Voyage au “coeur du réacteur” de l’appareil socialiste

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Depuis la formation du gouvernement Michel, les décisions sont le plus souvent annoncées par… le parti socialiste. Grâce à ses nombreux relais, évidemment. Mais surtout grâce à l’expertise développée dans son centre d’études, sans équivalent dans les autres partis.

Qui a donné la première conférence de presse sur la trajectoire budgétaire du gouvernement Michel ? Elio Di Rupo, deux jours après la déclaration gouvernementale à la Chambre. La veille, en fin de séance, le ministre du Budget Hervé Jamar (MR) avait fini par distribuer les tableaux chiffrés, réclamés haut et fort par l’opposition. Les conseillers du boulevard de l’Empereur ont disséqué les données toute la nuit. Ils les ont soigneusement recoupées auprès de leurs relais dans les universités et la haute administration. Et, le lendemain matin, le PS pouvait détailler une première salve de mesures concrètes imaginées par la majorité. Aucune de ces affirmations n’a été démentie depuis par les responsables libéraux.

Idem pour le budget 2015 des soins de santé, arrêté le 20 octobre : les informations précises sont arrivées par un communiqué du parti socialiste — informé en l’occurrence par la mutualité — et, depuis, on attend toujours les explications de la ministre des Affaires sociales, Maggie De Block (Open Vld). La titulaire précédente, Laurette Onkelinx (PS), nous avait habitués à plus de proactivité.

Cette expertise technique, observée avec jalousie par le monde politique belge, est logée au sein de l’Institut Emile Vandervelde (IEV), le centre d’études du parti. En quoi cette petite équipe de 19,9 équivalents temps plein (ETP), dont 14 conseillers, se distingue-t-elle donc des staffs des autres partis ? Par sa taille d’abord. La comptabilité officielle des partis recense 10,2 ETP chez Etopia (Ecolo), huit au Cepess du cdH (il n’y avait qu’un ETP en 2011, on veut donc muscler le centre) et seulement deux ETP au Centre Jean Gol du MR. Des chiffres qui en disent long et qui confirment le fait que, traditionnellement, les partis de gauche accordent plus d’importance à ces ressources internes.

Au service de tous les mandataires

Au-delà des chiffres, la spécificité fondamentale de l’IEV, c’est sa place centrale dans la vie du parti. “C’est le coeur du réacteur”, sourit un habitué des cabinets socialistes. Etopia, le Centre Jean Gol et le Cepess ont une mission avant tout prospective. Ils tentent d’éclairer les enjeux d’avenir, de préciser voire de moderniser une ligne idéologique, mais ils demeurent en marge de l’action politique quotidienne. L’Institut Emile Vandervelde est, lui, avant tout un soutien technique pour l’ensemble de l’appareil socialiste. “Cette machine de guerre intellectuelle soutient et informe tous les élus, explique Guillaume de Walque, conseiller à l’IEV avant de devenir le porte-parole d’Elio Di Rupo, alors Premier ministre. C’est une pièce très importante sur notre échiquier. Elle est au service de tous, des cabinets ministériels, des groupes parlementaires, mais aussi d’élus locaux qui ont besoin d’un soutien technique.”

Ici, on ne fait donc pas de l’idéologie en chambre mais on tente le plus possible de l’ancrer dans le quotidien. Les conseillers doivent être capables de fournir, dans l’heure ou presque, des éléments de réplique à la sortie d’un adversaire politique ou de sortir “la” proposition en phase avec un problème d’actualité. “Chez nous, un cafouillage comme on l’a vécu sur le montant des économies de la SNCB, c’est inimaginable, Elio ne supporterait pas”, sourit un conseiller de l’IEV. Il faut donc vérifier et re-vérifier les données pour que les mandataires puissent s’exprimer en connaissance de cause. “Les convictions qui ne s’appuient sur aucun fait précis sont toujours friables. Le rôle de l’IEV est de bâtir un argumentaire solide”, explique le député socialiste Ahmed Laaouej, qui a officié sept ans au centre d’études avant de tenter sa chance dans l’arène parlementaire.

Ces dernières années, cette mission a vraiment accaparé toute l’énergie de l’IEV, notamment pour le soutien à l’action de Di Rupo au 16, rue de la Loi ainsi que durant toute la longue négociation qui l’a précédée. A l’avenir, le travail plus prospectif, assorti de publications, devrait toutefois gagner en intensité.

Retrouvez cet article complet dans le magazine Trends-Tendances de cette semaine.

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