Ouvrir un commerce en plein confinement : “Cette crise nous pousse à nous adapter”

Pavillon © .
Sophie Brasseur traductrice x journaliste

Comment faire pour sortir du confinement sans devoir fermer boutique ? Question que se posent de nombreux entrepreneurs depuis mars. Toutefois, c’est une question un peu différente qui a animé Jérôme et Louis durant ces longs mois : “Comment faire pour sortir du confinement, en ayant ouvert notre boutique ? “

Sur les hauteurs de Liège, Jérôme Aprile (23 ans) et Louis Heynen (23 ans) vous accueillent dans leur Pavillon. Une boutique spécialisée dans le menswear de luxe au joli nom choisi en hommage au grand-père de Louis, qui lui a transmis sa passion des beaux vêtements et qui aimait passer de longues heures à raconter des histoires à son petit-fils assis dans le petit pavillon qui décorait son jardin.

Amis de longue date et fils d’indépendants, Jérôme et Louis ont toujours partagé la même ambition : un jour se lancer à leur propre compte. Après avoir commencé des études à finalité commerciale, ils s’aperçoivent qu’il n’y a pas meilleure école que celle du terrain. Après quelques hésitations, le duo se rend à l’évidence : pourquoi ne pas s’associer et plonger ensemble dans le grand bain de l’entrepreneuriat ? L’un est vendeur automobile, l’autre est agent immobilier, mais ce n’est aucun de ces deux domaines qui les séduira. Ils se connaissent une passion commune : la mode et le prêt-à-porter. Après quelques recherches, ils constatent qu’en région liégeoise, il existe peu de boutiques combinant menswear et luxe, mais que la demande existe bel et bien. Pavillon voit alors le jour.

En gardant en tête leur public cible, l’homme de 30 à 55 ans amateur de belles tenues et habitué des marques de luxe, ils commencent à sélectionner des labels et des pièces à proposer aux clients. Ils visitent alors des dizaines de boutiques de prêt-à-porter haut de gamme à travers l’Europe (à la belle époque où voyager était encore possible) et se rendent au Pitti Uomo, le salon de référence en matière de mode masculine, pour parfaire leurs connaissances et découvrir de nouvelles marques, moins populaires en Belgique. “Nous proposons des marques réputées comme Ralph Lauren, Santoni, ou encore Hackett London, mais nous souhaitions également proposer des marques parfois peu connues en Wallonie, telles que Lardini, Paolo Pecora, etc.”, explique Jérôme. Les travaux peuvent commencer, les premiers contacts sont pris avec les fournisseurs. Date d’ouverture ? Septembre 2020.

Changement de programme

Mais c’était sans compter sur l’arrivée du coronavirus, et l’annonce du premier confinement, qui a donné des sueurs froides à de très nombreux commerçants. Si ouvrir un commerce demande déjà beaucoup de courage et de force en temps normal, aujourd’hui, cela relève presque de l’impossible. “La crise sanitaire a malheureusement eu de nombreuses conséquences sur notre projet. Nous avons accusé de nombreux retards dans les travaux de notre boutique. De plus, la majorité des marques ont aussi déploré de gros retards de livraison, et certaines ont même dû annuler quelques pièces qui nous tenaient à coeur. L’une d’elles a même tout simplement dû cesser son activité”, explique Jérôme.

Les changements s’enchaînent alors : gel à l’entrée, obligation du port du masque, tout doit être adapté aux nouvelles mesures sanitaires. Mais ces petites modifications ne sont pas les seules conséquences pratiques de la crise sanitaire, parfois surprenantes : “Nous avons été contraints de limiter nos collections en nous concentrant davantage sur des pièces agréables à porter au quotidien et en limitant notre offre de blazers et autres vêtements plus “officiels”. En effet, la plupart des événements ont été annulés et le télétravail est devenu la norme, ce qui a impacté la vente de ce genre d’article”, précise le duo.

Serions-nous les témoins de l’arrivée de la mode Covid-19 ? Où décontraction et confort sont les maitres mots ? “Non, nous ne pensons pas. Au fur et à mesure, le travail en entreprise reprendra son cours et les événements reprendront avec plus de souplesse, relançant ainsi les styles peut-être plus formels… De plus, il nous paraît compliqué de modifier les goûts vestimentaires d’une majorité de consommateurs en si peu de temps !”

Quoiqu’il en soit : l’ouverture a bien eu lieu, et les retours sont plus que positifs. Une bonne nouvelle qui a permis aux deux comparses de bénéficier d’un lancement favorable, sans accuser de pertes considérables. Si les bénéfices sont aussi touchés par la crise, ils ne sont pas négatifs. Pavillon ne bénéficie pour l’instant d’aucune aide financière (de l’état ou autre) et les deux fondateurs ont dû et devront redoubler de prudence face à cette crise qui nous affecte tous, pour esquiver les écueils financiers qui parsèment leur route. Toutefois, les deux amis restent positifs. “Même s’il est clair que nous aurions préféré débuter dans des temps plus propices à l’ouverture d’un commerce, la crise nous pousse à nous adapter et à rester inventifs, à nous remettre sans cesse en question. Qui peut le plus peut le moins”, précise Jérôme.

Pavillon
Pavillon© .

Jongler entre le réel et le virtuel

Pour s’assurer une visibilité essentielle à leur survie, les deux entrepreneurs redoublent d’efforts sur les réseaux sociaux, en organisant des concours, par exemple, et abordent le reconfinement en étoffant leur site Internet pour le transformer en e-shop avec service de livraison à domicile. Jérôme et Louis veulent garder le contact avec leurs clients, même à distance, en étant à leur disposition pour des conseils et des précisions, comme en magasin. C’est là un des défis majeurs de cette situation sanitaire : rendre le virtuel le plus réel possible. Une étape plus que nécessaire aujourd’hui, à l’aube du second confinement.

En devant fermer temporairement après seulement un peu plus d’un mois d’activité, Jérôme et Louis sont maintenant confrontés à notre question initiale : comment faire pour sortir du confinement sans mettre la clé sous la porte ? Pourtant, pas de place pour le pessimisme. Même s’ils souhaitent plus que tout que la crise sanitaire ne soit bientôt plus qu’un (très) mauvais souvenir, et que les conditions leur permettent d’ouvrir pour les fêtes et les soldes d’hiver, “qui restent la meilleure période pour notre secteur”, les deux associés osent regarder vers l’avenir et rêver à de beaux projets.

“Nous sommes confiants. Nous avons prévu le coup, et pris bon nombre de décisions pour éviter de devoir fermer boutique. Nous avons étudié les tenants et aboutissants et adapté notre plan financier. Après ce reconfinement, nous espérons arriver à trouver un rythme de croisière qui nous permettra d’avancer sainement au cours des prochains mois. À plus long terme, nous aimerions sincèrement nous lancer dans la belle aventure qu’est celle de la création de notre propre marque de prêt-à-porter”, conclut Louis.

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