‘J’entreprends. Et je suis une femme’

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ELLES sont des dizaines, des centaines, des milliers à avoir franchi le pas de l’entrepreneuriat. Mais bien que les femmes constituent la moitié de la population active, elles ne représentent qu’un tiers des indépendants. Et ce phénomène n’est pas propre à la Belgique, il s’applique à l’ensemble de l’Union européenne. Retour sur un phénomène de société.

Un passé lourd à porter

‘On ne naît pas femme : on le devient’, a écrit Simone de Beauvoir qui présentait la différence entre les genres comme une construction sociale imposée aux jeunes filles. Cette icône féministe voulait échapper à la condition féminine (foyer, mariage et maternité). Une réalité de l’époque… et d’aujourd’hui. ‘On ne peut pas faire disparaître 8.000 ans de patriarcat d’un coup de baguette magique’, explique Isabella Lenarduzzi, fondatrice de JUMP qui oeuvre en faveur de l’égalité des sexes au travail. ‘Malgré certaines avancées, les femmes prestent trois quarts des heures de travail non rémunérées (tâches ménagères et obligations familiales). Victimes du syndrome de la charge mentale, les femmes se sentent responsables du bonheur et de la réussite de leurs proches. C’est la raison pour laquelle elles sont peu disposées à fonder une deuxième famille (comprenez : une société avec du personnel). Quand elles entreprennent, c’est généralement comme indépendantes et moins souvent en tant que cheffes d’entreprise.’

J’ai toujours entrepris, je ne sais rien faire d’autre

Isabella Lenarduzzi

Heureusement, les mentalités changent. Les hommes sont de plus en plus enclins à s’impliquer dans la vie familiale et le cadre législatif s’adapte par le biais de mesures comme le congé de paternité. Si ce congé permet de favoriser l’égalité femmes-hommes, il n’est pas toujours vu d’un bon oeil par les employeurs et les hommes qui en bénéficient tendent à être marginalisés. Et si on osait l’obligation et la prolongation du congé de paternité ?

'J'entreprends. Et je suis une femme'
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Un présent encourageant et motivant

‘Appelons un chat un chat : toutes les entreprises sont sexistes parce que leur culture n’est pas neutre’, poursuit Isabella Lenarduzzi. ‘C’est pourquoi nous organisons des formations en entreprise pour aider les femmes à déchiffrer les codes masculins et inciter les hommes à transformer leur leadership pour qu’il soit plus inclusif. Nous proposons également des tutoriels pour répondre aux remarques sexistes, racistes et homophobes. Et nous allons publier notre premier guide antisexisme pour les responsables des ressources humaines et les top managers.’

Éternelle optimiste, Bénédicte Philippart de Foy a créé en 2005 le réseau f.a.r. (femmes actives en réseau) dédié aux actuelles et futures entrepreneuses, ainsi qu’aux salariées qui sont intéressées par la thématique de l’entrepreneuriat. Ici exit les stéréotypes et les généralités. ‘Toutes les femmes n’ont tout simplement pas envie d’entreprendre. Et toutes les entrepreneuses n’ont pas des enfants en bas âge avec les problèmes de garde que cela suppose. Se plaindre ne mène à rien. Ce n’est qu’en communiquant de manière positive qu’on fera avancer le schmilblick’, affirme Bénédicte Philippart de Foy. Les réseaux féminins, on aime ou on n’aime pas, mais c’est un concentré d’énergies à forte capacité de rassemblement et d’empowerment.

J’entreprends. Et je suis une femme

Bénédicte Philippart de Foy

Très ELLE et très engagée, Béa Ercolini est la présidente de l’asbl Touche pas à ma pote. Elle est aussi la cofondatrice du cercle féminin BEABEE lancé en octobre 2017 dont la ligne de conduite se situe à mi-chemin entre le business et le being ou comment faire rimer entrepreneuriat et mascara au travers d’un programme de rencontres inspirantes et d’ateliers inspirés.

Bien que la frilosité des femmes soit irrationnelle compte tenu de leur niveau de formation et de leurs compétences, le manque d’audace et la peur du risque sont avérés chez la gent féminine. Par ailleurs, la société ne juge pas les femmes et les hommes sur les mêmes critères. Résultat : une difficulté à séduire les investisseurs et à lever des fonds. C’est ici que les réseaux féminins entrent en scène en organisant des ateliers, en apportant de la visibilité aux porteuses de projets et en fédérant les entrepreneuses. Anne Misonne et Valérie Peetersille de l’Agence pour l’Entreprise et l’Innovation (AEI) : ‘On est face à un déficit de modèles d’identification. Chaque situation est particulière et chaque femme unique. Il est important que chacune trouve un modèle qui lui ressemble. Le mentorat, notamment au sein des réseaux féminins, fournit une aide précieuse.’ Alors si elles l’ont fait, pourquoi pas vous ?

L’exemplarité n’est pas une façon d’influencer, c’est la seule Anne Misonne

Les entrepreneuses de demain

Et les jeunes dans tout ça ? L’asbl 100.000 entrepreneurs Belgique sensibilise les 13 à 25 ans à la culture et à l’envie d’entreprendre dans la volonté de favoriser le rapprochement entre les écoles et le monde professionnel. Monica Santalena, cofondatrice et directrice : ‘Notre association organise des témoignages d’entrepreneurs bénévoles dans l’enseignement secondaire et supérieur à Bruxelles et en Wallonie. En mars dernier, nous étions à l’initiative de la première édition de La Semaine de sensibilisation des jeunes à l’entrepreneuriat féminin grâce au soutien du SPF Économie, et en partenariat avec l’AEI en Wallonie ainsi que les plateformes WIB, YET et le 1819 à Bruxelles.’

Les choses bougent. Les femmes font du business. Elles créent des liens et améliorent la société, mais il y a encore du chemin à parcourir selon Anne Misonne : ‘Il faut se renouveler et arrêter de s’engouffrer. Secouer le cocotier, tirer l’entrepreneuriat féminin vers le haut et s’adapter au monde de demain. La mixité dans le secteur high-tech doit en particulier être améliorée, car celui-ci est porteur d’emplois et de croissance.’ Et comme l’indique Mariya Gabriel, commissaire européenne à l’Économie et à la Société numériques : ‘Agir pour que plus de femmes accèdent au secteur numérique et à ses opportunités est bien plus qu’un enjeu économique. C’est aussi une question d’équité et d’égalité des chances.’

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