Tintin et le temple de l’oseille

McDo, Total, Meccano, Peugeot : les partenariats se multiplient autour du film-événement “Les Aventures de Tintin”. L’univers de Spielberg pourrait bien cannibaliser celui d’Hergé, selon un connaisseur des rouages de Moulinsart SA. Fin de règne marketing pour Nick Rodwell ?

Plus d’infos sur la “machine marketing” entourant le film de Spielberg et Jackson cette semaine dans Trends-Tendances.

Figurines du film chez McDonald’s, chasse au trésor et packaging adapté pour le fabricant de brioches Pitch, collection de six verres ornés des principaux personnages dans les stations Total, boîtes à jouets représentant les véhicules du film chez Meccano, campagnes publicitaires vantant la chasse aux bonnes affaires chez Peugeot… Les partenariats se multiplient autour de la machine de guerre marketing que représente le film-événement de Spielberg et Jackson, Les Aventures de Tintin.

Haddock et Milou dans des boîtes McDo ? On a déjà vu plus glamour en termes de merchandising, surtout depuis que Nick Rodwell a repris les rênes de Moulinsart SA, la société qui gère l’exploitation des droits dérivés de l’oeuvre d’Hergé. Mais voilà : si, pour la sortie du film, les ayants droit d’Hergé toucheront bien des royalties sur les recettes et les produits dérivés – le magazine français Capital évalue le montant entre 2,5 % et 5 % – le directeur de Moulinsart SA n’a strictement rien à dire sur les partenariats accordés désormais par Sony Pictures Releasing. Et il doit certainement bouillir – il n’a pas souhaité répondre à nos questions – devant tant de déclinaisons “grand public” émanant du film.

“C’est tout le paradoxe actuel, souligne Jean-Claude Jouret, professeur de marketing à l’Ichec et auteur du livre Tintin et le merchandising. Depuis près de 20 ans, on a connu, avec Nick Rodwell, une politique de restriction systématique en termes de produits dérivés, avec une approche hautement qualitative, peut-être trop même, alors qu’aujourd’hui, on est dans l’ouverture totale des vannes avec le film de Spielberg. Non seulement ce contraste peut choquer, mais il est sans doute annonciateur d’une perte de contrôle progressive de la société Moulinsart. Car il y aura encore, en théorie, deux autres longs métrages mettant en scène Tintin. On peut donc s’attendre à ce que l’univers de Spielberg cannibalise finalement celui d’Hergé.”

Paradoxe ultime : alors que le film sort le 26 octobre sur nos écrans, le Musée Hergé – dont les chiffres de fréquentation sont assez décevants – inaugure en son sein une toute nouvelle exposition baptisée Tintin et Milou chez les Arumbayas cinq jours plus tôt ! Le b.a.-ba du marketing aurait pourtant voulu que le musée de Louvain-la-Neuve tire parti de la surmédiatisation du film-événement, avec une exposition mettant en scène la genèse et le making-of des Aventures de Tintin, histoire d’appâter un public jeune pour l’entraîner à découvrir ensuite tout l’univers richissime d’Hergé.

De toute évidence, depuis l’inauguration désastreuse des lieux, le marketing est un mot dont on n’a toujours pas compris le sens au coeur du temple hergéen.

Frédéric Brébant

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