L’Espagne ose la “taxe Google”

Le parlement espagnol vient de voter une loi qui oblige des sites comme Google et Yahoo ! à rétribuer les éditeurs de presse pour l’exploitation de leurs contenus.

L’Espagne a osé. Elle a osé défier Google et elle oblige désormais le géant américain à verser une compensation financière aux éditeurs de presse pour tout contenu repris sur son portail d’informations. Déjà surnommée la “taxe Google”, cette décision s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle loi espagnole sur la propriété intellectuelle qui sera effective dès le 1er janvier 2015. Avant même l’adoption du texte le 30 octobre dernier, la firme de Mountain View avait déjà menacé de fermer Google News sur la toile espagnole, mais elle n’a toujours pas mis sa menace à exécution, occupée à examiner une parade juridique qui pourrait ralentir voire même annuler la mise en application de cette taxe inédite.

Plutôt mouvementée, la relation qu’entretient Google avec les éditeurs de presse a toujours navigué entre le “je t’aime” et le “moi non plus”. En 2006 déjà, Copiepresse — l’association belge qui défend les intérêts de la presse quotidienne francophone — attaquait Google en justice pour violation du droit d’auteur. Après six années de bataille juridique et l’exclusion des journaux belges du référencement de Google News, les protagonistes arrivaient finalement à un “accord secret” prévoyant une collaboration plus juste et le développement d’un nouveau partenariat commercial.

Même topo en France où la voie de la raison a également été préférée à celle de l’affrontement brutal l’année dernière. Le 1er février 2013, le président François Hollande et le président exécutif de Google Eric Schmidt signaient en effet un accord prévoyant la création d’un fonds de 60 millions d’euros alimenté par le géant du Web pour “financer la transition de la presse vers le monde numérique” et satisfaire ainsi les éditeurs français.

Une tache d’huile ?

Choisissant délibérément la voie de la contrainte plutôt que celle de la négociation, l’Espagne a donc préféré se démarquer avec une loi inédite sous forme de taxe. Pour François Jongen, avocat spécialisé dans le droit des médias au cabinet Buyle Legal, une telle initiative n’a pourtant rien de révolutionnaire. “L’Espagne impose par la loi ce qui existe déjà dans d’autres pays sous la forme d’accords pris sous la pression de la justice, analyse-t-il. N’oublions pas que les prochaines élections générales espagnoles se tiendront en 2015 et que c’est aussi une façon pour le gouvernement en place de faire plaisir aux médias. Cela dit, une telle taxe risque de poser un problème de compatibilité avec le droit européen et cela oblige donc la Commission à sortir du bois.”

Une “invitation” d’autant plus pressante que la décision risque de faire tache d’huile dans certains pays de l’Union européenne, comme l’Allemagne, où le bras de fer subsiste entre Google et les éditeurs de presse sans qu’une solution définitive n’ait encore été adoptée. Cerise sur le gâteau digital : le tout nouveau commissaire européen à l’Economie et à la Société numériques, l’Allemand Günther Oettinger, vient précisément de plaider en faveur d’une taxe sur les droits d’auteur exploités par Google. L’affrontement ne fait que commencer…

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