Islay, Skye, Jura… L’Écosse ne manque pas d’îles où se fabrique un whisky réputé. Mais qu’en est-il du label ARRAN implanté sur l’île éponyme ? Plus modeste, plus discret, il n’en possède pas moins l’une des distilleries les plus visitées d’Écosse, et propose un éblouissant single malt.
Située entre la presqu’île de Kintyre et la côte d’Ayrshire, là où le Firth of Clyde fusionne avec la mer d’Irlande, se trouve Arran. Cette île de 432 km² au paysage changeant, parsemé de beaux lochs (lacs), de lowlands ombragés (plaines), de glens (vallées) en pente douce et de bens (montagnes) arides, s’est vu attribuer le surnom d'”Écosse en miniature”. Les Écossais la connaissent principalement comme lieu de vacances ou de retraite.
Passion de famille
À Lochranza, village situé à sa pointe nord, se trouve la distillerie Arran produisant, depuis 1995, un single malt fruité et plein de caractère – qu’elle catalogue elle-même de Speyside from an island. Présent dans le monde du whisky depuis plus de 40 ans, James MacTaggart travaille depuis 2007 pour Arran. Son neveu, David Livingstone, l’a rejoint l’an dernier avec l’intention de lui succéder. On peut dire que tous deux ont le whisky dans le sang.
Un rythme à l’ancienne
DL : “Chez Arran, la manière de travailler y est totalement différente de celle des grandes distilleries. Nous adoptons un rythme à l’ancienne : les cuves, petites et minces, produisent un spiritueux léger, fruité et aromatique que nous laissons s’écouler lentement. Avec, pour résultat, un premier distillat doux, floral et fruité qui se boit facilement et n’en présente pas moins une texture soyeuse et un goût plein.”
JM : “Arran est une petite entreprise où chacun doit pouvoir tout faire. Selon moi, un manager de distillerie qui n’a jamais mélangé de l’orge à de l’eau pour en faire du moût – l’élément de base du whisky – ou qui n’a jamais sué dans la salle des alambics, où le wash est distillé en premier alcool dans des cuves brûlantes, ne connaît pas sa fabrique.”

Un whisky non tourbé n’a rien à cacher
JM : “Il est bien plus facile de fabriquer un whisky tourbé que non tourbé. La tourbe permet de cacher des notes moins appropriées et de moins bons goûts. There’s no hiding in an unpeated spirit. Nombre de dégustations prêtent ces caractéristiques à nos spiritueux : chocolat, fruits divers, etc. Mais lorsque j’assemble un whisky, je suis uniquement mon propre cap en espérant qu’il me mènera au goût de l’authentique whisky Arran. Jusqu’à présent, cela a plutôt bien réussi puisque nos ventes croissent de façon exponentielle. Cette année, en dépit du Covid-19, elles sont supérieures de 25 % à celles de l’année dernière à la même époque.”
Un ruisseau, six chutes d’eau
DL : “Comme pour chaque fabricant de whisky, tout commence par l’eau. Ici, à Lochranza, elle vient du haut des collines, d’une source appelée “Loch Na Davie”. Le ruisseau, qui passe par six chutes d’eau, porte le nom de “Easan Biorach” – “chutes d’eau abruptes” en gaélique. Les collines sont composées de granit qui purifie l’eau, laquelle se gorge également d’air en tombant des chutes. Il en résulte une eau douce contenant peu de carbonate de calcium. Cela se remarque au moût qui mousse énormément dans les cuves de fermentation. Cette eau donne un caractère doux et floral au premier distillat, lequel révèle de nombreuses possibilités.”
De l’importance capitale du bois
JM : “L’autre élément d’importance – le whisky en retirant 100 % de sa couleur et 90 % de son goût – est le bois sur lequel il est mis à mûrir. Nous dépensons 800.000 euros par an pour des fûts de xérès espagnols, des fûts de bourbon de premier remplissage de Jim Bean (États-Unis) et un assortiment de tonneaux de vin français et portugais. Cette base solide de mûrissement sur bois est nécessaire afin de pouvoir jouer par la suite avec les fûts. Le 10 Years Old a passé 75 % de son temps de mûrissement dans d’ex-fûts de bourbon et les 25 % restants dans des fûts de xérès. Et comme nous trouvons que l’influence des tonneaux de vin sur notre whisky est intéressante, nous avons lancé il y a peu un trio de finitions en fûts de vins – Amarone, Port et Sauternes. Le whisky y repose durant neuf mois, après avoir mûri en ex-fûts de bourbon durant sept à huit ans. Nous avons sorti deux nouvelles expressions. Le Barrel Reserve, mûri à 100 % sur des ex-fûts de bourbon et embouteillé à 43 %. Et l’Arran Bodega, un brut de fût (NDLR : 55,8 %) mûri sur fûts de xérès.”

Une deuxième distillerie pour un single malt tourbé
L’an dernier, Arran a ouvert une deuxième distillerie, Lagg, située dans le sud de l’île et destinée à produire du single malt tourbé. James MacTaggart : “Autrefois, Arran produisait une expression tourbée, le Machrie Moor. Mais il est devenu de plus en plus difficile de faire la distinction avec le coeur de gamme d’Arran dont le goût, lui, n’est pas tourbé. Une deuxième distillerie et une deuxième marque s’avéraient nécessaires pour développer davantage la série de whiskys tourbés. Une terre nous a été proposée dans le sud d’Arran. Une production de whisky y avait déjà existé : en 1837, Lagg avait été la dernière des 51 distilleries d’origine sur l’île à fermer ses portes et il a fallu attendre 1995, année de la création d’Arran, pour qu’un whisky y soit à nouveau fabriqué. Nous avons saisi cette opportunité. D’ici un an ou deux, nous devrions pouvoir mettre sur le marché le premier whisky Lagg.”