Le chef étoilé Maxime Collard : “L’école hôtelière, c’est un choix qui marque toute une vie”
Dans cette rubrique, nous interrogeons un·e entrepreneur·se sur sa manière de concilier style (de vie) et carrière. Cette semaine, nous avons eu le plaisir de manger étoilé à La Table de Maxime (Collard), le restaurant au plus beau design selon le Gault&Millau 2020.
À 35 ans, Maxime Collard est à la tête d’un petit empire à visage humain, solidement ancré dans son terroir natal. Originaire de Paliseul, dans la province de Luxembourg, il a fait ses armes dans un restaurant triplement étoilé à Bruges. Il y a dix ans, il a décidé de revenir aux sources et d’exprimer sa créativité débordante dans un concept propre qui allie restauration et hôtellerie. Entouré à chaque instant de sa famille, il a pris soin de grandir à son rythme. Aujourd’hui, il gère en tout trente chambres dans cinq bâtiments, et deux restaurants, dont un étoilé.
Les étoiles justement, parlons-en. “Mon expérience dans la restauration haut de gamme m’avait permis d’acquérir une certaine rigueur et une grande exigence. Nous avons ouvert La Table de Maxime en 2009 et décroché notre première étoile l’année suivante. J’ai commencé ici seul en cuisine. Aujourd’hui, nous sommes trente à travailler dans les différents établissements.”
Dans un secteur où le turnover est très important, Maxime Collard est parvenu à fédérer autour de lui une équipe dévouée et compétente, en plus de sa famille qui l’épaule dans le travail administratif et l’accueil des clients. Un soutien qui n’a pas de prix. “Décider de faire l’école hôtelière à 14 ans, c’est un choix qui marque toute une vie.”
Comment conciliez-vous vie privée et vie professionnelle ?
Maxime Collard : “Dans le milieu de la restauration et de l’hôtellerie, la vie professionnelle empiète énormément sur la vie privée. Hormis les jours de fermeture de La Table (les lundis et mardis), je commence à 7 heures. Et même si le restaurant est fermé, je dois gérer les autres établissements. L’après-midi, j’essaie de passer une heure avec ma fille avant de reprendre le travail jusqu’à la fin du service.
Par ailleurs, d’autres sollicitations peuvent se présenter, notamment les voyages qui me permettent de découvrir ce qui se fait ailleurs. Récemment, je me suis rendu à Bordeaux dans le but de rencontrer de jeunes vignerons dynamiques. Durant ces trois jours, je n’ai pas vu ma famille. C’est d’ailleurs pour nous permettre de passer plus de temps ensemble que ma compagne Aurore a pris la décision de venir travailler avec moi.”
Avec la généralisation et la multiplication du numérique, tout le monde parle de se déconnecter. Parvenez-vous à vous offrir des moments hors ligne ?
MC : “Absolument. Quand je suis en cuisine, je suis totalement déconnecté. Après mon service, j’apprécie de passer un moment sur les réseaux sociaux. Quand on termine de travailler à 1 heure du matin, ils créent en quelque sorte un lien avec l’extérieur. J’aime voir ce que publient les chefs des grands restaurants à travers le monde.
Instagram et Facebook sont devenus des outils indispensables pour la visibilité. C’est Aurore qui se charge des posts sur nos réseaux sociaux. Ce n’est pas toujours simple : il faut veiller à ne pas en faire trop tout en gérant les avis et les critiques. Parfois, celles-ci sont constructives. D’autres fois, elles sont gratuites et méchantes.”
Quel sommet professionnel souhaiteriez-vous atteindre ?
MC : “C’est une question difficile. Quand j’ai commencé à travailler à 25 ans, mon rêve était de décrocher une étoile. Si je remonte à l’époque de mes études, les étoiles, c’était un mythe dont tout le monde parlait mais qui semblait presque irréel. Même pousser la porte d’un étoilé relevait de l’utopie. Je n’ai jamais cédé à la course aux étoiles parce que selon moi, ceux qui les cherchent ne les obtiennent jamais. En avoir décroché deux, c’est déjà dingue, et je ne pense pas qu’on ira beaucoup plus loin. Mais je ne suis pas devin. Dans cinq ans, nous aurons peut-être envie de viser plus haut. J’ai 35 ans et encore une longue carrière devant moi.”
Si vous êtes passionné, foncez !
Comment vous habillez-vous pour travailler ?
MC : “Comme vous me voyez maintenant (entretien réalisé après le service de Maxime, NDLR) : une veste blanche, un tee-shirt, un pantalon en toile et des chaussures de sécurité. Une tenue confortable, dans laquelle je sais que je vais passer plus de douze heures par jour.”
Quel est le plus grand luxe à vos yeux ?
MC : “Passer du temps avec ma famille et ma fille en particulier qui n’a que 14 mois. J’ai peur de ne pas la voir grandir. Je suis passionné par mon métier et j’ai parfois tendance à oublier le reste. Il faut trouver des compromis pour profiter à la fois de son travail et de ses proches.”
Comment retirez-vous de la satisfaction de votre travail ?
MC : “Ma satisfaction, c’est que ça marche ! Et je me réjouis surtout de voir les clients sortir de chez nous contents. Je souhaite aussi que l’équipe se sente bien et soit heureuse de faire partie de l’aventure. Que personne ne vienne bosser avec les pieds de plomb.
Contrairement à d’autres chefs, qui aiment faire un tour en salle après le service, je ne quitte pas facilement ma cuisine. D’une part car je suis assez timide et de l’autre parce que je n’ai pas envie d’importuner mes clients après leur repas. En revanche, mon personnel me transmet régulièrement un feed-back sur le ressenti de la clientèle.”
Quelle est la meilleure leçon que vous a enseignée votre carrière ?
MC : “Si vous êtes passionné, foncez ! En travaillant beaucoup, on y arrive toujours. C’est valable dans la restauration et l’hôtellerie, mais aussi dans tous les autres secteurs. J’ajouterai qu’il faut garder à l’esprit que tout ne sera pas toujours rose et qu’il faudra faire des sacrifices. Contrairement à la plupart de mes amis, je ne peux pas sortir le week-end. Ils savent que mon jour de repos, c’est le lundi, et que si on veut se voir, ce sera ce jour-là et pas un autre.”
Carrière & style
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