh

Une liberté incommensurable

Peter Lindbergh a toujours veillé à ce que les mannequins se sentent bien, en les abordant avec bonne humeur, mais aussi tout simplement en imposant une atmosphère naturelle et détendue sur le plateau. “Lorsque l’on travaille dans un environnement stressant, cela se voit sur les photos. Il essayait toujours de voir le côté positif d’une situation et il invitait les mannequins dans un environnement familier pour éloigner le stress.” Ce sentiment de liberté incommensurable, il l’a également transmis à ses trois fils. “Il n’avait évidemment plus à gagner notre confiance et était d’une grande générosité avec nous. Il y a des parents qui orientent leurs enfants dans une certaine direction et il n’y a rien de mal à cela, mais nous, il nous laissait libres. Il ne nous a pas poussés à devenir médecins, avocats ou peintres, et encore moins à suivre ses traces. Quelle que soit la direction de nos choix, il nous soutenait. Et si nous avions le sentiment de ne pas être sur la bonne voie, il nous encourageait à faire autre chose et à ne pas perdre notre temps. Pour ma part, j’ai été l’assistant de mon père pendant deux ans après mes études, principalement parce que j’avais envie de voyager. C’était génial, mais au bout de deux ans, il m’a dit: “c’est bien beau, mais si tu ne veux pas devenir photographe, c’est une perte de temps et il vaut mieux trouver un autre job.” J’ai ensuite travaillé pour une maison de production, mais j’ai été licencié lors de la crise financière de 2008. Pour garder quelque chose à faire pendant que je cherchais un nouveau job, je suis retourné travailler dans le bureau de mon père pour gérer ses archives. Cela m’a tellement plu que je suis resté et j’ai donc collaboré avec lui pendant dix ans ; j’ai organisé des expositions, j’ai publié des livres et géré le studio en tant que directeur de studio. Et cela me plaît toujours autant. L’aspect administratif fastidieux est évidemment bien moins agréable, mais it’s part of the job.”

Karen Elson, Los Angeles, 1997 © Peter Lindbergh
Karen Elson, Los Angeles, 1997 © Peter Lindbergh

Contrairement à ses deux frères, photographes passionnés, vous ne verrez jamais Benjamin derrière l’objectif. “Je suis un peu un cas à part dans la famille et pourtant je suis immergé au quotidien dans l’oeuvre de mon père. D’ailleurs, cette exposition m’évoque des souvenirs de jeunesse. Je me souviens, par exemple, combien tout était simple. Que parfois, nous montions tous dans un car pour nous rendre sur un plateau, nous mangions sur la plage et nous menions presque une vie de gitans. Je n’oublierai jamais les belles atmosphères des plateaux. Mon père avait une petite boombox et il proposait aux mannequins de passer leur musique préférée. C’était vraiment cool.”

Peter Lindbergh en zoon Benjamin, 2018 © Stefan Rappo
Peter Lindbergh en zoon Benjamin, 2018 © Stefan Rappo

Untold Stories se prolongera jusqu’au 14 mai 2023 à l’Espace Vanderborght, rue de l’Écuyer 50, 1000 Bruxelles

Atelier Baude, Paris, 1997 © Peter Lindbergh
Atelier Baude, Paris, 1997 © Peter Lindbergh

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