BuzzFeed, Mashable… Les sites d’info souffrent à cause de Google et Facebook

© Reuters

BuzzFeed qui renonce à s’introduire en Bourse, Mashable qui cherche un acheteur en urgence, les sites généralistes d’information en ligne ont la gueule de bois, fragilisés par un modèle presque entièrement bâti sur la publicité.

Il y a moins de deux ans, Mashable, un blog devenu média d’information, valait 250 millions de dollars et comptait parmi ses investisseurs le groupe Time Warner.

Aujourd’hui, sa valeur a été divisée par cinq et, selon plusieurs médias américains, il serait sur le point de se vendre à l’éditeur en ligne Ziff Davis, qui n’a pas donné suite à une demande de confirmation de l’AFP.

Quant à BuzzFeed, référence de cette nouvelle génération de sites d’information noyés de pop culture et construits sur les réseaux sociaux, il aurait renoncé à une introduction en Bourse à court terme.

Il vient d’annoncer le licenciement d’environ 100 de ses quelque 1.700 employés.

Ces sites, comme d’autres qui ont bourgeonné depuis dix ans, promettaient à leurs investisseurs des taux de croissance à deux chiffres, portés par la publicité, quand les médias traditionnels, même présents sur internet, se battaient pour leur survie.

Mais en l’espace de quelques mois, la donne a changé, car la mainmise de Google et Facebook sur le marché de la publicité en ligne a atteint un seuil critique.

Les deux géants d’internet vont capter, en 2017, 63% de ces revenus publicitaires, contre 58% l’an passé, selon le cabinet spécialisé eMarketer, qui les voit au-delà de 67% en 2019.

“Les annonceurs demandent de plus en plus de précision dans la possibilité de cibler les consommateurs”, explique Monica Peart, directrice senior des prévisions pour eMarketer, dans une note publiée fin septembre.

Et “Google et Facebook se sont positionnés aux avant-postes de cette nouvelle demande”, ajoute-t-elle.

‘Pas de la magie’

“Ce n’est pas de la magie. Les éditeurs peuvent publier un nombre de pages illimité et avoir un nombre de pages vues illimité, mais le nombre de personnes qui achètent de la publicité sur internet, lui, est limité”, souligne Alan Mutter, professeur à l’université de Berkeley et spécialiste des interactions entre journalisme et technologie.

Dans ce face à face avec les deux géants californiens, les nouveaux acteurs de l’info sur internet cumulent les désavantages, car autour des deux tiers de leur trafic provient des réseaux sociaux et de moteurs de recherche, dans les deux cas majoritairement contrôlés par Facebook et Google.

Troisième handicap, “si vous dépensez de l’argent pour créer du contenu, vous êtes en compétition avec les maîtres d’internet qui, eux ne dépensent rien” pour produire de l’information, explique Alan Mutter.

Si le retour sur terre est brutal, rares sont ceux qui voient ces médias d’un nouveau genre mettre la clé sous la porte, façon bulle internet du début des années 2000.

Son chiffre d’affaires pourrait être inférieur de 20% aux prévisions, mais BuzzFeed va tout de même finir l’année en croissance, avec des revenus de l’ordre de 280 millions de dollars, selon plusieurs médias américains.

Pour Charlie O’Donnell, fondateur du fonds de capital-risque Brooklyn Bridge Ventures, un site d’information entièrement financé par la publicité est “encore viable”. “Mais suffisamment pour en sortir un milliard de dollars? C’est difficile.”

Les retours sur investissement faramineux promis aux investisseurs, voire, Saint-Graal, l’entrée en Bourse, ne sont sans doute plus qu’un souvenir, sauf pour Vice Media, le seul indépendant qui a désormais atteint la taille critique, pour Alan Mutter.

L’ancien journaliste estime que sans cette taille critique, l’avenir est aux sites spécialisés, les “verticals”, tels Politico, Eater sur la gastronomie, ou The Verge pour la technologie.

Ils en appellent à une population d’amateurs, captive et à même de séduire les annonceurs, contrairement à des sites généralistes.

Pour ceux qui voudraient se lancer aujourd’hui, les créneaux se font rares.

Pour investir dans l’un d’eux, “il faudrait qu’on me raconte une histoire très convaincante”, explique Alan Mutter, “sur un nouveau segment auquel personne n’avait pensé avant. C’est très difficile.”

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