Emeline Burnotte, cheffe de choeur : “Le chant pour oublier le confinement”

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Sophie Brasseur traductrice x journaliste

Étiqueté non essentiel, frappé de plein fouet en mars, le secteur de la culture peine à se relever après près d’un an de flou et d’inquiétudes. Toutefois, son coeur bat toujours, porté par des projets hauts en espoir. Rencontre avec Émeline Burnotte, cheffe de choeur plus que passionnée.

Formée à l’Institut de Musique et de Pédagogie (IMEP) de Namur et titulaire d’un master en direction de choeur du Conservatoire Royal de Bruxelles depuis juin dernier, Émeline Burnotte vit de sa passion à temps plein. Fin 2019, elle fonde l’ASBL Sing For The Moment, afin de promouvoir la formation de chefs de choeur et de choristes en Wallonie, ainsi que le choeur à Capella Dreaming Voices. La tête pleine de projets, elle a surmonté un par un les obstacles de la crise sanitaire pour continuer à faire vivre la musique.

Chanter 2.0

Lorsque la Covid-19 a débarqué dans nos vies et que le confinement est devenu notre quotidien, il était hors de question pour la jeune cheffe de s’arrêter : “J’ai énormément besoin d’être stimulée. Je ne pouvais pas rester inactive, sinon j’allais devenir folle”. Pourquoi ne pas se servir de ce qu’il nous reste pour continuer à avancer ? “Les choeurs virtuels existent déjà depuis longtemps. L’Américain Eric Whitacre a donné corps à ce phénomène il y a une dizaine d’années. Je me suis dit que c’était l’idée parfaite dans la situation où nous nous trouvions. J’ai alors contacté un ami spécialiste des montages vidéos, et j’ai choisi un arrangement de Million Eyes, de Loïc Nottet, composé par un autre ami juste avant le confinement, qui était un peu déçu de ne jamais avoir pu utiliser sa partition avec une chorale”.

Avec l’espoir de rassembler une soixantaine de choristes, Émeline poste alors une vidéo sur Facebook pour expliquer son projet. “Nous avons reçu des dizaines de candidatures. C’était fou. Nous n’avons pas pu accepter tout le monde, car c’était la première fois que nous menions une telle expérience. Nous avons finalement sélectionné 270 choristes”.

Les répétitions peuvent alors commencer, en virtuel, évidemment. “C’était un peu étrange. J’étais seule chez moi, derrière mon piano et devant mon écran, et je chantais pour les choristes, pour les aider à déchiffrer la partition et pour leur montrer ce à quoi je voulais arriver. Ensuite, nous chantions à nouveau, tous ensemble, mais sans nous entendre. Je chantais tout le temps, pour que les choristes ne se sentent pas seuls. Ensuite, ils se sont enregistrés et m’ont envoyé chacun une vidéo. Nous avons ensuite monté et mixé tous les enregistrements. Même si nous étions tous séparés, nous avions l’impression de créer quelque chose tous ensemble”.

Un magnifique projet qui sera d’ailleurs récompensé par deux fois : “Nous avons gagné un concours pour RTL puis celui de la RTBF. C’était super inattendu. Nous avons postulé la veille de la fin du concours, parce que nous pensions que ça ferait plaisir aux choristes, et nous avons reçu tellement de réactions positives ! Ce qui était vraiment chouette, ce que nous avions un groupe Facebook grâce auquel les 270 choristes pouvaient échanger, alors qu’ils ne se connaissaient pas spécialement, et beaucoup m’ont dit que ce projet avait été une vraie pause dans leur confinement. Qu’ils avaient passé des journées sans même penser au virus et à la situation sanitaire. C’était comme un petit moment de soleil dans leur quotidien.” Grâce au concours de la RTBF, certains choristes ont eu la chance de se rencontrer et de chanter ensemble en direct sur la Grand-Place le 25 septembre dernier. “À cause des normes de sécurité, nous n’avons pu en faire venir que cinquante. Nous avons procédé par tirage au sort”.

Emeline Burnotte
Emeline Burnotte© .

Concert immersif

Le bref déconfinement avant l’arrivée de la seconde vague a permis à Émeline de reprendre un peu plus le contact avec ses choristes, même si les conditions étaient loin d’être optimale. “J’ai pu voir un de mes choeurs que je n’avais pas réunis depuis février en groupes d’1/3 en septembre, puis d’1/6 en octobre. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Il y a des chorales qui n’ont même pas eu la possibilité de reprendre les répétitions depuis mars.”

La situation sanitaire a toutefois permis à la cheffe de choeur d’organiser un concert en octobre. Un moment suspendu, à la configuration particulière puisque le public se trouvait au centre de la salle, entouré des choristes. “Il devait y avoir deux mètres entre les choristes, qui devaient porter un masque, et une distance de trois mètres avec le public que nous avions dû répartir en bulles. Nous avons passé des heures à coller du scotch sur le sol. Cependant, c’était un très beau moment !”

Faire vivre le chant choral

Au sujet de l’avenir du chant choral, Émeline ne cache pas son inquiétude. Il faudra redoubler de créativité pour ne pas que cette belle discipline ne s’éteigne et qu’un jour, nous puissions à nouveau chanter ensemble, collés les uns aux autres, et partager un moment de communion autour de la musique. “De nombreux choristes aiment le côté contact et partage de la chorale. Chanter à deux mètres les uns des autres, avec un masque, ce n’est pas la vraie vie. C’est un tout autre exercice. Nous avons tellement hâte de pouvoir nous retrouver ! En attendant, nous restons prudents et nous nous concentrons sur ce qui est possible.”

Les choristes restent passionnés et motivés. “J’ai lancé deux nouveaux choeurs en septembre, juste avant le reconfinement. Nous travaillons donc en virtuel. Il y a une demande. Même si la culture est classée non essentielle, je pense qu’elle est cruciale dans la vie des gens. En été, nous avons organisé des répétitions en plein air dans toute la Wallonie, et nous avions mis une limite de cinquante personnes par jour. Il y avait même des listes d’attentes, les gens ont envie de rechanter, de se revoir et de partager. C’est un véritable besoin, une façon de retrouver un peu l’humain, malgré la peur. Nous reviendrons, je ne sais pas quand, mais c’est certain.”

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