Mathieu Maes

Promouvoir l’intégrité en situation de crise

Les prix des produits alimentaires ont fortement augmenté si on les compare à l’été de l’année dernière : + 13 % pour les fruits frais, + 6 % pour les légumes frais, + 5,6 % pour la viande de porc. Même ceux qui ont pu être préservés des conséquences économiques des mesures prises pour lutter contre le coronavirus commencent à les ressentir de manière tangible. Avec un risque accru de fraudes dans les entreprises, et de criminalité en général, mais aussi de discriminations, au détriment des plus vulnérables.

Les premiers bilans économiques de l’impact de la crise ne sont pas encourageants. Alors que la Banque Nationale a calculé que pour les niveaux de salaire bas, la perte de revenus nets liée au chômage temporaire pour force majeur est très faible sur une base annuelle, voire inexistante dans certains cas, il y a selon ses calculs une perte de revenus nette tangible pour les niveaux salariaux moyens à élevés. Sans parler des indépendants de secteurs sinistrés, et des travailleurs licenciés. Il y a des dommages permanents à notre économie : hausse structurelle du chômage, faillites, et baisse du commerce.

Si l’on se souvient de la théorie du triangle de la fraude développée par le criminologue Donald Cressey, il y a trois facteurs qui participent au déclenchement de la fraude : la pression financière, e.g. conserver un train de vie avec un revenu moindre ; l’opportunité, e.g. moins de contrôles, ou modifiés – on peut penser au télétravail ; la rationalisation, ou la justification de ses actes e.g. en se sentant victime des circonstances. Que ce soit dans les entreprises ou dans la société, de nouvelles fraudes ont vu le jour, et dans certains pays, les activités criminelles se sont recentrées vers de nouvelles cibles.

La corruption n’est pas qu’un fléau exotique

S’il est un type de fraude que tant les entreprises que la société doivent craindre de voir se développer dans de telles circonstances, il s’agit bien des multiples formes de la corruption. Il y a bien sûr les pots-de-vin et les détournements de fonds, mais il y a surtout le copinage et le trafic d’influence. Lorsque les opportunités d’emploi ou d’affaires se raréfient, la tentation de les réserver à son réseau est bien plus forte. Même s’il est illégal de faire peser un handicap à l’embauche par l’origine, le genre ou l’âge, il se pourrait qu’il devienne encore plus difficile pour certains d’accéder à un emploi idoine.

Alors que la législation protège contre les discriminations, une certaine culture d’opacité peut faire obstacle à l’accès à l’emploi et à toute une série de services pour ceux qui n’ont pas acquis par la fortune, la famille ou l’influence des connections et des passe-droits. Si toutes les formes de corruption sont mauvaises pour la société en général, elles frappent souvent plus durement des groupes déjà marginalisés en exacerbant les inégalités et en biaisant la distribution des ressources. Au profit de ceux qui ont les meilleures relations, et au détriment de ceux qui ont le moins facilement accès à la justice.

Les entreprises peuvent, quand elles le veulent, adapter ou développer leurs programmes de compliance pour atténuer les risques de fraude internes et externes, et tenter de reprioritiser ces risques suivant la période. Ainsi, lorsque la chaine d’approvisionnement est bouleversée par les restrictions de mobilité, elles peuvent redoubler d’attention sur la vérification préalable de tout nouveau fournisseur ou client. Ou s’assurer qu’un expert en compliance ou juridique fasse partie de toute équipe de gestion de crise.

L’intégrité génère la confiance

Mais tant la société en général que les entreprises devraient aussi penser à ne pas faire l’économie de la promotion des plus hautes valeurs éthiques. Des pratiques honnêtes, et qui tendent à participer à l’effort collectif, pour le bénéfice du plus grand nombre, seront un socle nécessaire pour ressortir la tête de l’eau. Un souci de transparence et des gages de probité seront plus salutaires pour affronter les défis de la crise qu’une culture de la loi de la jungle. Sans un minimum de foi dans le système de notre gouvernance et de notre économie, souvent mise à mal par certains médias et les réseaux sociaux, la relance s’avère encore plus compliquée.

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