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Pourra-t-on éviter une dévaluation sociale ?

“Comme nous ne pouvons organiser une dévaluation monétaire, nous devrons subir une dévaluation sociale”, déclarait récemment un chef d’entreprise flamand, lors d’une réunion avec ses pairs à Leuven…

“Comme nous ne pouvons organiser une dévaluation monétaire, nous devrons subir une dévaluation sociale”, déclarait récemment un chef d’entreprise flamand, lors d’une réunion avec ses pairs à Leuven. Cette vision rejoint les récentes déclarations de Gérard Longuet, ancien ministre français, au quotidien Le Monde. Celui-ci estimait que “soit on sort de l’euro, soit on sort des 35 heures, mais on ne peut avoir les deux.” En d’autres mots, soit on dévalue la monnaie, soit on coupe dans les coûts pour retrouver une meilleure compétitivité.

Au début des années 1980 – le 21 février 1982 plus précisément – la Belgique avait opté pour la première formule. A cette époque, notre pays accumulait les handicaps, dus aux deux chocs pétroliers de 1972-1973 et de 1979-1980 qui avaient sérieusement affaibli la situation économique de la Belgique. Entre 1973 et 1982, l’emploi industriel avait baissé de 25 %, soit deux fois plus que chez nos voisins. Malgré le ralentissement de l’économie et la perte de productivité, l’évolution des salaires était restée positive.

Face à cette situation, le gouvernement Martens V prit une mesure drastique pour redresser la barre : la dévaluation du franc belge à hauteur de 8,5 %. Mais cette décision n’a porté ses fruits que parce qu’elle était accompagnée d’une sérieuse modération salariale durant plusieurs années. L’indexation des salaires fut suspendue pendant plusieurs mois avant d’être rabotée par la suite. Des coupes dans les dépenses publiques furent également mises en place. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sept ans plus tard, le salaire brut affichait une baisse de 12 % grâce aux mesures prises à partir de 1982. La compétitivité de la Belgique était à nouveau une réalité.

Tout en poursuivant le même objectif, l’Allemagne a choisi, 20 ans plus tard, la deuxième option : une coupe dans les coûts, surtout salariaux. Nos voisins d’outre-Rhin ont ainsi entrepris une vaste réforme de leur marché du travail dès le milieu des années 2000, sous le chancelier Gerhard Schröder. Le but poursuivi : améliorer la flexibilité du marché du travail. L’action du gouvernement a été menée sur différents fronts. Il a diminué le montant et la durée des indemnités versées aux personnes sans emploi et a encouragé le travail des plus de 55 ans. Le gouvernement allemand, avec son “agenda 2010”, a notamment mis en place un système d’allocations salariales. Actuellement, plus d’1,5 million de salariés en bénéficient. Ces mesures, combinées à une embellie conjoncturelle, ont permis au taux d’emploi des personnes âgées de 15 à 64 ans de passer de 64,3 % en 2003 à 71 % en 2009.

Parallèlement, les partenaires sociaux ont négocié de faibles hausses salariales combinées à une amélioration de la productivité, via une hausse des heures de travail pour un salaire identique. Cette modération salariale a permis de diminuer la part des salaires dans la valeur ajoutée. Le taux est ainsi passé de 63,4 % au début des années 2000 à 57,6 % en 2008. La croissance est également au rendez-vous puisque le taux de croissance devrait atteindre 3,6 % cette année.

Notre présence dans la zone euro ne nous permet plus de jouer la carte de la dévaluation monétaire. Reste donc la deuxième option : opter pour une sérieuse modération salariale qui permettrait d’améliorer notre compétitivité et la création de nouveaux emplois. La balle est à présent dans le camp des partenaires sociaux qui négocient le prochain accord interprofessionnel. Sinon, ce sera, comme dans les années 1980, au (futur) gouvernement d’imposer des mesures pour assurer notre survie économique.

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