Quand les enquêtes deviennent mobiles

© iStock Photos

Nouveau venu dans le paysage des études de consommation, le “mobile research” s’invite directement sur le smartphone des sondés. Objectif : capter les émotions en temps réel et accélérer l’obtention des résultats.

Etre au plus près de l’expérience consommateur, vivre (même par procuration) le mystérieux acte d’achat et recueillir au plus vite le feed-back de la “sensation produit” : voilà le phantasme avoué de tout marketer qui cherche à mieux connaître sa cible et à peaufiner son art de séduction commerciale. Pour ce faire, il dispose d’un précieux allié qui tente d’apporter régulièrement des réponses aux questions que se posent les marques : les enquêtes quantitatives et qualitatives menées auprès du client lambda.

Habituellement réalisés au domicile du consommateur, ces indispensables sondages ont évolué au fil des innovations technologiques, passant de l’entretien physique en face-à-face à l’interrogatoire téléphonique, avant de muter vers des questionnaires en ligne où le sondé encode désormais ses choix sur le clavier de son PC. Si ces trois techniques d’investigation consumériste cohabitent toujours allègrement (avec toutefois une prédominance des enquêtes en ligne, moins chères et plus rapides), un nouveau courant s’apprête à secouer les marques dans les prochains mois.

Ancré dans les nouvelles habitudes nomades, le mobile research (ou enquête mobile) développe en effet sa spécificité dans ce qui est presque devenu le nouvel “organe” de l’homme moderne : le smartphone et ses multiples ressources intégrées, à savoir le texte, le son, l’image, la vidéo, la géolocalisation et le surf sur Internet. “Les études mobiles s’inscrivent dans la tendance qui est au partage des émotions en temps réel via les réseaux sociaux et les applications comme Snapchat, précise Laurent Moreau, managing director du bureau d’études AQ Rate qui plébiscite cette nouvelle méthode de sondage. Avant, il n’était pas possible de recueillir les impressions des consommateurs pendant l’acte d’achat car les enquêtes se faisaient toujours avec un certain décalage temporel. Or aujourd’hui, avec le mobile research, on peut être beaucoup plus proche de la réalité et donc combler ce décalage pour recueillir les impressions à chaud, avant même la phase de rationalisation.”

Un modèle collaboratif

Davantage en phase avec le quotidien des consommateurs, les études mobiles offrent plusieurs opportunités aux commanditaires dont celle, précieuse, de sonder par exemple le client au moment de ses achats en grande surface ou en boutique, pour peu qu’il ait été convié ou incité à le faire. S’inscrivant davantage dans un modèle collaboratif, le mobile research peut même donner le pouvoir d’initiative au sondé en l’invitant à enclencher lui-même le processus d’enquête lorsqu’il se retrouve dans telle ou telle situation décrite en amont. Mieux, le mobinaute peut également illustrer son propos, le cas échéant, avec une photo qu’il prend lui-même ou une vidéo qu’il réalise au moment précis où il répond au questionnaire in situ. Un témoignage illustré qui peut s’avérer bien utile pour le marketer en manque d’informations sur son produit et/ou la communication qui l’entoure…

“On en a fini avec les enquêtes de papy, ironise Bruno Liesse, directeur de l’agence média Carat Belgium. Les techniques de sondage évoluent et, désormais, il n’est plus nécessaire de recruter des enquêteurs ou de faire remplir des questionnaires à domicile. Les marques ont besoin de réactivité et de résultats rapides, et le propre des études mobiles est de pouvoir fournir justement des résultats aux annonceurs dans la journée.”

Spectaculaire, cette accélération du feed-back est l’un des grands atouts du mobile research. Connecté en permanence à son smartphone, le mobinaute qui rejoint un panel de sondés potentiels peut en effet accepter (ou non) de répondre dans l’heure, voire dans les minutes qui suivent, à une enquête lancée à chaud, en réaction à un fait d’actualité ou à une annonce qui touche le core business d’une marque précise. “Au moment de l’accord de gouvernement, on aurait très bien pu mener un mini-sondage éclair et avoir les résultats dans l’heure, ajoute Laurent Moreau, managing director de AQ Rate, de même qu’une marque peut aussi avoir un retour concret par rapport à un lancement de produit dans les 24 heures qui suivent.”

Valeur ajoutée

Pour tester la spécificité du mobile research, le bureau d’études AQ Rate a mené cet été trois actions tests autour du smartphone dont les résultats seront présentés ce 23 octobre devant un parterre de professionnels aux sessions médias du Groupe de réflexion et de planning (GRP) à Bruxelles. Réalisé pendant la Coupe du Monde de football, l’un des cases a par exemple analysé la perception par le grand public des marques liées à l’événement. Concrètement, les sondés — qui avaient précédemment téléchargé l’application ad hoc du bureau d’études — étaient invités à réagir dès qu’ils voyaient une publicité enrobée dans cette actualité footballistique et surtout à prendre une photo du visuel — affiche, journal, magazine, écran de télé, banner sur le Web… — au moyen de leur smartphone. Des 3.740 pubs vues par un panel de quelque 200 personnes, il est ainsi apparu que Jupiler trônait à la première place des 900 marques “captées” par les sondés (7 % des visuels transmis), devant Coca-Cola (3,3 %), Carrefour et Kia (toutes deux 2,9 %).

Mais ces résultats sont-ils pour autant issus d’un échantillon représentatif de la population ? Car si le taux de pénétration des smartphones en Belgique atteignait déjà 42 % de la population en 2012 selon l’IBPT — soit un taux inférieur à la moyenne européenne qui est de 57 %, on ne peut pas dire en revanche que toutes les couches de la population soient véritablement concernées par le phénomène des téléphones intelligents qui affichent un prix forcément plus élevé que les GSM classiques. “C’est une remarque pertinente, concède Laurent Moreau du bureau AQ Rate, mais je dirais que nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation similaire au début des années 2000 lorsque nous avons commencé à lancer les études online sur le marché belge alors que 30 % à peine de la population avaient accès à Internet. Donc oui, une grande partie du public ne maîtrise pas encore le langage smartphone, mais je suis persuadé que son usage va se propager et que le mobile research est un outil d’avenir qui, au-delà des chiffres, va surtout permettre d’aller plus loin dans les études en offrant un contenu plus varié et en remettant l’humain au premier plan.” Et Laurent Moreau d’ajouter que le but de AQ Rate est de proposer de nouvelles formes d’enquêtes qui relèvent plus de “l’ethnographie” (sic) et qui permettent aux marques de mieux comprendre le comportement du consommateur via un panel mobile qui compte déjà aujourd’hui près de 500 personnes.

Si les marques, précisément, se montrent encore timides pour ce type d’études en Belgique, la tendance semble en revanche bien amorcée sur d’autres marchés comme, par exemple, la Grande-Bretagne où le taux de pénétration du smartphone atteignait déjà les 64 % en 2012, selon l’IBPT. Aux Etats-Unis, la notion du modèle collaboratif via le mobile est telle qu’une start-up vient même de se lancer dans le shelfie, contraction des mots anglais shelf (étagère) et selfie (autoportrait), pour inciter les consommateurs à prendre des photos des rayons vides dans les grands magasins afin d’accélérer le processus de réapprovisionnement contre quelques dollars. Mais ça, c’est une autre histoire…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content