L’hôtel-restaurant Léo à Bastogne : une saga familiale et une halte dépaysante
On s’est garés sur la plus américaine des places belges. On a dîné dans un wagon légendaire tenu par la même famille depuis trois générations. Avant de rejoindre Morphée dans une chambre aux allures de cabine de l’Orient-Express et de se réveiller le lendemain sous le jet d’une douche XXL. C’était bien, c’était bon chez Léo à Bastogne.
Si Léo rime avec brio, ce n’est pas pour rien. Dans la famille Bertholet, le savoir-faire se transmet de génération en génération. À la tête d’une véritable institution à Bastogne, Arnaud (44 ans) et Grégory (42 ans) veillent à recevoir chaleureusement leur clientèle d’habitués, de touristes et d’affaires – une catégorie n’excluant pas l’autre – tout en exerçant un métier exigeant, soirées, week-ends et jours fériés compris. “Comme disait notre père, on ne pousse pas son personnel, on le tire. Nous essayons d’offrir à nos employés un juste compromis entre qualité de vie et rémunération”, explique Grégory Bertholet. Parmi la soixantaine de personnes employées par les deux frères, certaines ont trente ans de maison. Un fait plutôt rare dans l’horeca où le taux de renouvellement des effectifs est élevé.
On ne pousse pas son personnel, on le tire – Serge Bertholet
Une saga familiale
Après avoir sillonné pendant près d’une décennie les foires de Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg avec leur friterie ambulante, les grands-parents Bertholet décident de s’installer à Bastogne en 1954. Quelques années plus tard, ils achètent et transforment un ancien wagon Pullman en friterie avec douze places assises. Une invitation au voyage culinaire et un concept très novateur pour l’époque qui n’a cessé d’évoluer au rythme des générations.
Dans les années 70, c’est Serge – fils de Léopold et père d’Arnaud et de Grégory – qui reprend le flambeau. Progressivement, il transforme le wagon en restaurant et réussit même à acheter le terrain sur lequel il s’était implanté. En 1999, Arnaud et Grégory – ainsi qu’Anne-Sophie, l’épouse du second – entrent en scène, après avoir fait leurs armes dans de grandes maisons en Belgique et à l’étranger.
Véritable colonne vertébrale de l’entreprise familiale, le wagon se décline aujourd’hui en plusieurs concepts : restaurant, bistro et hôtel. À cela s’ajoutent cinq salles de séminaires et une boutique gourmande. Fraîchement ouverte fin octobre 2019, celle-ci propose des plats Léo à emporter et des produits originaux comme Leodium, un gin bio élaboré par trois (très) jeunes Liégeois de 21 ans à base de figue, rhubarbe et lavande. Elle est aussi la seule adresse indépendante où l’on peut se procurer les Tartes de Françoise en dehors des magasins de l’enseigne belge.
On se demande tout naturellement si la nouvelle génération Bertholet prendra la relève. “Nous encourageons nos enfants à poursuivre des études générales, afin d’acquérir la maîtrise des langues par exemple. Dans tous les cas, ils baignent dans le milieu de la restauration et de l’hôtellerie, et ils feront leurs propres choix au moment venu”, confie Grégory Bertholet en nous racontant cette success story familiale qui nous a mis en appétit.
Des produits de qualité
La carte du restaurant est aussi généreuse que l’accueil et le service. Préparées dans leur propre atelier et vendues aux grossistes d’autres restaurants – une corde supplémentaire à l’arc des Bertholet -, les croquettes aux crevettes sont une valeur sûre en entrée. Côté plats, les frites maison accompagnent aussi bien l’incontournable marcassin que la sole meunière. Sans oublier les plateaux de fruits de mer qui font également la renommée de Léo.
Avant de goûter à cette cuisine de saison réconfortante, nous célébrons notre arrivée autour d’une Airborne, une bière locale servie dans un casque en grès en souvenir du soldat Vincent Speranza (101e Airborne). Pendant la dernière guerre, celui-ci a en effet utilisé son casque comme récipient pour ramener à ses camarades blessés la bière qu’il avait trouvée. Cette histoire et la bouteille de vin à l’effigie du 75e anniversaire de la Bataille des Ardennes que nous commandons pour accompagner notre repas nous rappellent à quel point la ville de Bastogne a été marquée par la Seconde Guerre mondiale.
Parce qu’un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir – Ferdinand Foch
Bastogne, un haut-lieu de mémoire
Après une nuit et un petit-déjeuner incroyablement bon et très complet à l’hôtel du restaurant, nous prenons la direction du Bastogne War Museum. Axé sur la Bataille des Ardennes, ce musée nous plonge littéralement dans l’histoire. La scénographie, à la fois impressionnante et didactique, apporte un regard unique sur les causes, événements et conséquences de la Seconde Guerre mondiale. À l’extérieur du musée, le mémorial du Mardasson en forme d’étoile à cinq branches rend hommage aux combattants américains, et symbolise l’amitié entre la Belgique et les États-Unis.
À la mi-décembre, la traditionnelle Foire aux Noix rappelle le célèbre nuts du Général McAuliffe, qui a lui-même donné son nom à la place où est situé Léo, en réponse à la demande de reddition des Allemands. Cette année, les Bastognards commémoreront en grande pompe le 75e anniversaire de la Bataille des Ardennes par toute une série d’événements et de reconstitutions.
Avec ses 300 magasins ouverts tous les dimanches, Bastogne n’est pas en reste en termes de shopping. C’est aussi la ville étape de la célèbre course cycliste Liège-Bastogne-Liège qui a lieu chaque année en avril.
Un univers ferroviaire
Si le musée et le Mardasson attirent essentiellement les touristes étrangers, le wagon de Léopold Bertholet séduit une large clientèle, qui y revient inlassablement. C’est d’ailleurs un peu ma madeleine de Proust puisque, petite, j’avais l’habitude d’y faire une halte avec mes parents quand nous revenions de vacances dans le sud de la France.
Pendant que d’autres sont installés aux tables avec vue sur la cuisine ouverte d’Arnaud Bertholet et de sa brigade, nous prenons place sur les banquettes du petit wagon à l’avant du restaurant, prêtant l’oreille à l’accent américain de nos voisins.
Dans ce cadre familial et insolite, on se laisse transporter par un décor où rien n’a été laissé au hasard. La pancarte de l’ancienne gare de Bastogne Nord, les banquettes en velours, les lustres parisiens, le bar en zinc et le banc d’écailler nous invitent à un moment de gourmandise et d’intimité qui est joyeusement ponctué ce soir-là par des chants d’anniversaire.
Le concept ferroviaire a été poussé à son apogée au Léo Station. Dans cet hôtel, les lampes ressemblent à des phares de vieux wagons, des photos de chemins de fer ornent les murs, les porte-serviettes de la salle de bains évoquent des porte-bagages, tandis que les détails en cuir ou les numéros des “cabines” rappellent l’Orient-Express.
Chez Léo, l’originalité des lieux, la qualité des plats et la passion de trois générations participent à créer une destination dépaysante qui fait voyager. Le jetlag en moins.
Léo en chiffres
C’est en 1946 que démarre l’aventure familiale initiée par Léopold Bertholet.
En 2018, d’importants travaux de rénovation sont réalisés dans le restaurant et l’hôtel.
Les frères Bertholet emploient 67 personnes, dont 14 dans la cuisine du restaurant. Celui-ci compte 330 places assises.
En moyenne, 450 couverts sont servis par jour chez Léo, restaurant, bistro et banquets compris.
La clientèle est composée de 65 à 70% d’habitués.
Du 13 au 16 décembre, Bastogne célébrera le 75e anniversaire de la Bataille des Ardennes dans le cadre de la Fête aux Noix.
Site majeur en Wallonie, le Bastogne War Museum est la première attraction touristique de la province de Luxembourg, devant l’abbaye d’Orval et le château de Bouillon.
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